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Toute communication est-elle indirecte ?

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« VOCABULAIRE: COMMUNIQUER / COMMUNICATION: Transmission d'informations ou de signaux à l'aide d'un code.

Échange d'un message entre un récepteur et un émetteur (aussi bien animaux qu'humains). THÈMES DE RÉFLEXION • Si quelqu'un dit à quelqu'un d'autre «j'ai le front brûlant » ou « j'ai mal à la tête », il ne lui communique ni la chaleur ni le mal de tête mais il l'informe de ce qu'il éprouve. (Bien sûr, il pourrait communiquer, comme une « maladie », la chaleur de son front mais il ne pourrait communique! directement son mal de tête.) En ce sens il apparaît que la communication directe n'a pas sa place en « sémiologie » et en « linguistique » et que l'un des problèmes à se poser est de savoir ce qu'on peut sous le terme « communication ». • En un autre sens, on parle de communication indirecte lorsque la communication s'opère malgré le langage, en dehors du langage : — thème du silence plus vrai que la parole; — thème de l'indicible; — thème du langage qui nous enferme en nous-même d'autant plus qu'il apparaissait comme devant nous ouvrir à autrui. • D'où problème : lorsqu'on dit que toute communication est « indirecte » à quoi renvoie exactement le « toute »? (Cf.

la communication mathématique, la communication scientifique.

Voire la communication culturelle.) Certes on dira que ces communications peuvent s'effectuer « directement » précisément parce que s'est cristallisé dans le langage quelque chose de commun; et qu'ainsi il s'agit d'une communication qui ne communique que ce qui était déjà... commun (d'une certaine façon)...

c'est-à-dire « rien »? • Ne pourrait-on penser — comme l'écrit Gusdorf — que : « Ce n'est pas la communication qui est indirecte — c'est l'homme lui-même, les limites à l'expression et à la communication sont les limites mêmes de l'être personnel.

»? — En ce cas, comme le pense Gusdorf, ne faudrait-il pas « substituer » « à la notion de communication indirecte » « celle d'une plus ou moins grande authenticité de la communication »? De plus en plus la philosophie entend dépasser ou relever (au sens d' «aufheben ») la philosophie de « l'ego cogito » de Descartes ou du « sujet transcendant » de Kant, du sujet seul, en prise à la dualité esprit-matière, âme-corps comme à ce qui serait son seul problème ou son seul horizon.

Elle veut traverser le moment solipsiste de l'histoire de la philosophie de la conscience qui complaisamment ne s'interroge que sur sa propre image et ainsi clôture l'enceinte d'une subjectivité indépassable car la philosophie aujourd'hui doit prendre en compte, questionner et éclairer ce qu'il en est du rapport à l'autre, de l'intersubjectivité où le sujet est confronté à autrui à la fois comme à un « alter ego », à un autre moi, mon semblable mais aussi où le sujet est toujours surpris et étonné par cet étranger, autrui, tellement différent, presque indéfini, qui le déborde de toute part.

Husserl peut-être le premier a été attentif à l'altérité comme constituant de l'existence.

Mais s'interrogeant alors sur le rapport, la relation qui peut exister entre deux êtres humains, entre les personnes, on en vient souvent à constater l'échec, la faillite de la communication, l'impossibilité de communiquer vraiment.

Les existentialistes dont Sartre principalement ont souligné et ont mis en évidence la mauvaise foi, la difficulté d'être sincère, authentique, honnête dans nos rapports à autrui.

Car autrui est à la fois ce qu'il est de plus proche mais aussi de plus dangereux, de plus mortel pour ma conscience; déjà Hegel dans sa dialectique du Maître et de l'Esclave rappelait que toute conscience vise la mort de l'autre (la conscience est alors le Moi paranoïde, fonction de défense et de méconnaissance dont parle Jacques Lacan dans ses Écrits).

Souvent les philosophes ont beaucoup plus insisté sur la rupture, la discontinuité entre les êtres, la division, la séparation initiale que rien ne vient à combler ou à suturer, car autrui est radicalement autre, que sur la possibilité et l'espoir toujours renouvelés, toujours recommencés d'approcher l'autre, mon prochain, et de communiquer avec lui.

L'autre apparaît comme une blessure, la plaie vive de la conscience qui n'est plus ce lien fort du même et de l'identité, qui n'est plus l'unique, mais qui doit « s'arranger » avec l'altérité, la différence, « l'hétérogène ».

Cette difficulté de communiquer avec autrui, d'où vient-elle ? S'il est vrai que toute communication est indirecte, sommes-nous alors condamnés à n'avoir de rapports à autrui que toujours faussés, aliénés, piégés ? N'y a-t-il pas de relation franche directe possible? Faut-il recourir à un « Tiers », le langage ou n'importe quel système signifiant, pour faire entendre à l'autre ce que je veux lui dire, lui faire signifier, lui communiquer.

Il convient de nous arrêter un peu, pour nous demander si « toute communication est indirecte ». Communiquer avec autrui demande d'abord de vouloir communiquer, il faut tendre vers autrui, être porté vers lui; soutenir une relation suppose toujours l'intention de communiquer, d'échanger, de raffermir un lien, une entente, il y a un « vouloir dire » originel qui préside à la communication et qui est comme la tension et l'influx qui dirige et qui supporte le vecteur, le lien qui me destine à autrui.

Une espèce de tension, d'atmosphère d'intimité et de secret baigne deux êtres qui se parlent.

Cette tension qui me pousse vers l'autre, qui me pousse à l'interpeller, à l'appeler, à l'apostropher, cette demande qui sourd du plus intérieur de moi-même qui invoque, évoque ou convoque autrui, le sollicite, est : intentionnalité, projet.

Il y a ainsi toujours un motif de communiquer, un projet qui fait que j'aborde, que j'approche autrui non comme un objet mais comme un sujet parlant désirant et qui peut me répondre et qui le fait toujours même par son silence.

Ce motif qui me met proche d'autrui, qui m'approche de lui pourrait-on dire, participe d'une sorte de générosité et de richesse, de fécondité, d'ouverture entière à l'autre, de sortie hors de moi-même, et d'accueil, de reconnaissance, la communication alors encore première, initiale, inaugurale, et pourtant néanmoins accomplie, non moins riche est directe, pleine, immédiate.

Je suis ouvert à autrui, chaque homme demeure dans ce désir de reconnaissance de la part d'autrui, il faut que l'autre me reçoive comme je me tolère, il faut le respect et l'entente mutuelle, et ceci existe sans tiers, sans médiation, sans langage ni code.

Emmanuel Levinas dans Totalité et Infini montre très bien que ce rapport premier, discret, délicat, encore fragile, ce lien sans communication, sans messages, ténu, primitif, ne subsiste et n'est possible qu'à travers une attente et une entente réciproques, il y faut de la patience et de la bonne volonté.

La communication, une communication plus élaborée, plus langagière et donc moins directe, moins franche, s'appuie toujours sur ce premier pas qui de l'un à l'autre les rapproche dans un cheminement interminable, incessant.

A l'aurore de la communication, à la racine, son motif, il y a le désir et « l'excendance », sortie hors de soi, je marche vers autrui, j'accède à l'autre.

Cette introduction à une communication plus étendue, à venir, est immédiate et directe, c'est dès ce moment-là que l'autre d'abord individu anonyme devient pour moi autrui, une personne qui me parle.. »

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