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Sitôt que la nuit fut venue - Commentaire de texte - Princesse de Clèves

Publié le 26/05/2022

Extrait du document

« Sitôt que la nuit fut venue, il entendit marcher, et quoiqu'il fît obscur, il reconnut aisément M.

de Nemours.

Il le vit faire le tour du jardin, comme pour écouter s'il n'y entendrait personne et pour choisir le lieu par où il pourrait passer le plus aisément.

Les palissades étaient fort hautes, et il y en avait encore derrière pour empêcher qu'on ne pût entrer ; en sorte qu'il était assez difficile de se faire passage.

M.

de Nemours en vint à bout néanmoins ; sitôt qu'il fut dans ce jardin, il n'eut pas de peine à démêler où était Mme de Clèves.

Il vit beaucoup de lumières dans le cabinet ; toutes les fenêtres en étaient ouvertes et, en se glissant le long des palissades, il s'en approcha avec un trouble et une émotion qu'il est aisé de se représenter.

Il se rangea derrière une des fenêtres, qui servaient de porte, pour voir ce que faisait Mme de Clèves.

Il vit qu'elle était seule ; mais il la vit d'une si admirable beauté qu'à peine fut-il maître du transport que lui donna cette vue.

Il faisait chaud et elle n'avait rien sur sa tête et sur sa gorge que ses cheveux confusément rattachés.

Elle était sur un lit de repos avec une table devant elle, où il y avait plusieurs corbeilles pleines de rubans ; elle en choisit quelques-uns, et M.

de Nemours remarqua que c'étaient des mêmes couleurs qu'il avait portées au tournoi.

Il vit qu'elle en faisait des nœuds à une canne des Indes, fort extraordinaire, qu'il avait portée quelque temps et qu'il avait donnée à sa sœur, à qui Mme de Clèves l'avait prise sans faire semblant de la reconnaître pour avoir été à M.

de Nemours.

Après qu'elle eut achevé son ouvrage avec une grâce et une douceur que répandaient sur son visage les sentiments qu'elle avait dans le cœur, elle prit un flambeau et s'en alla proche d'une grande table, vis-à-vis du tableau du siège de Metz où était le portrait de M.

de Nemours.

Elle s'assit et se mit à regarder ce portrait avec une attention et une rêverie que la passion seule peut donner. Résumé du passage : Dans cette scène nocturne, la princesse est réfugiée dans un cabinet de son pavillon de Coulommiers et se croyant seule, sa pensée tournée vers l’amour secret qu’elle porte à monsieur de Nemours, elle manipule des rubans à sa couleur et contemple son portrait. Cependant, celui-ci, dissimulé derrière la fenêtre, l’observe, ignorant qu’il est lui-même surveillé par un domestique de monsieur de Clèves.

Il s’agit d’une scène au sens théâtral du terme : un personnage voit sans être vu et en même temps un portrait de la princesse de Clèves.

Nous sommes en présence d’une nouvelle scène fondée sur les jeux de regards mais qui ne sont pas ceux de la cour (jeu d’emboitement des regards). Cette scène est donc d’un romanesque achevé avec le topos du regard interdit et d’une importance dramatique majeure pour la suite de l’intrigue car c’est l’origine de la mort du mari, Monsieur de Clèves, qui va mal interpréter cet épisode. Nous sommes en présence d’une scène éloquente bien qu’elle soit muette. Le tragique est cependant présent : les personnages sont proches spatialement mais la distance demeure. Mots clés associés au parcours et à la problématique de séquence : - Entreprise de déterritorialisation à la campagne, comme espace refuge, pour exister au monde, « être » et non « paraître » - Territoire exposé, mis en scène qui est à peu près vierge, coupé de la société - Le territoire de la retraite est un territoire extra social, mais dont les possibles d’être au monde restent aménagées par la société elle-même. - On peut parler à propos de ce territoire, d’un territoire en marge, mais d’une marge contrôlée - Œuvre qui cherche à réhabiliter la valeur de l’espace périphérique, hors scène, comme un espace de bonheur possible : Projets de lecture possibles : - - Comment cette scène exprime-t-elle la tragédie de la passion ? L'amour n'est-il qu'un idéal impossible à vivre ? - Comment dans ce passage Mme de La Fayette transforme-t-elle une scène de visite nocturne banale en un véritable aveu partagé ? - Peut-il y avoir une déclaration, un « aveu » qui ne soit pas verbal et qui emprunte un autre langage que la parole ? - Quels aspects du texte montrent l'impossibilité de la rencontre et de la relation entre la Princesse et le Duc de Nemours ? - Dans quelle mesure cette parenthèse et mise en scène théâtrale inattendue dans le roman dévoile-t-elle au lecteur l’étendue de la passion amoureuse, tout en en exposant les « limites » géographiques, tant que morales et sociales ? Plan possible associé aux différents mouvements du texte : 1) Description d’un espace scénique 2) L’observation de Nemours 3) Le tableau de Madame de Clèves dans son intimité. Nous verrons en quoi cette scène est romanesque et même sensuelle et en quoi elle est tempérée par une analyse constante et une retenue faite de raison et de pudeur. I) Une scène romanesque Sitôt que la nuit fut venue, il entendit marcher, et quoiqu'il fît obscur, il reconnut aisément M.

de Nemours.

Il le vit faire le tour du jardin, comme pour écouter s'il n'y entendrait personne et pour choisir le lieu par où il pourrait passer le plus aisément. Idée directrice du passage : le lecteur a le sentiment, étonnant mais tout autant plaisant d’être comme plongé in média res dans une sorte de roman d’espionnage.

Le mystère préside aux premières lignes de ce texte, une atmosphère étrange, inquiétante se dégage de la scène. Tout dans ce début de scène concourt à créer un effet de mystère, un effet dramatique intense, palliant ainsi à la monotonie du récit.

Puisque les premières lignes sont marquées par le discours essentiellement narratif : nous plongeons en effet dans une véritable scène d’action et dans un décor parfaitement propice au mystère. Premièrement, il semble que nous suivions la scène à travers une première focalisation interne, à travers le regard unique du personnage du gentilhomme, qui semble avoir pris en filature le Duc de Nemours. Les verbes de perceptions dominent le premier passage du texte et prouve l’emploi de la focalisation interne : ce sont les perceptions d’abord auditives, puis visuelles qui sont sollicitées, le passage de cette perception à l’autre crée d’ailleurs d’emblée un effet de mystère, puisqu’avant de voir, nous entendons : entendit », « fît obscure », « vit », « écouter », « entendait ». »

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