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Y a-t-il de l'irrationnel ?

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« L'irrationnel désigne par définition ce qui ne relève pas de la raison, ce dont la raison humaine ne peut rendre compte.

Donc, la réflexion philosophique tend le plus souvent à condamner et à expulser hors de son champ tout ce qui relève de l'irrationnel.

Car si la raison est ce qui fait qu'un homme est homme, alors l'irrationnel, c'est-à-dire ce qui n'obéit pas aux critères de la vérité et de l'erreur, doit être rejeté de la définition de l'humanité.

C omment cependant nier son existence? La philosophie peut-elle vraiment se désintéresser de la folie, de la création, de la foi, de l'action gratuite, de l'imaginaire, des passions...

qui semblent pourtant faire partie intégrante de l'humanité? 1.

Il y a de l'irrationnel, mais l'homme doit le combattre • L'irrationnel se distingue du déraisonnable.

Il renvoie au registre de la théorie, alors que le déraisonnable en concerne les applications pratiques.

Une invention comme la bombe atomique peut ainsi être tout à fait rationnelle, c'est-à-dire exprimer les attributs de la raison technicienne, et s'avérer cependant déraisonnable, ou folle dans son application.

En toute rigueur, on ne parlera donc d'irrationalité que pour désigner l'aspect théorique de la raison. • L'irrationnel désigne en ce cas l'au-delà ou l'en-dehors de la raison.

L'au-delà, c'est-à-dire ce sur quoi elle n'a aucune prise, et l'en-dehors, c'est-à-dire ce qu'elle rejette.

On peut penser à la foi ou à la croyance au sens large dans le premier cas, et à la sensation ou aux passions dans le second.

Si Descartes refuse à la raison la capacité de se prononcer sur des questions théologiques, c'est parce qu'elles ne relèvent pas du même ordre qu'elle.

Et si Kant condamne fortement les passions, c'est parce qu'elles entraînent la raison à leur suite dans la poursuite de mauvaises fins.

Elles pervertissent le droit usage de la raison : elles sont irrationnelles. PASSION MALADIVE "Si l'émotion est une ivresse, la passion est une maladie, qui exècre toute médication, et qui par là est bien pire que tous les mouvements passagers de l'âme." Kant, A nthropologie du point de vue pragmatique, 1798. On associe souvent le mot passion à tous les éléments de la vie affective.

O r, Kant établit ici une distinction de nature entre les émotions proprement dites et la passion.

Les émotions constituent une expérience intense, excessive.

L'esprit est submergé, interdit, paralysé par la joie ou la tristesse.

Mais cet état ne dure pas longtemps et passe de lui-même, contrairement à la passion qui dure, et qui se montre ainsi incapable de se réguler elle-même.

La différence entre émotion et passion s'interprète ici comme le passage du normal au pathologique.

Le critère d'évaluation est ici le temps. • Le rejet de l'irrationnel semble ainsi valoir comme mot d'ordre pour celui qui prétend penser juste.

Mais jusqu'à quel point peut-il être total ? P eut-on exclure l'irrationnel de la philosophie comme on excluerait les fous ou les insensés de l'humanité? 2.

L'irrationnel comme condition et envers de la raison • P our commencer à penser juste, l'homme enracine sa raison dans un socle pré-rationnel.

C 'est le cas des préjugés chez Descartes.

A vant de douter de tout, l'esprit est rempli d'idées précédant le jugement ou l'examen rationnel.

C'est sur eux que la raison prend appui pour s'exercer, et c'est à eux qu'elle est renvoyée lorsqu'elle est confrontée à des difficultés nouvelles.

Elle ne peut donc en faire l'économie si elle prétend être lucide. • Paradoxalement, l'homme est un être qui a besoin de raisons ou de rendre raison, mais qui justifie son existence par des principes qui récusent la raison : la foi, les passions...

L'irrationnel ne s'oppose donc pas à la raison.

T out au plus présuppose-t-il une raison mal employée ou impuissante : « le coeur a ses raisons que la raison ne connaît pas » (Pascal, Pensées). Le coeur a ses raisons que la raison ne connaît pas.

(Pensées) Le coeur, chez Pascal, désigne l'intuition qui permet de saisir les évidences n'ayant pas besoin d'être démontrées.

Il ne s'agit donc pas de la passion amoureuse.

Nous disposons de deux facultés pour connaître : le coeur procède par intuitions immédiates, la raison par la médiation de la déduction.

Le coeur suit donc une démarche que la "raison ne connaît pas".

Pascal joue sur les deux sens du mot "raison" • A insi, c'est la raison elle-même qui suscite l'imagination et les rêves, une réserve où, comme l'explique Freud dans l'introduction à la psychanalyse, «tout peut pousser et s'épanouir sans contrainte, tout même ce qui est inutile et nuisible ».

Il faut qu'existe une région de l'âme où les désirs puissent être satisfaits pour que, par ailleurs, les conduites puissent se subordonner à la réalité.

Laisser s'exprimer l'irrationnel est la condition du plein exercice de la raison.

C 'est en laissant s'épanouir cette dimension d'irrationalité, par exemple dans la création artistique, que l'homme peut par ailleurs s'intégrer dans la société et respecter ses codes. • La réflexion sur l'irrationnel ne sert pas seulement de repoussoir, négatif, à la raison.

Elle définit aussi l'autre aspect de l'homme, qui peut parfois être condamné mais qui doit en tout cas être considéré.

Car le monde n'est peut-être pas « la quintessence d'une rationalité éternelle » (Nietzsche, Humain, trop humain). CITATIONS : « L'illogique tient si solidement au fond des passions, du langage, de l'art, de la religion, et généralement de tout ce qui confère quelque valeur à la vie, que l'on ne saurait l'en arracher sans par là même gâter ces belles choses irréparablement.

» Nietzsche, Humain, trop humain, 1878. La déesse Folie : « D'où vient le charme des enfants, sinon de moi, qui leur épargne la raison, et, du même coup, le souci? Dis-je vrai ? Q uand ils grandissent, étudient et prennent l'usage de la vie, leur grâce se fane, leur vivacité languit, leur gaîté se refroidit, leur vigueur baisse.

A mesure que l'homme m'écarte, il vit de moins en moins.

» Érasme, Éloge de la folie, 1511. « J'ai une aversion irrationnelle pour la rationalisation de l'irrationnel.

» Jean Rostand, Pensées d'un biologiste, 1939.. »

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