Aide en Philo

Y a-t-il un droit à la paresse ?

Extrait du document

« Approche: Étrange défi, semble-t-il, que cet éloge de la paresse.

Que cet éloge d'une vertu tout à fait étrangère à nos valeurs modernes, au travail, à l'effort, au gain d'argent ou de prestige.

En effet, rien ne nous y prédispose, ni l'école, ni la famille, ni l'entreprise ; aucun discours, ni philosophique, ni religieux, ni politique ne nous y invite plus.

Il n'est que d'ouvrir un dictionnaire pour constater que la paresse ne se peut plus définir que négativement : le dictionnaire Larousse parle de « répugnance au travail », Bescherelle parlait d'« aversion pour l'effort », Littré de « faiblesse de tempérament ».

Quant au bon sens populaire, il fait de la paresse la « mère de tous les vices » ! Et pourtant, souvenez-vous, au commencement était la paresse.

Au jardin d'Eden, relisez la Genèse, l'humanité naissante paraissait devoir paresser toujours.

Créé par Dieu à Son image, le premier homme était un paresseux.

La première femme aussi, d'ailleurs, et le travail ne fut que la punition de ce que la paresse avait naturellement enfanté : la curiosité.

Or, qui pourrait dire de la curiosité qu'elle est un vice ? Pour l'Antiquité, autre fonds culturel où nous plongeons nos racines, à l'origine il y avait l'otium des Latins, le loisir, le repos ; puis vint le temps négatif du négoce, du negotium, des affaires.

Et avec lui la nostalgie d'un bonheur perdu que la société tout entière se mit à rechercher frénétiquement.

Mais qu'on ne s'y méprenne pas : on paressait tout autant sur les gradins des arènes, des cirques et des théâtres qu'à l'ombre d'une cellule où méditer en paix.

La paresse, en effet, est une vertu conviviale qui rapproche les gens, qui les fait se rencontrer, qui les détourne des rivalités meurtrières de la politique et de l'économie, mais c'est aussi une disposition du corps et de l'esprit qui, loin du tracas des affaires, permet à l'homme de se retrouver dans un studieux face à face avec lui-même.

Ce n'est qu'en état de paresse que l'homme peut vivre pleinement sa double nature d'individu unique et d'être social.

Que l'on songe pour s'en convaincre à ce prince des paresseux que fut Socrate : sans paresse point de philosophie, c'est-àdire point de réflexion ni d'échanges.

Point de civilisation.

De la Bible à Platon, faire l'éloge de la paresse, c'est pour nous faire l'éloge de l'origine. Cette paresse perdue, dont la pensée orientale a su longtemps préserver les douceurs, l'Occident la réinvente à chaque fois que les à-coups du progrès semblent vouloir l'en éloigner.

La Renaissance, qui invente la banque et découvre l'Amérique, s'enthousiasme pour ces « bons sauvages » experts dans l'art de n'en pas faire plus qu'il ne faut.

Montaigne leur consacrera tout un chapitre de ses Essais, lui qui s'éloigna bientôt des affaires pour ne plus se consacrer qu'au loisir d'une étude sans autre contrainte que son humeur.

Sans paresse donc, point d'indépendance. Elle est la première des libertés individuelles, le premier de ces droits de l'homme, nés, au siècle de Lumières, des « rêveries » de quelques « promeneurs solitaires ». Or c'est là un point tout à fait important : cette paresse à laquelle on s'abandonne, ce « luxe » de l'âme et du corps épris de « calme » et de « volupté », est aussi un acte de résistance.

C'est une action paradoxale, une courageuse rébellion contre des valeurs que la société nous impose plus qu'elle ne cherche à nous les faire partager.

Homme libre, intelligent, voluptueux, le paresseux rejette les péripéties conventionnelles d'un destin tout tracé ; seul il parvient à cet état de disponibilité totale propice à la création comme à l'aventure.

Qu'on songe à Baudelaire ou encore au languissant Bardamu des premières pages du Voyage au bout de la nuit de Céline.

Loin de ces « divertissements » au sens pascalien que sont les affaires, loin des leurres de l'effort et du gain, le paresseux est le seul à affronter dignement, dans un face à face que rien n'élude, la tragédie ordinaire de la condition humaine. Car si la paresse est avant tout un art de; vivre, nous dirons, paraphrasant Montaigne, que paresser c'est apprendre à mourir.

En rendant le temps plus vaste et la vie plus propice aux expériences, la paresse, avant le repos éternel, nous fait goûter vivants l'éternité promise. Et cela nous semblait mériter quelque éloge. Analyse du sujet : Droit : Le droit est garanti contractuellement par la loi également pour l'ensemble des citoyens.

Les droits définissent les libertés que chaque citoyen peut exercer sans compromettre celles des autres.

Le droit d'exprimer librement ses opinions, par exemple, est ainsi garanti dans la mesure où ces opinions ne sont pas diffamatoires ou injurieuses, où elles ne compromettent pas le droit d'un autre citoyens à être traité avec respect. Paresse : La paresse est la propension à ne rien faire, la répugnance pour le travail.

Elle est un des sept péchés capitaux punis par la morale chrétienne qui définit le travail et l'effort comme des valeurs suprêmes.

Paul Lafargue, gendre de Karl Marx, dans Le Droit à la Paresse, a défendu la thèse selon laquelle une société en bonne santé devait impérativement, pour survivre, instaurer un « droit à la paresse » afin que ses citoyens puisse avoir le temps matériel de « consommer » les richesses qu'elle produit et ainsi entretenir la dynamique de production. Problématisation : Nous nous interrogeons sur le droit à la paresse.

Y a-t-il un droit à la paresse ? Si la société est fondée sur l'échange des services et des biens que chacun de ses membres peut fournir grâce à son travail, serait-il juste qu'il y ait un droit à la paresse ? Une telle société ne verrait-elle pas immédiatement son équilibre se dissoudre si certains pouvaient invoquer le droit de ne pas travailler, de ne rien produire tout en continuant à recevoir les biens faits du travail des autres au sein de la société ? Ne faudrait-il alors affirmer que le droit à la paresse serait contradictoire avec la justice dans la société ? Sans doute.

Mais pour autant, instaurer le devoir du travail, c'est-à-dire réduire toute activité humaine à du travail forcé, ne reconnaître aucun droit à la paresse ne risque-t-il pas de réduire les hommes à des automates et leur activité à la production de richesse ? Ne faudrait-il alors trouver le moyen de permettre la paresse, l'oisiveté, non plus comprise en opposition avec le travail ou l'effort mais comme un temps non travaillé, non salarié, pour faire autre chose ? De l'art, de la philosophie, ou simplement se divertir ? Comment. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles