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En quel sens peut-on dire qu'on expérimente avec sa raison ?

Extrait du document

« L'expérience, prise en elle-même, n'instruit pas "Prenons pour exemple ce morceau de cire qui vient d'être tiré de la ruche : [...] sa couleur, sa figure, sa grandeur sont apparentes ; il est dur, il est froid [...].

Mais voici que, cependant que je parle, on l'approche du feu ; ce qui y restait de saveur s'exhale, l'odeur s'évanouit, sa couleur se change, sa figure se perd, sa grandeur augmente, il devient liquide, il s'échauffe [...].

La même cire demeure-telle après ce changement ? Il faut avouer qu'elle demeure, et personne ne le peut nier.

Qu'est-ce donc que l'on connaissait en ce morceau de cire avec tant de distinction ? Certes ce ne peut être rien de tout ce que j'y ai remarqué par l'entremise des sens, puisque toutes les choses qui tombaient sous le goût, ou l'odorat, ou la vue, ou l'attouchement, ou l'ouïe, se trouvent changées, et cependant la même cire demeure." DESCARTES Dans ses Méditations métaphysiques, Descartes expose son cheminement, partant de la nécessité du doute à la première certitude du Cogito, suivie par la garantie d'un savoir enfin possible grâce à la certitude de l'existence de Dieu.

Dans ce passage, extrait de la Méditation seconde, il n'est pas encore parvenu à cette certitude.

Ainsi, comment un morceau de cire peut-il être encore de la cire, alors que sous l'action de la chaleur, il change du tout au tout ? Sous leur apparente stabilité, les choses sont changeantes, au point qu'il est difficile d'en dégager des caractéristiques solides.

Et pourtant, les images diverses par lesquelles je me représente la cire ne sont pas le fait de l'imagination.

Dès lors, qu'est-ce, finalement, que ce morceau de cire ? Un objet doit toujours être identique à lui-même pour être dénommé et connu en tant que tel. Comment pouvons-nous penser les objets en eux-mêmes ? Les données que nous fournissent les sens et l'imagination reproductrice ne sont-elles par erronées ? Pour être objective, la connaissance doit dépasser la multiplicité des représentations sensibles. C'est la raison qui observe L'homme de science ne se borne pas à regarder ce qui l'entoure, à la manière d'un touriste visitant un pays étranger.

Pour lui, observer signifie détailler.

Face à un phénomène donné, il sépare les éléments qu'il connaît déjà de ceux qu'il ignore.

S'il parvient à un tel résultat, c'est uniquement parce qu'il ne se contente pas d'observer avec ses yeux.

Sa raison le guide. « ...

Devant le réel le plus complexe, si nous étions livrés à nous-mêmes c'est du côté du pittoresque, du pouvoir évocateur que nous chercherions la connaissance; le monde serait notre représentation.

Par contre si nous étions livrés tout entiers à la société, c'est du côté du général, de l'utile, du convenu que nous chercherions la connaissance; le monde serait notre convention.

En fait la vérité scientifique est une prédiction, mieux une prédication.

Nous appelons les esprits à la convergence en annonçant la nouvelle scientifique, en transmettant du même coup une pensée et une expérience, liant la pensée à l'expérience dans une vérification: le monde scientifique est donc notre vérification.

Au-dessus du sujet, au delà de l'objet immédiat la science moderne se fonde sur le projet.

Dans la pensée scientifique la méditation de l'objet par le sujet prend toujours la forme du projet. [...] Déjà l'observation a besoin d'un corps de précautions qui conduisent à réfléchir avant de regarder, qui réforment du moins la première vision de sorte que ce n'est jamais la première observation qui est la bonne.

L'observation scientifique est toujours une observation polémique; elle confirme ou infirme une thèse antérieure. Naturellement dès qu'on passe de l'observation à l'expérimentation, le caractère polémique de la connaissance devient plus net encore.

Alors il faut que le phénomène soit trié, filtré, épuré, coulé dans le moule des instruments...

Or les instruments ne sont que des théories matérialisées.

Il en sort des phénomènes qui portent de toute part la marque théorique..

» Gaston BACHELARD (introduction) (Explication et commentaire) « ...

Si nous étions livrés à nous mêmes, c'est du côté du pittoresque, du pouvoir évocateur que nous chercherions la connaissance; le monde serait notre représentation.» La connaissance immédiate, préscientifique n'est pas une connaissance objective.

Elle est au contraire chargée de subjectivité car nous nous projetons inconsciemment sur le monde.

« Je vois le monde comme je suis avant de le voir comme il est », disait Paul Éluard, cité par Bachelard.

Le monde de la connaissance immédiate coloré et divers, bruyant, pittoresque est « notre représentation ».

Il sourit de nos joies et grimace de nos angoisses.

Le spectacle de la flamme aux formes bizarre aux couleurs éclatantes, à la morsure cruelle ne nous dit pas ce La science, écrit Gaston Bachelard, « crée de la philosophie ».

Elle représente en effet la pensée vivante, dynamique.

Elle « instruit la raison » car la raison ne s'apparaît à elle même telle qu'elle est et telle qu'elle devient, que dans son activité réelle, actuelle, qui est l'activité scientifique.

Le problème est alors de savoir quelle philosophie de la connaissance la science peut suggérer.

A l'époque où écrit Bachelard les avis divergent.

Émile Meyerson pense que la science accrédite avant tout un réalisme : « Les concepts créés par la science tels l'atome, la masse ou l'énergie...

sont...

des choses...

participant au caractère de la chose en soi.

» Pour Brunschvicg, la science qui substitue à l'épaisseur énigmatique du monde un réseau translucide de relations mathématiques, justifierait plutôt l'idéalisme.

Ne transforme t elle pas la matière en idées, en formules algébriques transparentes pour l'esprit? Pour Bergson et ses disciples, comme Édouard Le Roy, la science représente un ensemble de conventions commodes mais artificielles qui permettent plutôt de manipuler le monde que de le comprendre.

Merleau Ponty, plus proche de Bergson qu'il ne pense, écrit dans cet esprit que « la science manipule les choses et renonce à les habiter », C'est là une interprétation nominaliste de la science.

La philosophie de Bachelard n'est pas une réflexion à posteriori sur la science déjà faite.

Elle veut tirer des enseignements du travail lui même, de la science en train de se faire.

C'est pourquoi elle apparaît plus complexe et plus nuancée.

Elle ne saurait être unilatérale et retient quelque chose tout à la fois du réalisme, de l'idéalisme, du nominalisme. qu'est vraiment une combustion.

Il ne nous parle que de nous-mêmes, sollicite nos rêveries, réveille et nourrit nos désirs inconscients.

Il tourne le dos à la connaissance objective.

L'édification de la science exigera que nous « psychanalysions » cette connaissance immédiate qui n'est que notre représentation.

Pour parvenir au savoir scientifique il sera indispensable d'éliminer de la connaissance les projections psychologiques spontanées et inconscientes, d'opérer une psychanalyse de la connaissance.

Devant le monde des choses nous devons « arrêter toutes les expansions, nous devons brimer notre personne ».

Le monde qui est notre représentation c'est le monde subjectif du poète, aux antipodes du monde objectif du savant : « Les axes de la poésie et de la science sont inverses ».

Bachelard dans ses ouvrages poétiques Psychanalyse du feu, L'eau et les rêves, etc., explore ce monde subjectif.

Dans ses ouvrages d'épistémologie, il lui tourne 12 dos.

L'expression : « le monde est notre représentation » qui définit le subjectivisme involontaire de la connaissance immédiate est empruntée, semble t il, au titre du célèbre ouvrage de Schopenhauer Le monde comme volonté et comme représentation. « ...

Si nous étions livrés tout entiers à la société c'est du côté du général, de l'utile...

que nous chercherions la connaissance ; le monde serait notre convention...

». Pour Bergson l'intelligence scientifique est celle de l'homo faber et de l'homo politicus.

Elle découpe le monde en vue de l'utilité collective.

Elle est un ensemble de conventions qui réussissent.

Bachelard ne nie pas, loin de là cet aspect social de la recherche scientifique.

Le savant travaille en équipe, c'est un citoyen de la « cité scientifique », cité qui exige tout à la fois des travailleurs de plus en plus spécialisés, et en même temps la solidarité de tous ces spécialistes qui forment ce que Bachelard nomme magnifiquement « l'union des travailleurs de la preuve ».

Mais la dimension sociale de la science ne nous livre pas la clef du travail scientifique lui même. « La vérité scientifique est une prédiction, mieux une prédication ».

Voilà une très belle formule, caractéristique du style dense et brillant de Bachelard.

La science est prédiction car le moteur de la découverte c'est l'hypothèse, définie par Claude Bernard comme « explication anticipée et rationnelle des phénomènes », Le savant ne répond pas directement et définitivement à la question « pourquoi » par une proposition affirmative, Mais il procède par le détour d'une nouvelle question.

Il demande, selon Bachelard : « Pourquoi pas ? » C'est le savant qui va au devant de la nature, qui risque une explication audacieuse, qui propose une hypothèse imprévue et qui demande à la nature : « Pourquoi pas? » La science est prédication car elle annonce la bonne nouvelle d'une explication rationnelle des phénomènes; elle invite par là disait André Lalande à l' " assimilation des esprits entre eux », tout ce qui est rationnel étant universel, susceptible d'être librement accepté par tous les esprits.

La science, disait le rationaliste Albert Bayet, est ci principe d'union » : Ma preuve une fois comprise par toi devient ta preuve.

La preuve marque à la fois « la règle d'or de l'intelligence et la forme la plus haute de l'altruisme » puisqu'elle implique cc le désir de s'accorder avec autrui sur les choses essentielles et le désir que cet accord ne soit pas un accord de surprise mais bien l'expression solide d'une communion réelle.

» La dimension sociologique de la science change ici radicalement d'aspect.

Ce n'est pas parce que la science traduit les exigences de la collectivité qu'elle est vraie.

C'est au contraire parce qu'elle est vraie qu'elle a le pouvoir d'assurer la «convergence » des esprits. « ...

Le monde scientifique est notre vérification...

La science se fonde sur le projet ...

».

Au niveau de l'hypothèse la science donne raison à l'idéalisme puisque l'esprit, proposant une idée explicatrice se porte au devant du réel. Au niveau de la vérification la science rejoint le réalisme puisque là, la théorie est soumise au contrôle du réel.

L'hypothèse elle même n'est qu'un projet de vérification.

La théorie proposée est inséparable des instruments de laboratoires qui la soumettront à vérification.

La vraie philosophie scientifique n'est ni exclusivement idéaliste ni exclusivement réaliste.

Elle est dialectique.

L'hypothèse est proposée pour résoudre une contradiction entre telle ancienne théorie et les faits qui la démentent.

A son tour l'hypothèse vérifiée pourra être mise en cause par la découverte de faits inédits qui entrent à titre de problème dans la dialectique expérimentale qui se poursuit sans fin. Comme dit Husserl : cc C'est l'essence propre de la science, c'est a pison mode d'être, d'être hypothèse à l'infini et vérification à l'infini » « ...

L'observation scientifique est toujours une observation polémique, elle confirme ou infirme une thèse antérieure...

» Il n'est pas tout à fait vrai de dire que la science part des faits.

Si foin qu'on recule dans l'histoire de l'humanité on retrouve autour des faits des mythes qui prétendent les expliquer.

Il n'y a pas dit Bachelard cc des vérités premières, il n'y a que des erreurs premières ».

La science se constitue non pas en accumulant paisiblement des connaissances par des observations répétées mais en réfutant les premières interprétations mythiques : « En revenant sur un passé d'erreurs, on trouve la vérité en un véritable repentir intellectuel.

En fait, on connaît contre une connaissance antérieure, en détruisant des connaissances mai faites.

» Le point de départ de la recherche n'est jamais le fait empirique considéré à part, mais le problème posé par le fait, la contradiction entre le fait découvert et les conceptions théoriques antérieures.

Lorsqu'en 1643 les fontainiers de Florence, tirant l'eau d'une citerne avec une pompe aspirante, constatent qu'au delà de cc 18 brasses » (10,33 m) l'eau ne monte plus dans la pompe vide, nous avons là une observation typiquement polémique puisqu'elle contredit la théorie admise à l'époque : la nature a horreur du vide.

Ce n'est pas le fait lui même, mais la contradiction, le problème posé par le fait qui va susciter les recherches de Galilée, Torricelli et Pascal.

De même lorsque Lavoisier constate en octobre 1772 qu'un morceau de plomb brûlé pèse plus lourd que le plomb initial, c'est encore un fait polémique puisque d'après la théorie de l'époque un métal qui se consume libère son « phlogistique » et que la chaux résiduelle devrait alors peser moins lourd! Il appartiendra à Lavoisier de rétablir un système intelligible en montrant que la combustion n'est pas une décomposition chimique mais tout au contraire une combinaison.

La combustion d'un corps implique non le départ d'un « phlogistique » mais tout au contraire la fixation de l'oxygène de l'air.

Dans tous les cas, le fait ne tire son sens que d'un contexte d'idées.

Le fait polémique a le sens d'une contradiction.

C'est ce qu'on peut appeler le fait question ; le fait expérimental qui confirme une hypothèse nouvelle c'est le fait solution, le fait réponse.

Le fait tire toujours son sens d'un système d'idées.

Il est toujours question ou réponse, il n'est jamais expérience nue et passive, indépendamment de l'activité de l'esprit. « ...

Les instruments ne sont que des théories matérialisées...

». Au niveau de l'expérimentation, l'cc activité rationaliste » est encore plus nette qu'au moment de la seule observation.

Car les outils de l'expérimentation sont eux mêmes des produits de la raison et de la théorie.

Et cela apparaît de façon éclatante même au niveau des appareils les plus simples et les plus modestes.

L'usage d'un instrument aussi élémentaire qu'un banal thermomètre nous introduit déjà dans un monde cc scientifique ».

La relation complexe entre mon organisme et le milieu d'où résulte l'impression vécue de température est remplacée par une mesure fondée sur des relations beaucoup plus simples entre un objet et le milieu.

Apprécier une température, c'est mesurer la dilatation d'une colonne de mercure sur une échelle graduée.

Mais la fabrication d'un tel instrument requiert une théorie scientifique préalable.

Un thermomètre, c'est la théorie de la dilatation matérialisée.

Et cela est encore plus vrai des instruments de la science contemporaine.

cc En suivant la physique contemporaine, dit Bachelard, nous avons quitté la nature pour entrer dans une fabrique de phénomènes.

» Ce texte permet de caractériser, à égale distance de l'idéalisme pur et du réalisme brut, ce qu'est l'épistémologie rationaliste de Gaston Bachelard : un rationalisme dialectique : l'histoire du progrès scientifique c'est l'histoire des contradictions résolues, et à nouveau toujours suscitées entre les théories et les faits; non pas le rationalisme clos des systèmes métaphysiques, mais le rationalisme ouvert de la science vivante.

L'histoire de la science est celle d'une révolution permanente.

Non pas un progrès linéaire par accumulation d'observations, mais une histoire tourmentée et dramatique semée de « coupures épistémologiques ».

Le savoir rationnel est un savoir polémique, une incessante rectification.

Sans cesse la science « se forme en se réformant ». La science, écrit Bachelard, « crée de la philosophie ».

Elle représente en effet la pensée vivante, dynamique.

Elle « instruit la raison » car la raison ne s'apparaît à elle-même telle qu'elle est et telle qu'elle devient, que dans son activité réelle, actuelle, qui est l'activité scientifique.

Le problème est alors de savoir quelle philosophie de la connaissance la science peut suggérer.

A l'époque où écrit Bachelard les avis divergent.

Emile Meyerson pense que la science accrédite avant tout un réalisme : « Les concepts crées par la science tels l'atome, la masse ou l'énergie...

sont...des choses...

participant au caractère de la chose en soi ».

Pour Brunschvicg, la science qui substitue à l'épaisseur énigmatique du monde un réseau translucide de relations mathématiques, justifierait plutôt l'idéalisme.

Ne transforme-t-elle pas la matière en idées, en formules algébriques transparentes pour l'esprit ? Pour Bergson, la science représente un ensemble de conventions commodes mais artificielles qui permettent plutôt de manipuler le monde que de le comprendre.

Merleau-Ponty, plus proche de Bergson qu'il ne le pense, écrit dans cet esprit que « la science manipule les choses et renonce à les habiter ».

C'est là une interprétation nominaliste de la science.

La philosophie de Bachelard n'est pas une réflexion a posteriori sur la science déjà faite.

Elle veut tirer des enseignements du travail lui-même, de la science en train de se faire.

C'est pourquoi elle apparaît plus complexe et plus nuancée.

Elle ne saurait être unilatérale et retient quelque chose tout à la fois du réalisme, de l'idéalisme, du nominalisme. • « Si nous étions livrés à nous-mêmes, c'est du côté du pittoresque, du pouvoir évocateur que nous chercherions la connaissance ; le monde serait notre représentation.

» La connaissance immédiate, préscientifique n'est pas une connaissance objective.

Elle est au contraire chargée de subjectivité car nous nous projetons inconsciemment sur le monde.

« Je vois le monde comme je suis avant de le voir comme il est » disait Eluard, cité par Bachelard.

Le monde de la connaissance immédiate coloré et divers, bruyant, pittoresque est « notre représentation ».

Il sourit de nos joies et grimace de nos angoisses.

Le spectacle de la flamme aux formes bizarres, aux couleurs éclatantes, à la morsure cruelle ne nous dit pas ce qu'est vraiment une combustion.

Il ne nous parle que de nous-mêmes, sollicite nos rêveries, réveille et nourrit nos désirs inconscients.

Il tourne le dos à la connaissance objective.

L'édification de la science exigera que nous « psychanalysions » cette connaissance immédiate qui n'est que notre représentation.

Pour parvenir au savoir scientifique il sera indispensable d'éliminer de la connaissance les projections psychologiques spontanées & inconscientes, d'opérer une psychanalyse de la connaissance.

Devant le monde des choses nous devons « arrêter toutes les expansions, nous devons brimer notre personne ».

Le monde qui est notre représentation c'est le monde subjectif du poète, aux antipodes du monde objectif du savant : « les axes de la poésie et de la science sont inverses » Bachelard, dans ses ouvrages poétiques explore ce monde subjectif.

Dans ses ouvrages d'épistémologie, il lui tourne le dos.

L'expression : « le monde est notre représentation » qui définit le subjectivisme involontaire de la. »

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