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Y-a-t-il des vérités du coeur ?

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« INTRODUCTION Les sceptiques avaient coutume d'embarrasser leurs adversaires en leur posant cette question : Qu'est-ce que la vérité ? Et en effet, on ne peut définir le vrai, car de toute définition du vrai il est permis de se demander si elle est vraie.

Mais alors, concluaient les sceptiques, comment pourrions-nous connaître une vérité si nous ne savons pas ce que c'est que la vérité ? Et cependant, il y a des vérités qui, comme dit Descartes, résistent « à toutes les plus extravagantes suppositions des sceptiques ».

Le malin Génie lui-même ne peul venir à bout de la certitude métaphysique d'un Descartes.

Et chez tout homme il y a des certitudes que rien ne peut défaire : le scepticisme est impuissant contre les vérités auxquelles on croit de tout son coeur.

Dès que l'homme raisonne et cherche des preuves, il est incertain, mais les certitudes de son coeur sont au delà des raisonnements et des preuves.

Mais peut on encore appeler Vérités ces propositions que nous dicte notre coeur ? La vérité implique, semble t-il, un accord universel et ce qu'il y a d'universel en l'homme, c'est la raison et non le coeur.

Aussi est il permis de se demander en quel sens on peut parler de vérités du coeur. I) THÈSE — A — Le point du vue du sens commun, la vérité, aux yeux du sens commun, est ce dont on ne peut pas douter. Or toute proposition qui a besoin d'être démontrée est par elle-même douteuse, et il y a dans le bon sens populaire une sorte de méfiance à l'égard de toute argumentation.

La vérité, pense-t-il, doit s'imposer, on doit l'éprouver sans avoir à la prouver.

Au tond, pour le sens commun, comme pour Descartes, le vrai, c'est l'évident.

C'est par un acte simple de l'esprit, que les Regulae appellent intuitus mentis, que l'on découvre la vérité.

L'évidence se sent et ne se démontre pas.

Or le coeur est précisément la (acuité de sentir, par opposition à la raison, qui est la faculté de démontrer.

Dans l'expression même de « bon sens », ce bon sens que l'on oppose volontiers au raisonnement, se trouve l'idée que l'acte par lequel nous prenons possession du vrai relève du sentiment plutôt que de la raison.

Aussi accorde-t-on facilement à l'intuition féminine une sorte de divination de la vérité indépendante de tout argument et de toute preuve : la femme sentirait avec son coeur ce que l'homme ne pourrait arriver à découvrir avec tous ses raisonnements.

Ainsi, pour le sens commun, les vérités du coeur ce sont d'abord des évidences que l'on sent plus qu'on ne les démontre.

Mais ce sont aussi d'autres vérités, celles que l'amour seul permet de découvrir.

En effet, c'est bien une opinion commune qu'exprime Saint-Exupéry, lorsqu'il dit : « On ne connaît bien qu'avec le coeur, l'essentiel est invisible pour les yeux ».

Il y aurait ainsi dans chaque être une vérité profonde qui échapperait aux regards indifférents, mais non à ceux de l'amour.

Goethe disait : « Je ne comprends que ce que j'aime » et cela signifie que les élans du coeur sont indispensables pour atteindre le vrai. Ainsi pour le sens commun les vérités du coeur désignent soit la connaissance immédiate de principes évidents, soit la connaissance profonde de réalités cachées.

Ces deux directions se retrouveraient dans les doctrines philosophiques, la première chez Pascal, la seconde chez Bergson. — B — Coeur et raison selon Pascal.

En effet, lorsque Pascal écrit : « Coeur, Instincts, Principes », il veut dire que la connaissance des principes relève d'une sorte d'instinct qui a sa source dans le coeur.

Est instinctif ce qui ne résulte pas d'un raisonnement, et si nous savons par exemple que l'espace a trois dimensions, c'est d'une connaissance tout instinctive, car c'est une vérité que notre raison est incapable de démontrer : « Le coeur sent qu'il y a trois dimensions dans l'espace ».

Toute démonstration suppose des principes sur lesquels elle s'appuie et qui ne peuvent être démontrés ; c'est la raison qui démontre, mais c'est le coeur qui donne les principes : « les principes se sentent et les propositions se concluent ».

C'est même par là seulement que l'on peut se sauver du scepticisme : les pyrrhoniens montrent bien que la raison ne peut tout prouver, et il en résulterait que l'homme ne peut atteindre aucune vérité, s'il ne disposait d'une autre source de connaissance que la raison.

Mais puisque le coeur nous fournit les premiers principes, nous n'avons pas à les prouver, et par suite l'argumentation sceptique est impuissante contre ces vérités du coeur : « nous avons une impuissance de prouver invincible à tout le dogmatisme ; nous avons une idée de la vérité invincible à tout le pyrrhonisme ».

En d'autres termes, toute notre connaissance repose sur des fondements qui relèvent du coeur et non de la raison.

On en peut dire autant de notre action : les fins dernières, qui donnent un sens à notre vie, ne résultent pas d'un raisonnement, mais d'un parti pris.

Se demandant s'il fallait « prendre la peine de faire la vie au lieu de la subir », Lagneau répondait : « ce n'est pas de l'intelligence que la question relève ».

Quand il nous faut choisir entre « être ou ne pas être », c'est avec notre coeur que nous choisissons et non avec notre esprit.

Premiers principes et fins dernières sont donc des vérités du coeur.. »

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