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En quoi l'histoire est elle utile aux sciences?

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« L'utilité de l'histoire pour les sciences nous renvoie à l'idée d'un développement chronologique, mais surtout à la notion de progrès. L'enjeu est donc de déterminer dans quelle mesure le développement historique des sciences peut leur être utile, c'est-à-dire accroître la somme de connaissances qu'elles nous fournissent. Nous verrons, dans un premier temps, dans quelle mesure il est possible de se passer de l'histoire pour comprendre les sciences, l'accent étant mis uniquement sur la structure logique de la science.

À ce niveau, l'histoire n'est pas en soi utile, puisqu'il s'agit pour la science d'être logiquement performante, c'est-à-dire d'exprimer adéquatement le réel.

Nous analyserons cependant les défauts d'une telle conception en nous référant à la critique qu'en a fournie Thomas Kuhn.

Nous verrons alors comment l'histoire peut être réintroduite dans le champ scientifique.

Toutefois, cela impliquera de distinguer nettement histoire et progrès, car s'il y a évolution, il n'est pas certain qu'il s'agisse d'un progrès véritable. I – Carnap et le positivisme logique Pour le positivisme logique (courant philosophique viennois datant du début du 19 ème siècle), l'histoire ne possède aucune utilité véritable pour la science, puisque l'accent ne doit pas être mis sur le développement chronologique, c'est-à-dire temporel et historique des sciences, mais sur la structure logique de la science.

Mais analysons en détail cette idée afin de comprendre ce qu'elle implique. Rudolf Carnap (un des représentants du positivisme logique) s'est constamment concentré, non pas sur telle ou telle théorie scientifique, mais sur la structure interne des théories en général.

Il s'agissait pour lui de déterminer à quelles conditions un énoncé scientifique peut être pourvu de sens : 1° l'énoncé doit être logiquement construit et 2° exprimer un fait positif isolable.

D'où le nom de positivisme logique. Il faut comprendre que l'enjeu est ici d e reconnaître la science comme le seul lieu où des énoncés significatifs (ayant un sens) peuvent être produits ; à l'inverse de la métaphysique, qui par exemple parle de l' « être», ce qui ne correspond à rien de visible dans le monde, à aucun fait isolable.

C'est donc la structure logique de la science qui compte : comment, à toutes les époques, la science parvient-elle (ou comment doit-elle procéder pour y parvenir) à formuler des énoncés positifs et logiques (logiquement construits) ? L'histoire ne joue donc aucun rôle dans cette vision de la science.

Notons d'ailleurs qu'il s'agit de « la » science, puisque toutes les sciences se trouvent réunies autour d'une méthode de construction des énoncés.

Qu'il s'agisse de mathématiques ou de physique n'a alors pas d'importance. II – Kuhn : un plaidoyer pour l'histoire dans « La structure des révolutions scientifiques » Cette vision très méthodique de la science (quelle est la méthode de la science dans la construction de ses énoncés) a été critiqué par Thomas Kuhn, physicien de formation et auteur de La structure des révolutions scientifiques, ouvrage majeur de l'épistémologie contemporaine.

En effet, pour lui, l'argumentation de Carnap, pour intéressante qu'elle soit, ne rend pas compte adéquatement de la science.

En effet, selon Carnap, le langage dans lequel s'expriment les théories scientifiques devrait rendre compte de manière toujours plus fine du réel.

Ainsi, la science devrait s'approcher d e plus en plus du réel, finissant un jour par l'exprimer adéquatement.

Les remarques sur la méthode (anhistorique) de la science conduisent alors à l'idée que, à terme, la science saisira l'essence même du réel. Par une sorte de processus cumulatif et d'affinement des propositions scientifiques, la science s'acheminerait vers l'expression adéquate du réel. Carnap s'est rendu compte de ce problème, mais c'est Kuhn qui en fournira une critique.

Pour lui, la science n'est pas avant tout un édifice logique, mais la formulation de théories qui se succèdent dans le temps.

« La structure… » commence d'ailleurs par un plaidoyer pour l'histoire.

Cependant, il faut s'entendre sur le rôle qui incombe ici à l'histoire.

En effet, alors que la méthode d e Carnap (anhistorique) revenait quand m ê m e à donner un rôle à l'histoire, nous allons voir que Kuhn, en redonnant s a place à l'histoire, réaménage toutefois l'idée de progrès, liée à la notion d'histoire. LA NOTION DE PARADIGME SELON KUHN L'histoire des sciences, pour Kuhn, n'est pas constituée par un progrès continu et cumulatif, mais par des sauts, par des crises qui voient des paradigmes se substituer soudainement à d'autres.

Un paradigme, c'est un modèle dominant, faits de principes théoriques, d e pratiques communes, d'exemples fondateurs qui soudent une communauté d e chercheurs, qui orientent leur recherche et sélectionnent les problèmes intéressants à leurs yeux.

Un paradigme n'est jamais totalement explicite.

C'est pourquoi, selon Kuhn, le questionnement scientifique n'est jamais neutre. Dans la postface à son livre La Structure des révolutions scientifiques (1 962), Kuhn cherche à classer les différentes significations du concept de paradigme : La notion de PARADIGME Explications Désigne une manière d'être et de penser propre à une communauté scientifique. (La communauté scientifique est une société comme les autres, avec ses circuits, s e s relations, ses communautés d'intérêt et de discussion.) 1) Un même cursus de formation; dans les matières scientifiques, cette « initiation professionnelle est semblable, à u n degré inégalé dans la plupart des autres disciplines » : même enseignement, même littérature technique, mêmes exemples, etc.). 2) Un ensemble d'objectifs communs, « qui englobent la formation de leurs successeurs ». 3) Des réseaux spécifiques de circulation d'informations : périodiques, conférences spécialisées, articles, correspondances officieuses ou officielles. Désigne la matrice disciplinaire d e cette communauté. (Le paradigme représente « l'ensemble d e croyances, d e valeurs reconnues et de techniques qui sont communes aux membres d'un groupe donné.

» C'est ici une communauté technique d e pratiques, de gestes et d e vocabulaire qui soude le groupe de chercheurs.) 1 ) Des généralisations symboliques : ce sont les éléments formalisables (symboles, concepts, principes, équations d e base...) couramment utilisés. Certaines équations fonctionnent à la fois comme lois de la nature et comme définitions conceptuelles.

Par exemple, la formule newtonienne : la force est le produit de la masse par l'accélération, est à la fois une loi de la nature, et une définition de la force. 2) Des croyances en des métaphores, des analogies fonctionnant comme modèles heuristiques (qui aident à la découverte).

Par exemple, l'analogie entre le courant électrique et le modèle hydraulique ; entre des molécules d e gaz et des boules d e billard élastiques s e heurtant au hasard... 3) Des valeurs générales : exactitude des calculs, cohérence interne, simplicité, «beauté» d'une démonstration, efficacité des théories...

Ces valeurs peuvent être communes à plusieurs groupes, mais leur application, leur hiérarchisation diffèrent souvent d'un cercle scientifique à un autre.. »

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