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Y a-t-il une inquiétude proprement philosophique ?

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« Introduction L'inquiétude désigne le non repos, c'est-à-dire ce qui s'agite toujours ou qui est perpétuellement en mouvement.

Parler d'une inquiétude philosophique, c'est parler de la nature changeante des choses, ainsi, c'est évoquer par la même occasion l'impossibilité pour l'homme de se tenir ferme face aux représentations.

Héraclite disait déjà que « tout coule », que tout est sujet au devenir, que tout ne peut être et rester dans un même état.

Il apparaît ainsi que depuis ce côté purement instable du monde, l'homme est largement affecté, et se trouve lui-même dans un état d'inconstant devenir.

Il ne peut saisir absolument la réalité multiforme qu'il observe. D'autre part, l'homme, en tant qu'être voulant, peut se voir inquiété des multiples représentations qui influent sur sa volonté.

Mais l'inquiétude peut aussi survenir en tout homme, en ce qu'il se voit être habité par ce qui lui est étranger.

Et éradiquer cet état d'anxiété, c'est savoir se diriger, par le savoir, vers une connaissance de soi, et donc vers une reconnaissance de l'autre en soi. I.

Le doute, mode fondamental de l'inquiétude a.

Le terme grec « Epokè » (arrêt, suspens) est spécifique à la philosophie des Sceptiques antiques, dont le fondateur est Pyrrhon d'Elis (365-275 av.

J-C).

Ce n'est pas une remise en cause du monde extérieur.

Elle met simplement en doute l'exactitude des représentations.

L'Epokè est un véritable suspens, une interrogation infinie dans la recherche de la vérité.

Ce n'est pas un arrêt de la recherche, mais un refus de se prononcer sur la nature d'une chose.

L'expression sceptique « ou mallon » désigne qu'une chose n'est pas plus ainsi qu'autrement.

Le sceptique fait dès lors un aveu d'impuissance face à la contrariété que l'esprit ne peut pas dominer. Comme on ne peut pas décider, on se réduit à l'indifférence.

Et le résultat fondamental de ce mode de penser et de vivre est l'ataraxie, ou absence de troubles, permettant à l'esprit d'être totalement en repos, et non plus inquiété par les contradictions qui jalonnent le savoir et le monde. b.

St Augustin a longtemps été dans l'inquiétude, dans l'indétermination d'une voie intellectuelle à suivre.

L'inquiétude métaphysique, tout au long de ces années laborieuses, ne lui laissait pas de repos.

Ses Confessions constituent le document le plus important pour la compréhension de sa personnalité.

Dans les premiers chapitres, il décrit l'époque inquiète, marquée par des déchirements intérieurs, situés avant sa conversion.

Cependant, la vérité ne réside pas à d'autres endroits qu'en soi-même, ce qui permet (par cette certitude intérieure) d'éradiquer le doute, selon une méthode que Descartes reprendra : « Au lieu d'aller dehors, rentre en toi-même : c'est au cœur de l'homme qu'habite la vérité » (St Augustin). II.

inquiétude et volonté a.

L'inquiétude est un terme qui a été employé par Leibniz pour traduire le mot anglais « uneasiness », par lequel Locke caractérise l'état affectif de gêne, de malaise qu'il considère comme la cause déterminante de tout acte de volonté (cf.

Leibniz, Nouveaux essais sur l'entendement humain, II, ch.

xx et xxi).

Condillac emploie ce mot en un sens très voisin, mais plus étroit.

Il distingue deux degrés de cet état, dont il appelle le premier « malaise ou léger mécontentement », et le second « inquiétude ou même tourment » s'il est très intense (Traité des sensations, I, 3, §2). b.

Malebranche montrera que la volonté est perpétuellement inquiète.

Car la volonté, qui est une vaste capacité « ne peut être remplie par toutes les choses que l'esprit lui représente ; et cependant, ce mouvement continuel que Dieu lui imprime vers le bien ne peut s'arrêter […].

Elle est donc toujours inquiète parce qu'elle est portée à chercher ce qu'elle ne peut jamais trouver ».

Ainsi selon Malebranche l'inquiétude de notre volonté est une des principales causes de notre ignorance et de nos erreurs (La recherche de la vérité, IV, chap.

2, §1). III.

l'inquiétude du sujet a.

Les passions sont considérées comme des maux qui « affectent » l'homme qui n'est plus sous le contrôle de sa raison. Heidegger montrera, dans Être et temps, que l'homme (le Dasein) est un être affecté, un être jeté dans le monde, et qu'il doit s'assumer sans faire appelle à une puissance extérieure.

L'homme n'a pas choisi sa vie.

Il vit sur le mode du « souci », étant donné sa condition fragile et indéterminée, et dans une « angoisse » qui seule peut lui permettre de sortir de sa condition inauthentique.

La psychanalyse présente aussi cette étrangement à soi, cet inconscient comme autre absolu en soi qui empêche le repos.

Freud, tout comme Lacan, montreront le caractère fondamentalement ambivalent du Moi. b.

Montaigne montre dans ses Essais que vouloir saisir l'être, c'est comme vouloir empoigner de l'eau.

La raison n'est pas un honorable refuge, d'où une déconstruction de l'homme et de ses prétendues facultés, c'est ce qu'appelle Montaigne « la vanité et dénéantise de l'homme ».

Il y a une vacuité ontologique de l'homme, alors que ce dernier croit le plus souvent fermement à sa raison, ou à son être.

Avec Montaigne on peut douter sur tout, sauf sur la vanité de l'homme.

Ainsi le stoïcien est vaniteux puisqu'il pense être maître de lui-même.

Le doute exclut qu'on ne fasse jamais sienne une certaine présentation du moi, et c'est toute la présentation des Essais : « Je ne peins pas l'être, je peins le passage » (III, 2).

Ainsi il n'y a pas avec Montaigne de résultat, que ce soit l'ataraxie sceptique, ou une certitude inébranlable ; de fait, pour cet humaniste, la vie humaine n'a pas de but, mais seulement « un bout » (Essai, III, 12).

Ainsi le titre de cette œuvre montre bien que l'homme est un essai permanent. c.

Il y toujours cette inquiétude fondamentale en l'homme qui désire savoir.

Car l'homme est toujours scindé en lui-même, il ne peut trouver le repos.

Ainsi, afin de se réconcilier avec lui-même, il a à accomplir un long travail en direction du savoir, et ce afin de s'unir avec cet autre absolu en lui, Dieu.

L'homme doit ainsi s'accorder au rythme de la vie, s'unir en quelque sorte à la logique rationnelle partout à l'œuvre dans le monde.

Le savoir authentique, ou spéculatif, selon Hegel est cette reconnaissance de soi dans l'autre.

Il n'y a plus ainsi de séparation, mais union entre le sujet et l'être. Conclusion De l'inquiétude des stoïciens à l'inquiétude de l'homme toujours surpris par cet autre en lui-même, en passant par l'inquiétude d'un St Augustin qui cherche sa voie, on constate qu'il y a toujours un désir de connaissance de soi.

Mais il apparaît qu'il est difficile de contrer cette inconstance fondamentale.

La psychanalyse a montré le caractère duel du psychisme.

Ainsi elle transporte l'inquiétude audelà de la volonté d'un savoir total.

On peut ainsi reprendre le mot de Nietzsche : « Nous ne nous connaissons pas nous-mêmes, nous les hommes de la connaissance », et nous ne nous connaîtrons jamais nous-mêmes (Généalogie de la morale, avant-propos).

On pourrait dès lors appuyer l'idée hégélienne d'une inquiétude essentielle au fondement de toute formation, que ce soit celle d'un sujet, ou celle d'un être.. »

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