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Toute croyance est-elle superstition ?

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« Notre sujet nous demande d'interroger l'équivalence croyance/superstition.

Il est indéniable que, de prime abord, on se sent porté à assimiler les deux notions, réduisant ainsi la croyance à la superstition.

Cependant, il nous faut, afin de fournir une réponse argumentée, analyser les concepts en présence, c'est-à-dire croyance et superstition.

Ainsi, si la croyance nous renvoie à la sphère religieuse (le croyant étant l'homme religieux lui-même), il n'est pas sûr que croyance et religion soit entièrement superposables.

En d'autres termes, la croyance pourrait recouvrir autre chose que le fait de croire en Dieu ou aux miracles.

C'est ce qu'une analyse de la notion aura pour but de dégager, permettant de penser à nouveaux frais la relation croyance/superstition. I – La croyance et l'opinion À un premier niveau, la croyance n'est pas d'origine religieuse, mais elle possède un statut épistémologique ; en d'autres termes, elle concerne l'épistémè, c'est-à-dire le savoir.

De ce point de vue, la croyance est à ranger du côté de l'opinion, par opposition à la science, où les choses se démontrent.

Croire, c'est croire que…, c'est-à-dire connaître par ouï-dire, de manière indirecte et non prouvée.

La croyance est, selon cette acception, faible, puisqu'elle reçoit sans questionner et ne cherche pas à vérifier ce qu'elle prétend savoir.

La croyance est le premier niveau de la connaissance, c'est-à-dire une connaissance irréfléchie (qui ne se remet pas en question) et sommaire. C'est à partir de cette définition que la science se distingue de la croyance-opinion et de la croyance religieuse, puisque ces deux dernières n'empruntent pas les voies de la démonstration scientifique.

Opinion et religion sont alors considérées comme superstitieuses : en effet, la superstition renvoie essentiellement à la crainte.

Ainsi, le fidèle qui craint la colère de Dieu ou celui qui croit quelque chose (sans savoir véritablement ce qu'il en est) restent passifs, soumis à un ordre de chose qu'ils ne contrôlent pas et, par voie de conséquence, superstitieux. Dès lors, la croyance est un état de non-savoir qui caractérise aussi bien l'opinion (comme opposée à la science) que la croyance religieuse (également comme opposée à la science).

De ce point de vue-là, la croyance est bel et bien superstition. II – La croyance et la foi Je crois parce que c'est absurde.

Saint Augustin Cette phrase définit la foi.

Nous n'avons nulle preuve de l'existence de Dieu.

Croire en Dieu (ou n'y pas croire) relève d'un choix d'existence mais qui reste infondable en raison. Cependant, dans la hiérarchie épistémologique, il est possible de conférer un statut différent à la croyance religieuse, à mi-chemin entre l'opinion et la science.

Dès lors, la croyance renvoie à la foi et il ne s'agit plus de croire que… (croyance-opinion), mais de croire en….

; du point de vue strictement religieux, il serait faux de dire que l'on croit que Dieu existe ; plutôt, il faut dire que nous croyons en Dieu.

Cette conception est bien illustrée par saint Paul. Celui-ci disait : « credo quia absurdum », c'est-à-dire « je crois parce que c'est absurde ».

En effet, le fait de croire aux miracles relève selon lui de la foi et non de la science.

« Croire en » et « savoir » sont dès lors deux actes différents : par exemple, que l'eau se soit changé en vin au cours des noces de Cana, voilà quelque chose que l'on ne peut savoir, c'est-à-dire qui n'est pas démontrable scientifiquement et qui paraît même impossible du point de vue de la science.

Or, il s'agit d'un miracle auquel on peut croire.

Dès lors, si je ne sais pas que l'eau s'est changé en vin, je peut tout de même y croire.

Il en est de même pour Dieu : je ne sais pas (d'un point de vue rationnel) s'il existe, mais je peux croire en lui (et non pas « croire qu'il existe », ce qui relève de l'opinion). Ainsi, la croyance religieuse représente un acte de foi, c'est-à-dire un acte à mi-chemin de la croyanceopinion (zéro degré du savoir) et de la science (savoir démontré).

De ce point de vue, la croyance n'est plus passive et soumise à la crainte, mais elle constitue son objet : si je ne sais pas si Dieu existe ou que je ne crois pas qu'il existe, je peux croire en lui.

Je ne suis plus superstitieux, au sens où ma croyance n'est plus une ignorance, mais un acte positif. III – La croyance et la science Nous avons vu que la croyance n'est pas nécessairement liée à la superstition, ni à la religion.

C'est dans ce sens que Hume argumente dans son Traité de la nature humaine, où il ne fait de la croyance un problème épistémologique, mais un problème anthropologique.

En effet, du point de vue épistémologique, soit la science relègue la croyance dans le domaine de la pure opinion et donc de la superstition, soit elle lui accorde un statut particulier, intermédiaire entre opinion et savoir ; du point de vue anthropologique, la croyance devient le dernier mot de la connaissance de l'homme.. »

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