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Affirme-t-on sa liberté en refusant d'admettre une vérité évidente ?

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« « [...] L'indifférence me semble signifier proprement l'état dans lequel se trouve la volonté lorsqu'elle n'est pas poussée d'un côté plutôt que de l'autre par la perception du vrai ou du bien ; et c'est en ce sens que je l'ai prise lorsque j'ai écrit que le plus bas degré de la liberté est celui où nous nous déterminons aux choses pour lesquelles nous sommes indifférents.

Mais peut-être d'autres entendent-ils par indifférence la faculté positive de se déterminer pour l'un ou l'autre de deux contraires, c'est-à-dire de poursuivre ou de fuir, d'affirmer ou de nier.

Cette faculté positive, je n'ai pas nié qu'elle fût dans la volonté.

Bien plus, j'estime qu'elle s'y trouve, non seulement dans ces actes où elle n'est poussée par aucune raison évidente d'un côté plutôt que de l'autre, mais aussi dans tous les autres ; à tel point que, lorsqu'une raison très évidente nous porte d'un côté, bien que, moralement parlant, nous ne puissions guère choisir le parti contraire, absolument parlant, néanmoins, nous le pouvons.

Car il nous est toujours possible de nous retenir de poursuivre un bien clairement connu ou d'admettre une vérité évidente, pourvu que nous pensions que c'est bien d'affirmer par là notre libre arbitre.

» DESCARTES QUESTIONS 1.

Développez l'argumentation et la thèse centrale du texte. 2.

Expliquez : « bien que, moralement parlant, nous ne puissions guère choisir le parti contraire, absolument parlant, néanmoins, nous le pouvons ». 3.

Affirme-t-on sa liberté en refusant d'admettre une vérité évidente ? QUESTION 1 L'homme est infiniment libre et il peut à chaque instant faire l'expérience de cette liberté qui est l'image de Dieu en nous.

La liberté se vit, s'éprouve, mais ne se prouve pas.

Elle est si grande que chacun peut décider de ne pas choisir : Descartes appelle cela la liberté d'indifférence.

Et nous pouvons l'entendre en deux sens : 1.

Je suis indifférent parce que je ne penche pas plus d'un côté que de l'autre (ex.

de l'âne de Buridan).

C'est une définition négative de l'indifférence : « je ne sais pas ».

C'est-à-dire je n'ai pas de raison de choisir l'un plutôt que l'autre.

Je ne peux pas justifier mon choix. 2.

Je suis indifférent au début, c'est-à-dire j'ai « la faculté de poursuivre ou de fuir, d'affirmer ou de nier ».

Cette définition est positive. J'affirme l'infini de cette liberté en me libérant de mon ignorance.

Plus je connais, plus je choisis, plus je suis libre.

Montaigne disait : « La vraie liberté, c'est pouvoir toute chose sur soi. Résumons-nous : être indifférent c'est ne pas avoir de préférence, d'intérêt.

C'est un état de neutralité.

Cet état peut être synonyme de liberté.

Descartes distingue deux sortes d'indifférence et de ce fait deux sortes de liberté : 1.

Je suis indifférent : je suis indéterminé, tel l'âne de Buridan qui ne sait choisir entre son avoine et son eau et qui mourra de faim et de soif.

Ma liberté est ici synonyme d'impuissance. 2.

Je suis indifférent : je suis tout-puissant.

Ma volonté peut se déterminer indépendamment des mobiles.

Ma liberté est ici synonyme de pouvoir de se déterminer sans autre raison que le vouloir lui-même. QUESTION 2 « [...] bien que, moralement parlant, nous ne puissions guère choisir le parti contraire, absolument parlant, néanmoins, nous le pouvons ». • Descartes distingue « moralement » et « absolument ».

Lorsque je connais véritablement le bien, je le choisis.

Mais j'ai pourtant la possibilité de choisir le mal puisque je suis infiniment libre.

Descartes garde la vision classique du mal : « nul n'est méchant volontairement » disait Socrate.

Lorsque je choisis le mal, c'est par ignorance.

La connaissance me fait accéder à la vérité, au bien. Sartre écrit : « Descartes a parfaitement compris que le concept de liberté renfermait l'exigence d'une autonomie absolue, qu'un acte libre était une production absolument neuve dont le germe ne pouvait être contenu dans un état antérieur du monde et que, par suite, liberté et création ne faisaient qu'un.

» • La liberté d'indifférence est le plus bas degré de la liberté pour Descartes.

«Car afin que je sois libre, il n'est pas nécessaire que je sois indifférent à choisir l'un ou l'autre des deux contraires, mais plutôt d'autant plus que je penche vers l'un, soit que je connaisse évidemment que le bien et le vrai s'y rencontrent, soit que Dieu dispose ainsi l'intérieur de ma pensée, d'autant plus librement j'en fais choix et je l'embrasse : et certes la grâce divine et la connaissance naturelle, bien loin de diminuer ma liberté, l'augmentent plutôt et la fortifient.

De façon que cette indifférence que je sens, lorsque je ne suis point emporté vers un côté plutôt que vers un autre par le poids d'aucune raison, est le plus bas degré de la liberté, et fait plutôt paraître un défaut dans la connaissance, qu'une perfection dans la volonté ; car si je connaissais toujours clairement ce qui est vrai, et ce qui est bon, je ne serais jamais en peine de délibérer quel jugement et quel choix je devrais faire ; et ainsi je serais entièrement libre, sans jamais être indifférent », (4" méditation métaphysique).

L'homme est ainsi doué d'un pouvoir qui ressemble un peu à celui de Dieu : affirmer infiniment, renoncer infiniment. Mais l'infinité de la volonté ne se situe pas dans le pouvoir de décider n'importe quoi (le fou alors serait le modèle de la liberté !) Notre entendement étant, lui, fini, l'homme véritablement libre est celui qui harmonisera ses désirs et sa volonté, qui comprendra que nous ne pouvons pas tout comprendre, ni répondre à toutes les questions. QUESTION 3 Affirmer, c'est dire oui.

Refuser, c'est dire non.

Je dis oui à ma liberté en disant non à une évidence.

Est-ce une marque de ma liberté que de nier l'évidence ? Ou encore, la liberté est-ce l'absence de contraintes ? — Descartes, dans ce texte, nous a démontré les deux sens de la liberté d'indifférence qui met en jeu notre volonté infinie.

Dans l'absolu, nous pouvons nier une vérité évidente.

Mais quel est le sens de ce refus ? — Être libre, est-ce faire ce qu'il me plaît, jusqu'à refuser 4 x 2 = 8 ? La liberté est rationnelle et ne peut accepter les faits du fou comme libres.

Être libre c'est comprendre que l'homme est soumis à des contraintes (physiques, politiques, morales, religieuses...).

Paradoxalement, ce sont ces contraintes qui permettent à l'homme de se libérer par le pouvoir de sa raison (cf.

Kant : être libre, c'est se soumettre à sa propre règle fondée sur la réflexion et ainsi sur la liberté). — Négativement, on affirme que la liberté est infinie en refusant d'admettre une vérité évidente.

Positivement, on affirme sa liberté en reconnaissant rationnellement les limites et en les acceptant.. »

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