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cours philo LE TRAVAIL LIBERE-T-IL L’HOMME ?

Publié le 02/05/2024

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« LE TRAVAIL LIBERE-T-IL L’HOMME ? Dans son acception la plus large, « travail » est synonyme d’activité métabolique : travailler, c’est trouver l’énergie nécessaire pour dépenser sa vie ; produire ses moyens d’existence.

« Travailler » se confond alors avec vivre, puisque tout organisme absorbe de l’énergie et la dépense.

Le travail ainsi considéré ne peut être qu’une contrainte répétitive, laquelle n’a rien de spécifiquement humain : tous les animaux « gagnent leur pain ».

Une vie vraiment humaine consisterait alors à réduire au maximum le temps de travail, afin de laisser la place à des activités plus libres et plus épanouissantes, telles que le jeu et le loisir (loisir dans lequel peuvent entrer des pratiques telles que l’art, la politique, le savoir ainsi que l’amitié, l’amour conjugal et familial). Cependant, le travail humain se distingue de l’activité biologique en général par son intelligence collaborative et technique (« technique » : ensemble des agencements que l’intelligence invente afin de répondre à un but que se représente la volonté).

Par le travail, les hommes sont capables non seulement de survivre, mais aussi de produire collectivement les objets de leurs désirs, de construire concrètement le monde que leur esprit projette.

Le travail en ce sens ne serait plus une corvée, mais au contraire un moyen pour l’humanité de se libérer des contraintes naturelles, un moyen d’exercer ses facultés et sa volonté, un moyen de réaliser ses désirs et, en les réalisant, de se réaliser. Le problème est donc le suivant : le fait que le travail prenne chez l’homme une forme culturelle, qui est à la fois collaborative et technique, suffit-il à le rendre épanouissant ? I.

Le travail au sens biologique de subsistance 1) Le travail comme nécessité animale Si on définit l’homme comme étant un animal capable d’agir librement et d’inventer collectivement un monde qui échappe au règne de la nécessité, alors l’activité de travailler, en tant que nécessaire, semble s’opposer à notre humanité.

En effet, qu’estce que travailler pour un homme, sinon trouver les moyens nécessaires de subsister, c’est-à-dire cueillir, chasser (paléolithique), puis produire par l’agriculture et l’élevage (néolithique) l’énergie indispensable à la survie ? Le travail est d’abord peine, labeur, car il est la conséquence de tout affrontement biologique du vivant avec son milieu.

Il n’est pas ce qui définit l’homme, mais au contraire, l’aveu de son animalité, c’est-à-dire la réponse nécessaire à ce qui, en lui, par la soif ou la faim, se manifeste sans qu’il l’ait décidé.

Le fait que l’homme utilise des outils complexes et procède par coopération ne fait pas du travail une activité spécifiquement humaine, différente par nature de l’activité animale, puisque le but est bêtement le même : survivre quotidiennement. 1 Non seulement le travail me détermine comme être de besoin mais il m’enferme également dans un cycle répétitif et sans fin, celui par lequel la vie se régénère faute d’être indépendante ou de pouvoir s’immortaliser.

Le travail, en tant qu’il se répète et ne construit rien de durable - l’énergie qu’il produit devant être consommée - est avant tout besogne servile.

Travailler, c’est donc être l’esclave de la nature, l’esclave de ses besoins. Aussi, le seul moyen pour un homme de se livrer à des activités qui ne soient pas de simple survie consiste à éliminer le plus possible le travail de son existence.

C’est en ce sens, écrit Hannah Arendt, qu’il faut comprendre l’institution de l’esclavage dans la Grèce antique : « Les Anciens jugeaient qu’il fallait avoir des esclaves à cause de la nature servile de toutes les occupations qui pourvoyaient aux besoins de la vie » (Condition de l’homme moderne, 1958).

Si les esclaves n’étaient pas considérés comme des hommes, c’était à cause de leur activité laborieuse incessante, qui les réduisait à l’état d’animaux. 2) Le loisir comme liberté humaine Le temps du travail étant celui de la nécessité, il faut que les hommes s’en libèrent.

Ce temps libéré du travail, ce temps libre, les penseurs grecs et latins de l’antiquité l’appelaient « loisir ».

Mais attention, il ne suffit pas alors d’avoir du temps en dehors du travail pour que ce temps soit libre, car le temps passé en dehors du travail peut encore dépendre, en grande partie, du travail effectué.

C’est pourquoi il faut distinguer le temps hors travail aliéné par le travail et le temps véritablement libre.

Résumons les cas : - Temps hors travail qui dépend du travail : - repos physique nécessaire (sommeil, repas) - repos psychique nécessaire (divertissement). - Temps hors travail libéré du travail : philosophie, science, art, politique.

Nous reconnaissons dans cette énumération les catégories fondamentales de la dignité humaine selon Aristote : theoria, poesis et praxis.

Il faut comprendre pourquoi ces activités ne sont pas considérées comme des travaux : parce qu’elles sont libérées de la nécessité de survivre, du besoin.

Le loisir n’a donc rien à voir avec le farniente.

Les grecs appelaient le loisir « scholè », qui a donné « école » et « scolaire » ; tandis que les latins l’appelaient « studium », qui a donné « étude ».

Le loisir est une activité qui demande des efforts, mais ces efforts sont volontaires, contrairement à ceux du travail, et correspondent à ma volonté d’exercer mon humanité.

En ce sens, ce sont des efforts épanouissants, qui m’élèvent, me lient (m’obligent) à un beau projet, tandis que les efforts au travail m’abaissent, me placent sous la contrainte de lois physiques et biologiques qui sont étrangères à mon humanité. Conclusion de ce I : L’homme doit travailler moins pour mieux vivre.

C’est parce que les citoyens de l’Athènes antique avaient compris cela qu’ils ont institué l’esclavage, c’est-à-dire créé des sous-hommes pour devenir eux-mêmes des hommes à part entière, dévoués au seul loisir.

Cependant l’esclavage n’est pas un moyen durable ni légitime de réduire le temps de travail. 2 C’est pourquoi Marx (texte 1) propose, dans Le Capital, que le travail des esclaves soit remplacé par celui des machines.

Grâce à la productivité des machines, l’humanité peut enfin organiser collectivement le travail de telle sorte que ses besoins primaires (survie) et secondaires (confort minimal) soient satisfaits rapidement.

Les hommes, se contentant de construire, surveiller et réparer ces machines pourraient ne plus travailler qu’une dizaine d’heures par semaine, et se consacrer le reste du temps à des activités libres, plus dignes, plus créatrices, plus intimes, plus enrichissantes.

Toujours selon Marx, cette réduction du travail suppose une entente politique entre les producteurs, qui règlemente la production afin qu’elle reste limitée.

Et, toujours selon Marx, cette entente n’est possible que si l’on met fin à la propriété privée et au libre marché des échanges (ce qui définit le communisme). Texte 1 : MARX Le Capital 1867 : « Dans le domaine , la liberté ne peut consister qu'en ceci : les producteurs associés - l'homme socialisé - règlent de manière rationnelle leurs échanges avec la nature et les soumettent à leur contrôle commun au lieu d'être dominés par la puissance aveugle des échanges ; et ils les accomplissent en dépensant le moins d'énergie possible, dans les conditions les plus dignes et les plus conformes à leur nature humaine.

Mais l'empire de la nécessité n'en subsiste pas moins. C'est au-delà que commence l'épanouissement de la puissance humaine qui est sa propre fin, le véritable règne de la liberté .

La réduction de la journée de travail est la condition fondamentale de cette libération.

» Transition du I au II : On pourrait objecter à ce I que, justement, grâce à sa structure technicienne et collaborative, le travail a depuis longtemps dépassé chez les hommes le simple but de la survie et de l’entretien de la vie. En effet, la force de travail peut produire davantage que ce qu’elle a dépensé, et ainsi dégager de la plus-value, c’est-à-dire du capital.

Ce qu’on appelle donc le capital n’est rien d’autre que ce que la force de travail produit au-delà de sa simple reproduction.

Quand le travailleur produit davantage que ce qu’il consomme, il accumule des biens qu’il peut ensuite échanger (le capital n’est pas nécessairement monétaire ; la monnaie est devenue la forme de capitalisation la plus répandue car, contrairement aux autres surproduits, elle ne s’use pas et facilite l’échange en instaurant entre les biens une commune mesure).

Cette accumulation de richesses et de confort donnerait à l’activité laborieuse la noblesse d’une victoire de l’homme sur la nature, et permettrait à l’homme d’exprimer sa volonté.

Le travail ne serait alors pas le symptôme d’un asservissement biologique aux besoins vitaux, mais le moyen par lequel l’homme fait de sa vie un défi et un succès permanents : une conquête de la matière par l’esprit en action. Il faut ajouter à cela que ce défi et ce succès ne sont vraiment possibles que par un travail collectif : grâce à la puissance que lui procure ce travail collectif, l’homme prendrait alors conscience de sa nature sociale, et des avantages qu’il y a à vivre en société.

Ainsi, le travail aurait une dimension morale l’éloignant du simple.... »

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