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Faut-il présumer que l'histoire a un sens ?

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Aussi si l'on assume la dialectique on ne peut s'autoriser à en présumer une fin, dès lors le sens de l'histoire dont le marxisme se réclame est non avenu et n'est qu?un prétexte pour se justifier, prétexte qui est défendu par ceux à qui cela profite. Camus n'y voit que l?indice de l'arbitraire et de la terreur. Il refuse l'idée que l'histoire puisse être saisie comme sens, direction rationalisée par la politique. L'homme est libre par rapport à l?avenir, la cohérence du passé ne peut nous déterminer l?avenir, celui-ci ne peut être lu comme un livre ouvert. Le monde n?est pas un comme un système physique dont on peut prévoir le comportement.  

III- L'histoire n?a de sens qu'a posteriori.              

Grand penseur de l'histoire  Hegel a défendu l?idée selon laquelle l?histoire, comme devenir de l'universel ruse en utilisant les faits particuliers, les crises historiques, pour s?accomplir. Le grand homme est celui qui est capable de lire plus loin que ses contemporains et de saisir le mouvement de l?histoire (aussi la Raison chez Hegel). Toutefois le philosophe allemand a également montré (cf La raison dans l?histoire) qu'il n'y avait pas pour l'homme de sens a priori (c'est à dire comme universel et nécessaire selon la définition kantienne, autrement dit comme indépendant de l?expérience) de l'histoire. Cela passe par le fait qu'il n'y a pas de leçon de l'histoire, le grand homme est quelqu'un qui n'a justement pas suivi ce que l'histoire a montré mais qui a su être de son temps et reconnaître l'originalité de la situation actuelle.

« Nous devons nous interroger non seulement sur la possibilité d'accorder un sens à l'histoire mais également nous demander si l'on doit ou non présumer un tel sens.

Signalons d'emblée que le mot sens ne saurait être pris que selon le sens faible d'avoir une signification, c'est sur le sens fort d'avoir une direction, une fin, que nous devrons porter notre examen.

En effet, en tant qu'elle est factuelle l'histoire a nécessairement un sens au sens premier, tout ce qui arrive est thématisable, même l'absurde ou l'horrible qu'on dit insensé ont précisément ce sens qu'on leur accorde.

Il faudra donc se demander s'il y a une raison qui conduise à défendre l'idée d'un sens, au sens d'une direction, de l'histoire ? Nous verrons qu'une telle raison existe, raison proprement politique sur laquelle nous nous interrogerons. I- Le marxisme entend mener l'histoire à sa fin. Dans la doctrine marxiste l'état sans classes sociales représente la fin de l'histoire, l'achèvement de toutes les dialectiques et processus historiques.

L'histoire, une fois les hommes à égalité n'aura plus de raison d'évoluer ; le communisme est donc théoriquement le moment dernier de l'histoire de l'humanité (en fait Marx dit de la préhistoire de l'humanité). La lutte des classes est la mise en mouvement de ce dernier acte lequel est légitimé comme devant rationnellement advenir.

Dans son livre Humanisme et terreur Merleau-Ponty rend compte de cette croyance marxiste en un devenir irréductible de l'histoire et rapproche cette position de la Gestalttheorie (théorie de la forme développée notamment par les neurophysiologistes allemand), on peut aussi la rapprocher de la notion d'entropie. La Gestalt est un système tel qu'il tend à atteindre un état d'équilibre (il finit par l'atteindre), ce qui arrive à chacune des parties retentit sur l'ensemble. L'histoire trouvera donc son équilibre, son entropie (équilibre énergétique d'un système physique, opposé à la néguentropie caractéristique du vivant qui est toujours en état de manque par rapport à son milieu, l'équilibre n'est qu'atteint dans la mort) lorsque les différences de classes seront abolies. C'est donc d'une nécessité que se réclame le marxisme : l'histoire a indiscutablement une fin et il appartient aux communistes de l'accomplir.

Les crises politiques intervenant ci et là dans le monde participent toutes à la composition de cet état d'équilibre à venir.

Chaque partie collabore à la cohérence du tout.

En fait pour sa propre cohérence le marxisme doit postuler que l'histoire a bien un sens. Puisque « la production économique et la structure sociale qui en résulte nécessairement forment, à chaque époque, la base de l'histoire politique et intellectuelle de l'époque », le « Manifeste » affirme que « toute l'histoire a été une histoire de lutte de classes ».

Mais la démonstration à laquelle se livre Marx ne s'arrête pas là: rendant intelligible le passé de l'humanité, elle en annonce également l'inéluctable avenir.

En effet, « Cette lutte a actuellement atteint une étape où la classe opprimée et exploitée (le prolétariat) ne peut plus se libérer de la classe qui l'exploite et l'opprime sans libérer en même temps et pour toujours la société entière de l'exploitation, de l'oppression et des luttes de classes.

» Réfutant un certain nombre d'interprétation fautives du Marxisme, Lénine affirme dans «L‘Etat & la Révolution » que l'œuvre de Marx ne saurait se limiter à cette seule découverte de la lutte des classes : l'idée de la « lutte des classes » n'est rien en effet si on ne la combine pas à celle de « dictature du prolétariat ».

Elle reste pourtant l'un des concepts clés de la théorie Marxiste et Lénine le reconnaissait bien qui, dans un texte de 1914 consacré à Marx déclarait : « Que, dans une société donnée, les aspirations des uns aillent à l'encontre de celles des autres, que la vie sociale soit pleine de contradictions, que l'histoire nous montre une lutte entre les peuples et les sociétés, aussi bien qu'en leur sein, qu'elle nous montre en outre une alternance de périodes de révolutions et de périodes de réaction, de guerres et de paix, de stagnation et de progrès rapide ou de déclin, ce sont là des faits universellement connus.

Le Marxisme a fourni le fil conducteur qui permet de découvrir l'existence de lois dans ce labyrinthe et ce chaos apparents : c'est la théorie de la lutte des classes.

» La théorie de la lutte des classes est donc, aux yeux d'Engels, l'idée maîtresse de Marx comme elle est, aux yeux de Lénine, le fil conducteur qui permet de comprendre l'histoire humaine.

C'est sur elle en tout cas que s'ouvre le texte du « Manifeste ». II- L'idée marxiste d'une fin de l'histoire est fausse. Afin de ne pas sembler utopique la politique marxiste se réclame d'une rationalité historique, d'une lecture rationnelle de l'histoire.

La politique pour justifier son action doit donc parfois présumer que l'histoire a un sens afin de se fonder sur un bâti solide.

Or précisément il n'est pas sûr que l'idée marxiste d'une fin de l'histoire ne soit pas contradictoire. Dans son livre L'homme révolté Camus dénonce la vision marxiste.

Elle est contradictoire selon lui parce que il n'y a pas de raison que les dialectiques cessent (la dialectique historique c'est le mouvement par lequel les régimes se succèdent les uns les autres par des processus de contradiction et de synthèse).

Camus pense qu'il est arbitraire de décréter que la dialectique s'arrête avec le moment communiste, pourquoi ne serait-elle pas elle-même dépassé par quelque chose d'autre ? Aussi si l'on assume la dialectique on ne peut s'autoriser à en présumer une fin, dès lors le sens de l'histoire dont le marxisme se réclame est non avenu et n'est qu'un prétexte pour se justifier, prétexte qui est défendu par. »

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