Vous établirez avec précision la manière dont l'homme connaît les trois formes du temps : le présent, le passé et l'avenir ?

« Le passé, le présent, l'avenir.

Etablissez avec précision comment l'homme connaît ces trois formes du temps. INTRODUCTION.

- Tandis que l'étendue est connue par les sens, le temps, dit-on ordinairement, est connu par la conscience.

Mais le temps n'est qu'une abstraction.

En réalité, il n'y a que le passé, l'avenir et le présent.

Comment l'homme connaît-il ces trois formes du temps ? I.

Le présent.

— Nous serions tout d'abord portés à faire du présent la forme du temps connue la première. L'avenir, en effet, n'étant pas encore, ne peut pas être connu directement, et par ailleurs on ne voit pas comment nous connaîtrions le passé, si nous ne l'avions pas connu alors qu'il était présent. Mais, d'autre part, qu'est-ce que le présent ? La ligne géométrique ou idéale qui sépare cet avenir qui n'est pas encore du passé qui n'est plus.

Le présent n'a donc pas de réalité ontologique ou en soi.

Ce qui constitue pour nous le présent, le présent psychologique, n'est que la fusion, sous le regard de la conscience, du passé et de l'avenir immédiats. Mais est-il vrai de dire que c'est par, la conscience que nous saisissons le passé et l'avenir ? II.

Le passé.

— Le passé n'est plus; nous ne pouvons donc pas en avoir conscience.

Il ne reste de lui que le souvenir.

C'est donc par la mémoire que nous connaissons le passé. Mais la mémoire ne suffit pas à nous faire connaître le passé en tant que tel.

En effet, toutes nos représentations, et les représentations du passé comme les autres, lorsqu'elles occupent seules le champ de la conscience, sont rapportées au présent.

Si les souvenirs sont pensés comme passés, c'est qu'ils s'opposent, dans la conscience, à des représentations du présent. La connaissance du passé comme passé n'est donc possible que grâce à la connaissance du présent. III.

L'avenir.

— La représentation de l'avenir n'est ni donnée à la conscience, ni conservée par la mémoire. Elle est construite par l'imagination et par la raison, d'après les expériences passées dont la mémoire a conservé le souvenir. La représentation de l'avenir est parfois une sorte de création.

La carrière que bien des jeunes gens vivent d'avance est une construction de leur imagination.

Mais il y a tout autant de création, création rationnelle cette fois, dans l'édifice que l'architecte voit dressé sur l'emplacement destiné à sa construction, ou dans la machine dont l'ingénieur a fait le projet. Dans la plupart des cas, le travail d'invention est bien moindre et souvent il se réduit à zéro : connaître l'avenir, c'est projeter sur le moment qui va suivre une représentation du passé; alors le travail de l'imagination se borne à reproduire.

Ainsi c'est d'après le passé que le pianiste se représente les notes que va émettre son instrument, c'est d'après des milliers d'expériences que le forgeron prévoit l'effet de son coup de marteau. Mais de même que le passé, l'avenir ne peut être connu comme tel que par opposition au présent.

Une seconde fois nous sommes amenés à affirmer la nécessité de connaître le présent : sans cette connaissance, l'avenir comme le passé nous resteraient inconnus. CONCLUSION.

- Nous avons du présent une conscience immédiate.

Mais ce présent n'est de soi qu'une catégorie vide, pure mobilité ou pur changement.

S'il prend un sens, c'est qu'il est prolongé en arrière et en avant par des souvenirs et par des prévisions fondées sur ces souvenirs.

En définitive, c'est grâce à la mémoire que nous connaissons les différentes formes du temps, l'avenir aussi bien que le passé, et même le présent qui n'est que la portion du temps où le passé mord sur l'avenir.. »