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Explication linéaire de Zone

Publié le 03/11/2022

Extrait du document

« Zone (v.1 à 24) À la fin tu es las de ce monde ancien Bergère ô tour Eiffel le troupeau des ponts bêle ce matin Tu en as assez de vivre dans l’antiquité grecque et romaine Ici même les automobiles ont l’air d’être anciennes La religion seule est restée toute neuve la religion Est restée simple comme les hangars de Port-Aviation Seul en Europe tu n’es pas antique ô Christianisme L’Européen le plus moderne c’est vous Pape Pie X Et toi que les fenêtres observent la honte te retient D’entrer dans une église et de t’y confesser ce matin Tu lis les prospectus les catalogues les affiches qui chantent tout haut Voilà la poésie ce matin et pour la prose il y a les journaux Il y a les livraisons à 25 centimes pleines d’aventures policières Portraits des grands hommes et mille titres divers J’ai vu ce matin une jolie rue dont j’ai oublié le nom Neuve et propre du soleil elle était le clairon Les directeurs les ouvriers et les belles sténo-dactylographes Du lundi matin au samedi soir quatre fois par jour y passent Le matin par trois fois la sirène y gémit Une cloche rageuse y aboie vers midi Les inscriptions des enseignes et des murailles Les plaques les avis à la façon des perroquets criaillent J’aime la grâce de cette rue industrielle Située à Paris entre la rue Aumont-Thiéville et l’avenue des Ternes Zone, Alcools, Guillaume Apollinaire, 1913 Explication linéaire Né en 1880 mort en 1918, Apollinaire est un poète entre deux siècles, héritier de la tradition antique (cf.

Apollon dans le choix du pseudonyme) dont le titre Alcools (1913) reprend l'esprit dionysiaque, il est aussi résolument moderne comme le montre le titre : Zone , explicitement urbain ou plus largement sa collaboration avec des peintres modernes comme Picasso.

Zone est aussi le premier poème du recueil mais le dernier écrit par Apollinaire.

Il lui donne donc une place importante : programmatique.

Le poète lassé du monde ancien semble se tourner vers un "esprit nouveau" selon son expression.

Les premiers vers déroutants, renforcent ce décalage des habitudes poétiques.

Et nous verrons dans quelle mesure ce poème s'inscrit dans une tension entre modernité et tradition. I - Une proclamation paradoxale (v.

1 à 3) Tradition -Métrique du premier vers : Alexandrin. -Découpage : régulier : 12 syllabes découpées en groupe de 3. -Diérèse :ancien : an-ci-en. Modernité -Sens littéral explicite : Un rejet du passé, plus de l’antiquité grecque et romaine. -Énonciation : 2e personne : « tu es las » (v.2). -Niveau de langue : recherché, exemple : adjectif -Niveau de langue : Moderne, courant. « las » (v.1). -Références à l’urbanisme parisien : La tour -Une invocation : « ô tour Eiffel » (v.2). Eiffel et les ponts qui contrastent avec la bergère. -Référence à la littérature pastorale : le personnage de la bergère. -Un motif mythologique : le fleuve : la seine. Cependant modernité et tradition s’entremêlent et provoque la surprise dont l'auteur pense qu'elle est le grand ressort de la modernité.

Cette surprise naît de ce mélange de tradition et modernité qui sont indissociablement liées par l'écriture. -Par exemple "tu es las" (v.1) (soutenu et vieilli) est repris par « tu en as assez » (v.3) (langage courant). -De même « A la fin » (v.1) et « ancien » (v.1) riment et s'opposent du point de vue du sens et du niveau de langue (courant/recherché). -L'invocation ou apostrophe antiquisante « Ô tour Eiffel » s'applique à un monument futuriste en fer : la tour Eiffel qui inspire une image de bergère champêtre ou bucolique. -le troupeau tout aussi champêtre et bucolique est fait de voitures. Ce mélange peut aussi se voir comme une tension et un malaise du poète qui est tiraillé entre deux directions, le passé et le présent et qui en souffre.

Cette tonalité élégiaque étant évidente à première lecture par l'expression insistante d'une lassitude (vers 1 et 3).

Un poète écartelé entre tradition et modernité, qui souffre seul donc. II - Modernité surprenante de la religion (vers 4 à 10) Un tercet et un quintile qui distinguent deux sortes de modernité. Celle relative de la technique et des automobiles (v.4) qui ont déjà l'air « anciennes » «(v.4), bientôt dépassées. ET celle qui échappe au temps et que l'auteur voit dans la Religion.

« ô christianisme » (v.7), invocation valorisante de la religion.

Elle est « neuve » comme les « hangars de port aviation », les deux étant rapprochés par la rime « religion/aviation» (v.5-6) et une figure de style : la comparaison avec « comme » au vers 6.

Ce rapprochement est un bel exemple d'association libre.

Elle peut être comprise grâce au point commun explicite : la nouveauté et la simplicité (au vers 5 et 6).

Mais aussi par une image sous-jacente : les hangars par leur monumentalité et leur rapport avec les cieux, sont comme des cathédrales ou les églises (v.10), ils permettent l’élévation au sens propre comme au figuré. Le poète s'adresse ensuite au Pape Pie X dans le quintile (strophe de 5 vers).

Ce dernier avait d’ailleurs béni un des premiers aviateurs : Beaumont.

Mais on peut voir là une pointe d’ironie anticléricale et une tonalité satirique car Pie X était résolument réactionnaire.... »

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