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Baudelaire affirmait en 1859 : « Je crois que l'art est et ne peut être que la reproduction exacte de la nature ». Au contraire, un critique de la Revue des Deux Mondes déclarait quelques années plus tard : « L'art est dans le choix, dans l'interprétatio

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C'est traditionnellement à l'auteur de la Poétique et de l'Organon que l'on fait remonter la première mise en forme de cette idée simpliste : que l'art se bornerait à être une image du réel.

Aristote aurait dit que l'art était la copie de la réalité, construite à la ressemblance de la vie, à l'instar du quotidien : « Je crois, note Baudelaire, en écho, vingt-trois siècles après (1859), que l'art est et ne peut être que la reproduction exacte de la nature. » C'est là une idée familière, plus que banale, vulgarisée à l'extrême. Sous la plume de Brunetière ou de Faguet, elle ferait hausser les épaules. Mais ce n'est point un critique ou un esthéticien de profession qui la formule. Il s'agit d'un créateur, d'un amateur de paradoxes et d'un fervent de curiosités esthétiques, ce qui nous porte aussitôt à attacher infiniment plus de poids à cette formule. Il ne sera point question ici de l'œuvre de Baudelaire. Mais il n'est pas indifférent que ce soit celui d'entre nos poètes qui a toujours été de beaucoup le moins naturel qui précisément écrive ce plaidoyer pro natura.

Il y a dans cette confidence ironique une sorte de paradoxe sur le créateur qui apparaît en filigrane. C'est celui-là même que nous aurons à éclairer, à faire jaillir de son ombre, de son indétermination. Dans une première perspective, nous chercherons à expliquer le texte et la pensée de Baudelaire. Puis nous passerons au crible de l'esthétique cette formule de bon sens si peu élaborée. Enfin l'on se demandera si l'on ne peut vraiment pas chercher à comprendre l'art d'une autre façon ; bien plus, si Baudelaire lui-même ne se faisait pas, en dernière analyse, une tout autre idée de l'art en général et de son art en particulier. Car enfin rien ne justifie dans son œuvre une appréciation aussi simpliste sur son oeuvre.

« Baudelaire affirmait en 1859 : « Je crois que l'art est et ne peut être que la reproduction exacte de la nature ».

Au contraire, un critique de la Revue des Deux Mondes déclarait quelques années plus tard : « L'art est dans le choix, dans l'interprétation des éléments qui lui sont offerts, nullement dans la copie littérale de tel ou tel détail indifférent ou repoussant.

» Quel est de ces points de vue celui qui vous paraît le plus juste ? C'est traditionnellement à l'auteur de la Poétique et de l'Organon que l'on fait remonter la première mise en forme de cette idée simpliste : que l'art se bornerait à être une image du réel. Aristote aurait dit que l'art était la copie de la réalité, construite à la ressemblance de la vie, à l'instar du quotidien : « Je crois, note Baudelaire, en écho, vingt-trois siècles après (1859), que l'art est et ne peut être que la reproduction exacte de la nature.

» C'est là une idée familière, plus que banale, vulgarisée à l'extrême.

Sous la plume de Brunetière ou de Faguet, elle ferait hausser les épaules.

Mais ce n'est point un critique ou un esthéticien de profession qui la formule.

Il s'agit d'un créateur, d'un amateur de paradoxes et d'un fervent de curiosités esthétiques, ce qui nous porte aussitôt à attacher infiniment plus de poids à cette formule.

Il ne sera point question ici de l'œuvre de Baudelaire.

Mais il n'est pas indifférent que ce soit celui d'entre nos poètes qui a toujours été de beaucoup le moins naturel qui précisément écrive ce plaidoyer pro natura. Il y a dans cette confidence ironique une sorte de paradoxe sur le créateur qui apparaît en filigrane.

C'est celui-là même que nous aurons à éclairer, à faire jaillir de son ombre, de son indétermination.

Dans une première perspective, nous chercherons à expliquer le texte et la pensée de Baudelaire.

Puis nous passerons au crible de l'esthétique cette formule de bon sens si peu élaborée.

Enfin l'on se demandera si l'on ne peut vraiment pas chercher à comprendre l'art d'une autre façon ; bien plus, si Baudelaire lui-même ne se faisait pas, en dernière analyse, une tout autre idée de l'art en général et de son art en particulier.

Car enfin rien ne justifie dans son œuvre une appréciation aussi simpliste sur son oeuvre. I.

- L'ART, COPIE DE LA NATURE 1.

« L'Art est.

» Ce que Baudelaire entend par le mot Art, c'est la manière générale de faire ; au sens où l'homo artifex imite toujours le démiurge platonicien.

L'art du forgeron ou du jardinier, celui du potier ou du cuisinier, est encore et toujours une manière de refaire ce qui a déjà été fait et bien fait par le Premier Artiste.

L'Art Poétique est bien entendu, et a fortiori, une pâle imitation.

La peinture de Delacroix imite mieux le mouvement qu'aucune autre, la musique de Berlioz est une divine harmonie imitative et les Histoires Extraordinaires ou Le Corbeau de Poë sont de merveilleuses reconstitutions.

L'art d'une manière générale, étant défini comme l'ensemble des procédés « formateurs » au sens morphologique du terme, il ne faut point s'étonner que l'on ne voie dans ces formes déjà existantes aucune invention propre. 2.

« La Reproduction.

» Donc il s'agit exclusivement de dépeindre, de décrire, de refaire, de reconstituer, de repenser après d'autres.

Reproduire, c'est développer une nouvelle image d'une première réalité, qui, elle, n'a pas changé et ne changera pas.

Toute une conception hiérartique du Beau comme modèle suprême, Parangon supraterrestre, paradigme éternel, à la mode platonicienne de l'Idée, tout cela est dans la « reproduction ». 3.

« Exacte.

» Doit-on accorder de l'importance à cette épithète, ou au contraire la négliger ? Baudelaire l'a soulignée lui-même dans ce texte.

Et sans chercher à nuancer à l'extrême, c'est un fait que la « reproduction » n'est point l'exacte copie.

Il y a là une profession de foi réaliste, voire vériste au sens le plus excessif du terme, très inattendue de la part d'un poète détaché, désincarné — bref si peu « engagé ». 4.

La Nature.

Le mot n'a plus de couleur tant il a été lavé, délayé, décoloré.

Il n'a plus de sens, depuis qu'on l'écrit indifféremment par un « n » et avec un « N ».

Entendons par là cette réalité concrète que nous appréhendons quotidiennement dans le donné sensible ; et non la « marâtre Nature » ronsardienne et déifiée. II.

- L'ART, ENNEMI DE LA NATURE 1.

Homo Additus naturae.

Ce mot de Bacon s'oppose plus fortement à la définition d'Aristote que leurs deux inductions.

Si l'on ajoute l'esprit à la nature, tout disparaît d'emblée.

Il ne peut point y avoir de reproduction pure et simple si le « reproducteur » s'ajoute et s'interpose.

Car alors la nature ne se voit plus daguerréotypée — pour ne pas trop faire d'anachronisme — mais vraiment peinte par le Photographe, qui la « prend », qui la « saisit » sous un angle nouveau. 2.

L'art est créateur, ou producteur, et non consommateur, l'art est actif et non point statique ou contemplatif. Même l'auditeur le plus passif, même l'amateur le plus inerte, participent dynamiquement à leur extase, dans la stricte mesure où ils ressentent un émoi interne qui se traduit par une puissance décuplée.

La principale règle de l'invention, disait Alain, c'est que l'on n'invente rien qu'en travaillant : artisan d'abord ! Mais précisément il n'est d'art que dans une certaine activité, si minime soit-elle.

L'œil n'est pas artiste, qui reçoit l'impression des objets : mais l'esprit l'est déjà, qui sait interpréter les images. 3.

« L'Art, imitation de la vie ? Mais aucun art n'a jamais fait cela ! La tragédie classique en est aussi éloignée que possible, le drame de Hugo également », disait Paul Claudel (cf.

Annales de Toulouse, 1950).

L'on ne pourrait expliquer aucune grande œuvre par l'imitation, par la description littérale : pas même la Pastorale, pas même le Bœuf écorché, pas même la Charogne et surtout pas les célèbres sonnets retranchés par Pinard, l'illustre procureur. »

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