Aide en Philo

Cours de philosophie: LA MATIÈRE ?

Extrait du document

Le monde extérieur nous apparaît comme un ensemble de corps matériels. Mais le sens du mot matière est difficile à préciser. La matière, en effet, ne nous est connue que par nos sensations, qui sont états de notre conscience. Aussi certains, tel Berkeley, s'appuyant sur l'impossibilité où nous sommes de concevoir directement la matière, ont-ils nié son existence. De fait, l'idée de matière est négative : la matière est toujours conçue par opposition à l'esprit. Et l'esprit ne pouvant sortir de lui-même, on ne saurait avoir une intuition directe de la matière : la matière ne sera jamais que supposée, posée par l'esprit comme ce qui n'est pas lui-même.


« Le monde extérieur nous apparaît comme un ensemble de corps matériels.

Mais le sens du mot matière est difficile à préciser.

La matière, en effet, ne nous est connue que par nos sensations, qui sont états de notre conscience.

Aussi certains, tel Berkeley, s'appuyant sur l'impossibilité où nous sommes de concevoir directement la matière, ont-ils nié son existence.

De fait, l'idée de matière est négative : la matière est toujours conçue par opposition à l'esprit. Et l'esprit ne pouvant sortir de lui-même, on ne saurait avoir une intuition directe de la matière : la matière ne sera jamais que supposée, posée par l'esprit comme ce qui n'est pas lui-même. A.

- Mécanisme et dynamisme L'opposition de la matière et de l'esprit peut du reste revêtir divers aspects.

Ainsi, le mécanisme semble opposer matière et esprit au sein même de la représentation, le dynamisme conçoit la matière comme une force, ou comme un principe de résistance.

Parfois aussi la matière est opposée à la forme. Pour le mécanisme, la matière est une réalité indépendante de l'esprit, et obéissant à des lois propres.

Sous sa forme géométrique, le mécanisme a été soutenu par Descartes, pour lequel la matière se réduit à l'étendue continue, divisible et sans qualités.

La matière apparaît ici comme un substrat spatial et inerte. Mais le mécanisme a trouvé sa forme la plus célèbre dans l'atomisme, qui conçoit la matière comme discontinue et formée d'atomes insécables (Démocrite).

Pour Épicure, le monde est un ensemble d'atomes tombant dans le vide et s'étant agglomérés par suite d'une déviation initiale : le clinamen. De même, la science moderne admet que tout corps est décomposable en molécules, elles-mêmes composées d'atomes.

Dalton considérait les atomes comme simples et irréductibles (selon lui, il y avait autant de sortes d'atomes que de corps simples).

Prout pensa au contraire que tous les atomes étaient dérivés de l'hydrogène.

Enfin, depuis Lorentz, on conçoit l'atome lui-même comme un véritable système : autour d'un noyau central chargé d'électricité positive tournent des électrons chargés d'électricité négative.

Ces électrons sont tous identiques, mais leur nombre varie selon le corps considéré. Le dynamisme ramène la matière à la force.

Et il convient ici de remarquer que le mécanisme scientifique ne s'oppose point au dynamisme: il se confond, au contraire, avec lui.

La physique moderne tend en effet à considérer les électrons comme des centres d'énergie, comme des charges électriques sans support.

D'autre part, selon la théorie de la relativité, la masse est variable et l'énergie, de son côté, a une certaine inertie, une certaine pesanteur.

Matière et énergie se confondent donc. Mais ni le mécanisme ni le dynamisme ne sauraient nous mettre en face d'une réalité qui ne soit pas esprit.

Le mécanisme définit la matière sur le type de la représentation : mais définir la matière sur le type de la représentation, c'est au fond ne la définir qu'en tant qu'elle est donnée à l'esprit (l'étendue ne peut être conçue que dans et par la conscience, l'atome ne peut être représenté que comme un complexe de sensations visuelles et tactiles, etc.).

Déjà, Berkeley avait fait valoir de tels arguments contre le mécanisme de Descartes.

Pour les mêmes raisons, la science ne peut rien nous révéler qui soit véritablement matière.

Concevoir les atomes ou l'énergie sur le modèle des « phénomènes sensibles » serait tomber en une erreur que la science elle-même dénonce.

Faudra-t-il donc confondre la matière avec les lois et les relations mathématiques par lesquelles la science parvient à exprimer les phénomènes? C'est ce que font Couturat et Hannequin pour lesquels la matière n'est plus qu'un ensemble de relations conceptuelles.

Mais une loi, une relation ne peuvent être conçues qu'en un esprit.

Si donc nous voulions trouver dans les concepts scientifiques la réalité même de la matière, nous serions amenés à nier la matière aux dépens de l'esprit.

La science est un ensemble de représentations, et toute représentation est d'esprit : elle n'est donc pas matière. Quant au dynamisme, il est clair que concevoir la matière comme une force revient encore à la concevoir sur le type de l'esprit, c'est-à-dire comme plus ou moins analogue à une volonté, à une conscience obscure.

Le dynamisme sera donc idéaliste et tendra à la négation de la matière (ainsi, pour l'hylozoïsme antique, l'univers entier est doué de vie ; ainsi, pour Leibniz, toute réalité est force, c'est-à-dire âme: le monde est composé de monades, et la matière n'est qu'une sorte de limite inférieure de l'esprit: elle est monade sans conscience et mémoire: mens momentanea).

On voit qu'en tout ceci l'esprit ne parvient pas à sortir de lui-même, à atteindre une réalité non mentale, autrement dit une matière. B.

- Matière et forme La matière, il est vrai, est parfois définie d'une autre façon, et par opposition à la forme.

Il y a, en effet, en tout être, ce qui le fait être ce qu'il est, ce qui le détermine (à savoir son idée ou sa forme) et, comme le remarque Lachelier, «ce qui est pour cette forme un point d'appui nécessaire, ce sans quoi elle serait abstraite ou simplement possible».

C'est ce second élément qui constitue la matière. Beaucoup de philosophes anciens ont ainsi considéré la matière comme une sorte de substratum impensable, parce que sans qualités.

(Pour Platon, elle est «ce qui peut devenir ceci ou cela, ce qui peut être qualifié».

Mais nous n'en pouvons avoir nulle idée, car nous ne pensons que des qualifications.

Pour Aristote, la matière s'oppose à la forme comme la puissance à l'acte.

Elle est une virtualité non actualisée.) Dans ces théories, la matière intervient surtout pour rendre compte de ce qui, dans le sensible, est encore indéterminé, virtuel. En un sens analogue, Leibniz remarque que chaque monade ne peut dérouler tout son contenu et parvenir à la perception claire.

Lachelier fait observer que la matière est « un élément indispensable de la monade, un principe de résistance et de retardement sans lequel l'effort se perdrait dans le vide ou plutôt ne naîtrait même pas ».

De même, pour Bergson, la matière correspond à une détente de la tension créatrice, elle est un principe de résistance. En ces théories, la matière est considérée comme «ce qui résiste à l'intelligibilité, à h spiritualité totales ».

Elle n'est pas directement accessible à l'esprit, elle ne peut lui être donnée, elle n'est définie que de façon négative et comme «ce qui n'est pas l'esprit». Cette conception de la matière nous semble de la plus grande vérité.

Mais, le plus souvent, les philosophes ne définissent ainsi la matière que pour la nier. La matière, étant impensable, est tenue pour non réelle; la forme achevée de l'être se trouve dans l'acte, non dans la virtualité.

Ainsi «la philosophie d'A ristote consiste...

à placer l'être véritable dans le penser, le sentir et à ne voir dans ce qui pense, ou sent, que la condition matérielle du penser ou du sentir» (Lachelier). Nous croyons cependant qu'il existe une matière, c'est-à-dire une réalité irréductible à l'esprit.

Le monde nous résiste, ses qualités sont imperméables à notre raison : il y a donc lieu de supposer, derrière nos expériences, un fond existentiel, la matière.

Sans doute la matière ne peut-elle se rencontrer dans ce qui est donné à l'esprit.

Sans doute apparaît-elle comme aussi différente de ce que l'on appelle ordinairement matière (et, par exemple, des phénomènes sensibles) que de ce que l'on appelle ordinairement esprit.

L'esprit ne peut donc définir la matière que de façon négative, comme « ce qui n'est pas luimême», comme ce qui lui demeurera éternellement impénétrable et étranger.

Il n'en reste pas moins que la résistance que le monde oppose à l'esprit autorise à penser qu'il existe une réalité impensable, extérieure au donné.

Nous trouvons, dans la connaissance, une irréductible expérience.

Le réel n'est donc pas entièrement esprit.

Il est en partie «matière».

La matière seule peut expliquer les échecs de la connaissance, et l'impossibilité où est l'esprit de se poser comme totalité.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles