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Est-il vrai qu'on ne peut pas discuter des goûts ?

Extrait du document

« VOCABULAIRE: GOÛT: 1) Sens par lequel on perçoit les saveurs.

2) Faculté de porter un jugement approprié sur la beauté d'une oeuvre d'art.

Faculté de reconnaître et d'apprécier le beau.

Kant définira les caractéristiques du jugement de goût: : « Est beau l'objet d'une satisfaction désintéressée », « Est beau ce qui plaît universellement sans concept », « La beauté est la forme de la finalité d'un objet en tant qu'elle y est perçue sans la représentation d'une fin », « Est beau ce qui est reconnu sans concept comme l'objet d'une satisfaction nécessaire ». Lorsqu'il s'agit du beau et de l'art, l'opinion oscille souvent entre deux attitudes contradictoires.

Tantôt on souligne la relativité des jugements qui s'y rapportent, celle des « goûts et des couleurs «, en s'en remettant à la subjectivité de chacun.

Tantôt, au contraire, on se rapporte à un étalon ou à une mesure objective, qui se trouverait dans la connaissance des experts ou des artistes officiels, pour décider de ce qui est beau ou non, artistique ou pas. Cette hésitation fait ressortir les ambiguïtés liées au thème de la reconnaissance, au problème de savoir comment on peut reconnaître la beauté et l'art – en particulier la question de savoir s'ils entretiennent un quelconque rapport avec la raison. [Introduction] On prétend qu'on ne doit pas discuter des goûts, car ceux-ci sont subjectifs.

En effet, lorsque je déclare qu'une chose est belle, je n'exprime par là que le plaisir que je ressens.

Pourquoi ce plaisir devrait-il aussi être éprouvé par autrui? Cependant, la jouissance esthétique ne saurait être solitaire, et le refus de discuter pourrait bien être l'ultime refuge du mauvais goût : je dis que « c'est mon goût » pour cacher que je n'ai pas de goût.

Le beau appelle la communication et la discussion.

Mais comment celle-ci est-elle possible? On ne peut se contredire que sur fond d'accord.

Le beau doit avoir une certaine universalité pour devenir l'objet d'une discussion.

Comment dès lors un sentiment individuel peut-il être universel? [I.

La subjectivité du goût paraît rendre impossible toute discussion.] [1.

Le goût est subjectif.] Le mot « goût » est ambigu.

Il désigne à la fois : • au sens propre, le goût des aliments; • au sens figuré, le jugement de goût par lequel nous nous prononçons sur la beauté d'une chose. Ce rapprochement opéré par le langage semble indiquer que tout ce que l'on aime, en particulier ce que l'on trouve beau, est à penser sur le modèle du plaisir gastronomique.

Ce dernier étant subjectif (il dépend de nos organes, de nos traditions culinaires, etc.), on en conclut que le jugement de goût l'est aussi.

On peut donc informer quelqu'un de ce que l'on aime, mais on ne peut en discuter : ce n'est pas un jugement que l'on soumet à l'approbation ou à la réfutation.

Pour établir la possibilité d'une discussion, il faudrait à l'inverse montrer quel type d'objectivité ou d'universalité est supposé par le jugement de goût.

Il faut préciser le sens du mot « subjectif », car si, par exemple, la saveur est « subjective » en ce qu'elle dépend autant de nos organes que de l'aliment lui-même, elle peut être dite « objective » en ce sens qu'elle est rapportée à l'objet.

Si nous disons : « la pomme est sucrée », nous attribuons le caractère « sucré » à la pomme elle-même.

A l'inverse, la même sensation subjective sera dite subjective en un sens second, si nous nous référons au plaisir qu'elle nous procure : si nous disons «j'aime cette pomme », nous ne rapportons la sensation qu'à nous-même, à notre plaisir.

II faut donc distinguer le goût de l'aliment et nos goûts, c'est-à-dire nos préférences.

Appliquons cette distinction aux jugements de goût.

Si nous disons : « ceci est beau », nous n'exprimons pas une qualité de l'objet; mais nous indiquons simplement le plaisir que nous ressentons. [2.

Il ne peut donc y avoir de discussion.] Si le sentiment du beau, quoique variant suivant les individus, était rapporté à l'objet beau lui-même, il indiquerait une objectivité sur laquelle se fonder.

Si le beau appartient à l'objet, s'il en est une propriété au même titre que sa taille ou son poids, alors il y aurait sens à discuter de lui puisque nous serions en présence d'un même objet.

La subjectivité du sentiment indiquerait son propre dépassement dans un savoir objectif, tout comme la sensation subjective de sucré trouve un fondement objectif dans une connaissance scientifique de la texture chimique des corps.

Mais si le goût n'exprime que mon plaisir, comment peut-il prétendre à la discussion? Pourtant le jugement de goût appelle la parole.

Les hommes aiment à se communiquer leurs goûts.

S'agit-il d'une simple information? N'y a-t-il pas là l'amorce d'une discussion, comme lorsque deux dégustateurs échangent leurs impressions sur un vin? La parole ne sert pas ici à prouver, mais elle est au service de la sensation ou du sentiment. Elle a une fonction clarificatrice.

Si quelqu'un dit que tel vin a goût de fraise des bois, parce que le mot juste a été dit je serai plus à même de démêler ma propre sensation et d'y repérer ce goût.

De la même manière, en exprimant le plaisir singulier ressenti devant telle beauté, la discussion aiderait à débrouiller mon sentiment.

La discussion a pour fonction de favoriser ma propre épreuve du plaisir. Cette fonction du langage suppose cependant davantage.

Pour que le sentiment individuel puisse être éclairé par la parole d'autrui, il faut une relative similitude des manières de sentir individuelles.

Le sentiment n'étant pas identique en droit chez chacun, il ne reste plus qu'à admettre que de fait les hommes éprouvent les mêmes choses devant les mêmes objets.

On pourra justifier cette homogénéité par l'existence de modèles culturels qui façonnent les goûts.

La. »

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