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Y a-t-il des possibles qui ne se réaliseront jamais ?

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« Un possible est un phénomène susceptible de se produire dans l'ordre des faits.

Non encore produit, il appartient au domaine de ce qui peut advenir, passer de la puissance à l'acte. Le verbe réaliser désigne le processus au terme duquel s'effectue un passage de la puissance à l'acte.

Lors de la réalisation, ce qui était cantonné dans le domaine du potentiel devient effectif. Lorsque nous demandons s'il y a des possibles qui ne se réaliseront jamais, nous demandons s'il existe des phénomènes que nous pouvons concevoir qui ne passeront jamais de cet état en puissance qu'ils ont dans notre esprit, à cet autre état de réalisation factuelle qu'ils ont dans la réalité. Nous verrons donc dans ce travail s'il est possible de concevoir quoique ce soit susceptible de se produire dans l'ordre des faits, dont nous savons qu'il ne passera jamais de la puissance à l'acte. I. L'ordre du monde détermine des possibles irréalisables a. Les adunata : des possibles contradictoires A la question « Y-a-t-il des possibles qui ne se réaliseront jamais », nous commencerons par répondre oui.

En effet, l'esprit est susceptible de concevoir des possibles qui ne pourront jamais passer de la puissance (la conception que j'en ai dans mon entendement) à l'acte (l'effectuation dans le domaine de la réalité).

Toute une tradition esthétique, celle du baroque, a fait des possibles contradictoires un sujet poétique : pensons aux adunata (c'est-à-dire aux « impossibilités »).

Le poète Théophile de Viau notamment a illustré ce genre, en écrivant des textes qui mettent en scène de telles impossibilités, notamment le mouvement d'un ruisseau qui remonte à sa source.

Nous dirons donc qu'il existe des possibles dans notre entendement qui ne pourront jamais se réaliser dans les faits. b. Des possibles contraires à l'ordre du monde Ce type de possibles irréalisables nous permet d'approcher un autre aspect du problème.

S'il existe des possibles qui ne se réaliseront jamais, c'est parce que nous pouvons concevoir des événements absolument contraires à l'ordre du monde.

En effet, il existe une légalité des phénomènes naturels, légalité qui est la condition nécessaire de l'activité scientifique, qui détermine des possibles irréalisables.

Nous pouvons concevoir que le soleil brille en pleine nuit : il ne s'agit que de nous représenter l'astre sur fond d'obscurité.

Cependant, les lois de la nature interdisent que de tels possibles passent jamais de la puissance à l'acte. II. a. Il n'existe aucun possible qui ne puisse se réaliser au cours du temps Il appartient au possible de n'être pas contradictoire Nous reviendrons ici sur un présupposé qui avait cours dans notre première partie.

Nous avons dit en effet que le possible pouvait être contradictoire, prenant l'exemple des adunata.

Cependant, Leibniz montre bien qu'il ne s'agit pas à proprement parler de possibles, mais plutôt de fictions de l'esprit.

Son raisonnement est extrêmement simple : est possible tout ce qui n'est pas impossible, c'est-à-dire, tout ce qui ne contient aucune contradiction.

Prenons l'exemple d'un monde possible : la seule règle de formation pour un monde est qu'il n'y ait pas de contradictions ; il n'y a aucun monde où les cercles sont carrés, par exemple.

Par conséquent, nous ne pouvons dire d'un possible qu'il est contradictoire, donc irréalisable, puisqu'il appartient à l'essence du possible d'être non contradictoire, c'est-à-dire réalisable. b. L'ordre du monde n'est qu'un possible historiquement réalisé Nous reviendrons également sur un autre point précédemment développé : nous avons dit que l'ordre du monde s'opposait à la réalisation de certains possibles, que la légalité naturelle était contraire à la réalisation de nombre de possibles.

Cependant, il faut bien voir que cette légalité n'est qu'une régularité.

David Hume montre parfaitement dans toute son œuvre que ce que nous prenons pour de la légalité n'est qu'une répétition dont il n'est pas certain qu'elle existera toujours.

L'alternance du jour et de la nuit n'est pas une loi, car nous ignorons la cause efficiente de ce phénomène : elle n'est qu'une habitude, une régularité.

Comme le dit Diderot dans « Le rêve de d'Alembert » : « De mémoire de rose, on a jamais vu mourir un jardinier ».

Cette phrase nous invite à comprendre que nous sommes pareils aux roses qui prétendent que les jardiniers sont immortels : nous jugeons des phénomènes naturels dont l'extension dans le temps nous dépasse infiniment.

Par conséquent, nous dirons que tous le possibles sont susceptibles de se réaliser au cours du temps, suite à une modification potentielle de l'ordre de la nature dont nous méconnaissons les causes premières. III. Il n'existe aucun possible qui ne soit déjà réalisé dans l'entendement divin a. Tous les mondes possibles sont réalisés dans l'entendement divin Nous envisagerons ici la philosophie de Leibniz dans son rapport aux mondes possibles.

Pour ce philosophe, il n'existe aucun possible qui ne soit réalisé dans l'entendement divin.

Toutes les possibilités de mondes existent dans l'esprit de Dieu, avec toutes les variations imaginables.

Pour Leibniz, ces mondes possibles ne sont pas de simples fictions, ils ont la réalité des mondes possibles.

Tous les mondes existent, définis dans leurs moindres détails, dans l'entendement du créateur.

Il faut bien voir la différence entre le monde possible et le monde actuel : si tous sont réalisés dans l'esprit divin, il n'en reste pas moins que seul notre monde est actuel.

Tous les mondes possibles sont donc réalisés ; mais seul notre monde est possible et actuel à la fois. b. Seul le meilleur des mondes est actuel et réalisé à la fois Nous nous demanderons donc ce qui détermine le passage de la possibilité à l'actualité, c'est-à-dire de la puissance à l'existence.

Il y a une compétition entre les possibles dans l'entendement divin.

Dieu est cause du passage de la possibilité de l'existence.

Cependant, il n'a pas la liberté d'un prince : il n'agit pas comme il le veut, ne fait pas ce qui lui plait, mais conformément à sa nature divine.

Dieu obéit aussi au principe de contradiction : Dieu conçoit tous les possibles, puis fait passer le monde qui existe dans sa volonté à l'existence, c'est-à-dire le meilleur des mondes.

Le meilleur des mondes est celui qui est le plus riche en essence.

S'il est plus riche en essence, il tend plus à l'existence que les autres.

Nous conclurons donc en disant qu'il n'y a pas de mondes possibles qui ne se réaliseront jamais, car tous sont déjà réalisés dans l'entendement divin.

Cependant, un seul est possible et actuel : notre monde, parce qu'il est le meilleur des mondes possibles. Conclusion : A la question « Y-a-t-il des possibles qui ne se réaliseront jamais ? » il parait évident de répondre oui : en effet, nous pouvons concevoir des possibles contradictoires, ou des possibles contraires à l'ordre de la nature.

Mais dans la mesure où le possible ne peut être contradictoire, et où l'ordre du monde n'est qu'une régularité, non une légalité, susceptible de changer, nous dirons que nul possible est incapable de se réaliser au cours du temps.

La philosophie Leibnizienne va dans le même sens, puisqu'elle montre que tous les mondes possibles sont déjà réalisés dans l'entendement humain.

Cependant, elle fait une distinction féconde entre réalité et actualité : seul un monde, le notre, est les deux à la fois, car il est (ou il est sensé être…) le meilleur des mondes possibles.. »

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