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Vivre vraiment: en travaillant ou sans travailler ?

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« Avant la Chute, A dam et Eve jouissaient des richesses du jardin d'Eden, sans avoir à travailler.

Cet état d'innocence et de béatitude est bien vite anéanti, et les hommes condamnés à gagner leur pain « à la sueur de leur front ».

La paresse devient un des sept pêchés capitaux : l'oisiveté est prohibée tant par l'Eglise que par la morale.

Pourtant, la tentation de vivre sans travailler reste forte : mais est-il possible de préserver des liens sociaux sans apporter sa contribution à la communauté ? Ne pas travailler, n'est-ce pas également éviter de se heurter à son environnement et à autrui ? Si les enjeux de ces interrogations s'avèrent tout à la fois relever de la morale et de la politique, c'est que le travail est synonyme de transformation tant de soi que de la nature : une vie sans travail, n'est-ce pas une vie sans résistance, menée uniquement dans le souci de soi et de l'instant ? I. IL EST POSSIBLE DE VIVRE SANS TRAVAIL A l'état de Nature, l'homme ne vit pas de son travail, des modifications qu'il accomplit sur la Nature, mais de ce que cette dernière lui prodigue.

Rousseau décrit les premiers hommes comme des chasseurs cueilleurs solitaires, paresseux, qui vivent dans une innocence parfaite et dans le contentement permanent.

C es premiers hommes, lorsqu'ils se rencontrent, échangent dans la transparence, ignorent la propriété et la concurrence.

Vivre sans travail, c'est vivre comme une espèce comme une autre au sein de la Nature, en lui étant soumis quant à sa survie. Mais lorsque les rapports humains se sont modifiés, il est resté des hommes sans travail : les Maîtres, qui à la différence de leurs esclaves, ne se préoccupaient que du soin de leur âme, de l'atteinte de l'ataraxie, alors que les esclaves se préoccupaient pour eux de répondre à leurs besoins.

Cette vie sans travail, c'est celle de la vite contemplativa, comme le souligne H.

Arendt, « c'est la vie de plaisirs ». Enfin, à considérer les politiques économiques et sociales contemporaines, il est devenu possible de vivre sans travail, dans la mesure où les chômeurs se trouvent soutenus financièrement certes, mais ce qui frappe, c'est comme le met en lumière Ulrich Beck, l'accroissement tant quantitatif que qualitatif des tâches accomplies par les machines.

L'homme ne fait plus que les surveiller et les commander, il pourrait donc vivre sans effectuer un travail visant directement à répondre à ses besoins. II. VIVRE SANS TRAVAIL, C'EST SURVIVRE Rousseau, s'il met en lumière cet état bienheureux de l'homme premier paresseux, n'a également de cesse d'affirmer la perfectibilité humaine.

Or, le travail modifie autant la Nature que celui qui l'effectue : il forme tant on esprit que son corps, exerce son intelligence.

De plus, travailler, ce n'est pas uniquement modifier la matière, mais échanger avec ses semblables, que ce soit de façon langagière ou économique.

Une vie sans travail se résumerait donc à celle de la bête qui ne peut penser un autre état que celui dans lequel elle se trouve, ce serait nier la fonction sociale du travail. Perdre son travail, ce n'est pas uniquement perdre son moyen de subsistance, mais perdre une partie de son identité, cesser de coopérer au fonctionnement de la société, et par là, perdre le sentiment d'appartenance au tout sociétal.

Là se pose la question de la reconnaissance qu'inclut le travail : l'individu est en effet reconnu par son travail, au même titre que dans la C ité idéale de Platon il existait des individus nés pour être artisans, d'autre dirigeants.

Si de nos jours le mythe ne survit pas, subsiste ce besoin de reconnaissance de ses compétences et d'appartenance à un tout.

V ivre sans travail, c'est vivre dénué de la reconnaissance de ses talents. Par ailleurs, ce que dénonce H.

Arendt, ce n'est pas tant la vita activa que la transformation progressive de l'homo sapiens en animal laborans : celui qui travaille sans qu'aucun acte créateur ne sous-tende son action.

Or, cet acte créateur, il est présent non seulement dans le travail de la matière, mais aussi dans le travail de l'esprit : imaginer, concevoir, autant d'activités de la pensée, qui sont réalisées par l'homme tant dans son travail que sa vie hors de celui-ci.

Imaginer un homme sans travail de cette sorte, c'est imaginer un homme qui ne soit pas doué de raison, c'est donc un homme réduit à l'état végétatif.

V ivre sans travail, en utilisant le terme « travail » au sens de transformation de soi par ses actes, c'est être réduit à une bête de somme. III. DOIT-ON VIVRE SANS TRAVAIL ? 1. Renforcer le dernier paragraphe de l'antithèse Si donc nous acceptons le terme de travail au sens intellectuel du terme, il est nécessaire de trouver des intervalles de vie sans travail.

Sans tomber dans un éloge de l'oisiveté, si c'est la perfectibilité qui définit l'homme, c'est en réfléchissant ses choix et actions que l'homme peut réellement se prétendre tel. Il est donc nécessaire de suspendre son jugement, de cesser ses activités, pour revenir à une vie mesurée et morale.

[ici, un certain parallélisme avec la démarche cartésienne est possible] 2.

Autre possibilité : on doit vivre sans travail si le travail aliène l'homme Ce que dénonce Marx dans l'organisation capitaliste du travail, c'est que l'individu n'est plus considéré que comme force de travail, effectuant une tâche répétitive qui en aucun cas ne peut contribuer à son bien-être.

Le « travail aliéné » réduit l'homme à une possibilité de profit pour la classe dirigeante. Refuser de travailler, faire la grève, c'est dès lors résister contre l'asservissement de l'homme par l'homme.

Dans le cas contraire, c'est accepter que l'homme régresse vers l'animal, réduit à son travail pour répondre à ses besoins, n'y trouvant aucune source de satisfaction. Un autre type de position pourrait être défendu ici : discours moral/religieux : ce n'est que le jour où il s'agit d'honorer le Seigneur qu'il est défendu de travailler. A son image, l'homme se doit de travailler six jours et de se reposer le septième.

Par le travail, l'homme peut lutter contre les vices qui hantent son âme, ne laisse pas son imagination le pervertir, ne sombre pas dans la rêverie mélancolique.

Foucault souligne dans son Histoire de la Folie qu'à l'âge classique le travail était conseillé aux mélancoliques afin de parvenir à la guérison.

Ce qui n'est pas naturel pour l'homme, c'est de se laisser aller à l'oisiveté, aux histoires des romans. Au terme de cette analyse, on peut donc dire qu'il est possible de vivre sans travailler, si l'on considère contemplation et réflexion comme les plus hautes activités humaines.

Dans le cas contraire, et dans la mesure où c'est par le travail que l'homme éprouve tant la Nature que lui-même, une vie sans travail s'apparente d'avantage à une déshumanisation, à un état stagnant.

Il n'est pas certain que le bonheur se trouve dans l'absence de travail, plutôt dans un juste équilibre entre volonté et réflexion de l'individu avec ses actes. Si la morale peut condamner l'oisiveté, il n'en est pas moins que le refus de travailler peut être légitimé par cette absence de correspondance citée cidessus : un travail abêtissant doit être évacué de la vie humaine, sous peine de rebrousser le chemin de la perfectibilité.. »

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