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Est-il vrai qu'être libre, c'est pouvoir choisir ?

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« Notre interrogation porte sur la validité d'une adéquation, entre un état : « être libre », et une capacité, celle de « pouvoir choisir ».

Mais comment examiner la justesse de cette hypothèse ? Ne faut-il pas partir de ce qu'on connaît le mieux : « pouvoir choisir » et demander si cette capacité se fait à l'exclusion de toute cause externe, de tout déterminisme ? Dès lors la question semble se confondre avec celle de la possibilité du libre arbitre.

Or, nous verrons que les arguments ne manquent pas pour mettre en péril l'idée classique de libre arbitre. N'est-ce pas le criticisme kantien et sa distinction entre le caractère phénoménal et celui nouménal de notre existence qui nous fournira la clef du problème ? Nous verrons que rien n'est moins sûr. I- La question du libre arbitre. a) Dans la IVe méditation Descartes définit la liberté, comme a minima liberté d'indifférence (faire a ou b m'est égal, je me décide à faire l'un ou l'autre) et a maxima comme la capacité de choisir a ou b en toute connaissance de cause.

C'est-à-dire que la liberté correspond au choix éclairé. b) Or on peut se demander si Descartes ne confond pas là liberté et délibération.

Il semble qu'il saute un pas que nous ne pouvons nous autoriser à franchir, sans l'économie d'une critique. c) La critique la plus radicale du libre arbitre est peut-être celle développée par Schopenhauer dans L'essai sur le libre arbitre, l'auteur y examine la possibilité pour le sujet de s'autodéterminer, c'est-à-dire non seulement de posséder une connaissance adéquate des motifs qui le détermine mais aussi de s'en affranchir.

La réponse de Schopenhauer est négative : ce que nous prenons pour un libre choix est en fait déterminé par des motifs psychologiques dont on ne peut se défaire.

Schopenhauer défend l'idée d'un parallélisme total entre forces physiques et motifs psychologiques, l'impression que nous avons de pouvoir nous défaire des seconds plus facilement que des premières est une illusion.

Au principe de ma décision, il y'a toujours une motivation aussi infime et inassignable qu'elle puisse être. II- La solution kantienne. a) Or Schopenhauer, s'il a le mérite d'annoncer déjà les analyses de Nietzsche et de Freud au sujet de l'obscurité des motivations psychiques, n'est pas ici exempt de critiques.

En effet, Schopenhauer est trop hâtif, il assimile le libre arbitre à un idéal d'indifférence réalisé, or la liberté ne peut-être réduite à l'indifférence, ce que Descartes avait parfaitement compris.

Schopenhauer est enfermé dans une logique ou l'idée de liberté est déjà négativement présupposée sur le modèle de ce qui deviendra positivement chez Gide l'acte gratuit (dans « Les caves du Vatican »).

Schopenhauer confond donc deux problèmes, celui de la liberté et celui de l'acte gratuit, version naïve de la liberté. b) Quoique se pensant le meilleur héritier de Kant, Schopenhauer a donc renoncé à la distinction opérée par ce dernier quant à une double nature d e l'homme.

Dans le troisième conflit de la raison (« Antinomie de la raison pure », dans la Critique de la raison pure), Kant examine la possibilité pour le sujet de commencer de soi-même une série causale, pouvoir choisir reviendrait à être libre à la condition que le choix se situerait au commencement de la série causale (autodétermination du sujet), tel, donc, qu'il ne serait pas déjà pris dans la série des causes et des effets.

La solution de Kant consiste à tenir à la fois deux positions apparemment contradictoires, il affirme que l'homme est à la fois un être soumis aux lois de la nature, mais que cette inscription est conciliable avec un caractère nouménal, lequel renvoie à la capacité qu'a le sujet de se donner sa propre loi pour agir (ce qui est développé dans la seconde critique et dans les Fondements de la Métaphysique des moeurs). c) C'est dans les deux derniers ouvrages cités que Kant démontre l'existence de cette double nature du sujet, et en particulier de la liberté, à travers l'épreuve du remord.

Si je regrette d'avoir agit de telle façon, c'est bien pour Kant la preuve de ma liberté.

Le problème paraît dès lors résolu : être libre c'est pouvoir choisir, à la condition que ce pouvoir renvoie à la possibilité de s'autodéterminer. III- Etre libre, c'est l'être en acte. a) Certes, la justice n'aurait pas de sens si l'on ne supposait pas que le justiciable aurait pu agir autrement, mais qu'un homme ai bien ou mal agit, qu'il eu pu faire a au lieu de b, est-ce que cette question a réellement partie liée au problème de la liberté ? En fait, Kant semble sauver l'idée de liberté pour garantir sa morale et fonder l'idée de responsabilité du sujet.

Mais il faut avouer qu'il ne présente qu'une détermination négative de l'idée même de liberté, que je puisse me donner ma propre loi (comme avec l'impératif catégorique) renvoie plus à l'idée de responsabilité qu'à celle de liberté.

Et si ce n'était pas à l'examen de la possibilité d'une liberté cosmologique (laquelle guide Kant dès l'Antinomie de la raison pure, la liberté cosmologique c'est le pouvoir de n'être pas déterminé par une cause antérieure, donc de rompre avec l'ordre monotone et déterministe de la nature), mais d'une liberté au sens fort, c'est-à-dire en acte, que devrait s'atteler la pensée ? b) Etre libre ce ne serait pas un état, acquis, naturel à l'homme (comme chez Kant pour qui l'homme est naturellement double), mais l'être en acte ; il faudrait donc comprendre la liberté comme corrélative d'une libération, et l'état d'être libre comme coextensif de ce qui serait un acte libre du sujet. c) Dans l'Essai sur les données immédiates de la conscience Bergson expose sa conception de l'acte libre.

J'agis le plus souvent de façon machinale, mes actes sont au quotidien rivés à des habitudes, rythmes, rituels, mécanismes ; or il arrive (mais peut-être que cela n'arrive jamais nous prévient Bergson) que mon moi profond refasse surface et que je fasse tout autre chose que ce que j'étais déterminé à faire selon la logique de mon quotidien.

Ce qu'il faut comprendre c'est que l'acte libre s'impose et ne se propose pas au sujet, il se fait à l'exclusion radicale de tout choix, de toute délibération.

L'acte libre est un acte violent car il surprend mon entourage et aussi moi-même (il n'est pas le produit d'une réflexion), simplement il est la manifestation de mon moi profond, ce dont je ne peux prendre conscience qu'a posteriori.

Si être libre c'est l'être en acte, alors c'est à l'exclusion de tout pouvoir de choisir.

En cela Bergson propose une solution qui prend le contre-pied de toute la tradition philosophique. Conclusion : Pouvoir choisir cela renvoie au problème de la délibération et au statut de la raison humaine, mais encore à la condition de possibilité de la morale elle-même.

Toutefois, lorsque l'idée de liberté n'est plus employée dans la réflexion philosophique comme moyen terme mais bien examinée pour elle-même, il apparaît clairement que toute possibilité de choix vient compromettre l'exercice même de la liberté.

Le choix, l'hésitation, renvoient à une réflexion du sujet, tandis qu'être libre, en tant qu'on l'est en acte, ne se peut accomplir qu'en l'absence de toute parcelle de réflexion, laquelle fait immédiatement basculer le problème du côté de la raison.

L'acte libre n'est pourtant pas folie, il s'accompagne d'une sensation d'extrême lucidité, laquelle est avant tout un état psychologique et non une dimension intellectuelle.. »

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