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Est-il vrai qu'on ne peut désirer ce qu'on ne connaît pas ?

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« Désirer est cette activité projective du sujet qui consiste à reconnaître un manque dans son existence et à éprouver le besoin de le combler.

C'est ainsi que Malebranche emploie une formule lumineuse pour définir la nature du désir : « Le désir est l'idée d'un bien que l'on ne possède pas mais que l'on espère posséder ».

Une telle définition appelle un certain nombre de remarques, dont la première est que l'action de désirer est proprement humaine : en effet, seul l'homme peut en toute rigueur être dit désirant, dans la mesure où seul l'homme est capable d'avoir conscience d'un manque dans son existence, d'éprouver le besoin de le combler, et de se proposer des moyens concrets de parvenir à cette fin.

Les autres êtres vivants ne désirent pas : nous pouvons uniquement dire, à la rigueur, qu'ils tendent instinctivement vers quelque chose de nécessaire à la perpétuation de leur existence. Le terme de connaissance désigne l'acte par lequel la pensée fait en sorte de saisir et de définir un objet qui se présente à elle.

Mais en un sens plus général, celui que nous avons le plus tendance à adopter, la connaissance est le savoir qui résulte de cette action.

Précisons une caractéristique importante, sinon fondamentale, de l'idée de connaissance : la connaissance est un savoir qui n'a pas le caractère du doute, mais au contraire celui de la vérité. C'est en fonction de ce critère que nous la différencions de la croyance, qui, quant à elle, désigne un savoir que l'on est disposé à remettre en cause. A première vue, il parait contradictoire de prétendre que nous pouvons désirer ce qu'on ne connait pas : une telle phrase se heurte en effet aux attentes du bon sens le mieux assis.

En effet, il semble que le désir doit nécessairement avoir un objet, et, par conséquent, un objet dont nous puissions former une idée, car sans cela nous ne pourrions nous le représenter ni comme un manque, ni comme une fin de notre action.

Néanmoins, ne faisons nous pas une erreur grossière en réduisant le désir, acte proprement humain s'il en est, à la formulation d'un manque identifiable et dicible ? Une telle réduction du désir au connaissable est peut-être contraire à l'essence même du désir, ce que nous nous demanderons. Ainsi, la question au centre de notre réflexion sera de déterminer si l'acte de désirer nécessite la connaissance de l'objet du désir, ou si, à l'inverse, il n'est point de désir sans une part plus ou moins grande d'inconnu dans cet objet. I.

Désirer ce qu'on ne connait pas : une contradiction dans les termes ? a.

« On ne peut désirer ce qu'on ne connaît pas» (Voltaire) A première vue, la réponse à la question qui nous est posée n'est guère difficile à donner, et c'est à Voltaire que nous la devons : "On ne peut désirer ce qu'on ne connait pas" écrit l'auteur des Lettres Philosophiques dans sa pièce de théâtre intitulée Zaïre.

Une telle thèse est en effet aisément démontrable à l'aide du bon sens le plus largement répandu : on ne peut désirer ce qu'on ne connait pas, car une telle activité est pratiquement impossible. En effet, désirer est un verbe transitif : on désire quelque chose, aller aux Etats Unis, manger une glace, rencontrer quelqu'un etc...

Le désir est désir d'un objet, par conséquent, le désir est tension vers une chose que nous connaissons suffisament pour la nommer, ce qui est déjà un stade minimal et nécessaire de la connaissance. Lorsque l'objet de notre manque est inconnu, ou mal connu, on ne parle pas de désir, mais d'aspiration, c'est à dire d'une activité recherchant un objet beaucoup plus vague et indéfini.

Par conséquent, nous dirons sans plus de nuances que Voltaire qu'il est faux de prétendre que l'on peut désirer ce qu'on ne connait pas. b.

Dans quelle mesure désir et ignorance sont-ils incompatibles ? Néanmoins, ce qui apparait dans le développement que nous venons de faire, c'est que nous ne pouvons dire sans restriction qu'il est absolument impossible de désirer ce qu'on ne connait pas.

En effet, la connaissance a plusieurs degrés : d'une chose nous pouvons dire que nous la connaissons alors que notre degré de connaissance est beaucoup moins important que nous sommes susceptibles de le croire.

Par exemple, je peux connaître une chose de nom, ou de réputation, de vue, ou bien, comme l'écrit Jean de Léry dans la préface de l'Histoire d'un voyage faict en la terre du Brésil, "de science et d'expérience", c'est à dire après l'avoir vue, pratiquée, rencontrée, de manière approfondie et régulière.

En ce sens, nous dirons qu'il est faux de prétendre que nous pouvons désirer ce que nous ne connaissons pas, en ce sens que nous ne pouvons désirer sans avoir au moins une idée claire de l'objet de notre désir.

Néanmoins, une connaissance complète, exhaustive de ce dernier n'est pas nécessaire, et pourrait même au contraire causer un relâchement de notre désir.. »

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