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Tout ce qui est techniquement possible est-il souhaitable ?

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« [Introduction] La technique est un acte efficace.

Elle sert à des fins pratiques, conditionnées historiquement et culturellement dans le temps et l'espace.

Elle permet de réaliser un but, mais sans le définir, car c'est l'homme qui définit son projet.

O n doit donc se demander si tout ce qui est techniquement réalisable doit être réalisé, ou s'il faut limiter les progrès de la science et de la technique.

Peut-on utiliser la technoscience, la faire progresser, en faisant l'impasse sur la réflexion éthique de son utilisation, de sa finalité ? [I.

La technique profite-t-elle à l'homme?] Pendant longtemps l'homme a survécu grâce au développement de la technique.

Le mythe de Prométhée, raconté par P laton dans le Protagoras, exprime bien la terrible fragilité de l'homme dépourvu de techniques.

Celui-ci a amélioré ses conditions de vie grâce au pouvoir de la technique sur la nature (utilisation du feu, agriculture) et sur son propre corps (hygiène, meilleure santé en général, d'où une longévité de plus en plus grande).

Plus tard, le développement des moyens de transports, de communication, les objets électroménagers, ont amélioré notre qualité de vie.

Les techniques sont un processus d'émancipation. La technique est un « dispositif », dit Heidegger, c'est-à-dire en latin un instrumentum.

Mais la maîtrise technique de la nature, cette quête effrénée depuis Descartes, qui pensait que l'homme serait « comme maître et possesseur de la nature» grâce à l'évolution des techniques, n'a pas ce sens dans la pensée des Grecs.

La teknê, le savoir-faire grec, reste un savoir, une connaissance chez Platon et A ristote, une manière créative d'exprimer le vrai.

Rien à voir avec la pensée occidentale moderne où la technique est entièrement instrumentalisée : ne prenons qu'un exemple, celui de l'exploitation de la nature définie comme un simple réservoir d'énergie. A ujourd'hui, l'évolution fulgurante des sciences et des techniques produit des ruptures dans notre façon de vivre, et de ce fait génère de nouvelles organisations.

P renons l'exemple des nouvelles technologies : elles engendrent de nouvelles méthodes de travail, de nouvelles conceptions de gestion du temps et du personnel.

Elles obligent à réinventer l'organisation du travail, et donc à réfléchir sur notre façon de vivre, à analyser le sens de ces progrès technologiques.

Nous nous interrogeons aujourd'hui sur la puissance de la technique, tout aussi capable de détecter et de soigner des maladies graves, que de provoquer une catastrophe nucléaire –Tchernobyl –, ou écologique – l'Erika.

De plus, les progrès des biotechnologies capables de modifier le patrimoine génétique humain posent des questions essentielles sur ce que signifie l'homme et la vie. [II.

Tout ce qui est technique vise l'intérêt] La technique ne veut rien, ne souhaite pas quelque chose plutôt qu'une autre.

C 'est l'homme qui définit la finalité des sciences et des techniques.

La technique vise l'utile, l'intérêt.

L'utilisation de la technique n'est pas neutre.

Marx avait déjà suspecté sa prétendue neutralité : la question des rapports entre la technique, la politique et l'économie se pose donc.

Prenons un exemple dans le domaine médical dont on a beaucoup parlé ces derniers temps : les médicaments qui aident à vivre avec le sida.

Ils sont extrêmement chers et les laboratoires pharmaceutiques occidentaux qui les fabriquent ne veulent pas baisser leurs prix.

De ce fait, l'A frique, qui est le continent le plus pauvre et le plus touché par cette épidémie, voit le nombre de ses malades augmenter sans cesse.

Aucun Africain ou presque n'a les moyens financiers de suivre le traitement contre le sida, les hôpitaux n'ayant eux-mêmes que peu de subventions.

Les laboratoires, sous la pression de certaines organisations, commencent à « faire un effort » – bel euphémisme quand tant d'enfants sont contaminés ou meurent chaque jour.

On voit bien ici la relation entre l'économie, la politique et la technique : la politique économique des laboratoires techniquement performants est une politique libérale de profits.

A joutons aussi, pour être justes, qu'il en est de même pour bon nombre de pays africains dont les gouvernements délaissent, voire refusent de prendre en compte ce terrible problème de santé publique. Le problème de la qualité de la vie et du destin de l'homme se pose aujourd'hui, comme si, désormais, l'utile et l'interrogation philosophique de la finalité ne devenaient qu'une seule et même question : l'homme serait-il le jouet de la technique ? La technique menace-t-elle d'échapper au contrôle de l'homme ? « C ela veut-il Dire que l'homme serait livré impuissant aux mains de la technique pour le meilleur et pour le pire ? Non.

C ela dit le contraire même ; et non pas seulement le contraire, mais essentiellement plus, parce qu'autre qu'un simple contraire », écrit Heidegger dans Questions IV .

Accepter les objets techniques indispensables et refuser le déchaînement technique : ce sont là les deux faces d'une même pièce, et toute décision est une décision politique, au sens large. [III.

Doit-on imposer des limites à la technique ?] La technique et la science ont apporté d'indéniables progrès à l'humanité.

Il n'est pas question de revenir en arrière.

La question qui se pose alors est une question d'ordre moral : tout ce que l'ingéniosité humaine est capable d'imaginer et de réaliser concrètement, grâce au développement gigantesque des sciences et des techniques, doit-il être réellement voulu pour l'humanité ou faut-il savoir renoncer à concrétiser des inventions au nom de la morale ? C'est le problème aujourd'hui, par exemple, du clonage humain, du génie génétique. Kant a mis l'accent sur les dangers d'un apprentissage technique qui privilégie l'acquisition d'un savoir-faire et l'emploi des moyens nécessaires pour atteindre le but à réaliser, mais qui néglige la formation du jugement et de la réflexion sur la valeur des fins poursuivies.

Les impératifs techniques ne sont pas des impératifs catégoriques : ils sont au service de l'intérêt, et ne disent rien sur la valeur du but visé.

«Il ne s'agit pas de savoir si le but qu'on se propose est raisonnable et bon, mais de déterminer ce qu'il faut faire pour l'atteindre », écrit Kant dans les Fondements de la métaphysique des moeurs.

Ce qui signifie que la technique fait abstraction de la conscience morale. • La technique, parce qu'elle fait passer la science aux actes, pose le problème de la finalité — voire de la moralité de la science : l'arme nucléaire, par exemple, est-elle seulement la perversion d'un pur et innocent désir de connaître ? ou bien, la science est-elle responsable, dès son principe, des terrifiantes applications qu'on en peut faire ? • Les dangers que font aujourd'hui courir à l'humanité les progrès techniques (cf.

également les manipulations génétiques) mettent-ils en cause l'usage qu'on fait de la science ou la science elle-même ? « L'esprit humain, déclarait A uguste C omte, doit procéder aux recherches théoriques en faisant complètement abstraction de toute considération pratique » (C omte, C ours de philosophie positive, 1830/1842).

Mais est-il possible, et si oui, est-il légitime de procéder de la sorte ? Quelle que soit votre réponse, la question est incontournable dans tout devoir tournant autour de la valeur de la science. L'intérêt, l'efficacité valent-ils d'être universellement désirés ? Ils sont les signes distinctifs de la puissance technique et, en ce sens, n'obligent jamais légitimement le sujet qui se définit toujours comme un sujet moral.

On s'interroge en fait sur la valeur du progrès.

On sait – ne serait-ce que par expérience – que tout ce qui est techniquement possible n'est pas nécessairement bon pour tous les hommes.

L'homme joue à l'apprenti sorcier et son «jeu» n'est pas neutre.

Il témoigne d'une idéologie, implicite ou explicite.

Limiter la puissance technique ou ne pas la limiter reste essentiellement un problème politique, le projet du monde dans lequel on souhaite vivre. [Conclusion] Le sujet nous demande si l'on doit développer de manière illimitée les sciences et les techniques, sans se soucier des conséquences de l'instrumentalisation du monde mais aussi de l'homme que ce développement entraîne – car rien n'échappe à la technique, pas même l'homme.

On peut répondre de deux façons.

Soit l'on y voit, comme Freud, une course mortelle autodestructrice.

Soit l'on considère, comme François Dagognet, que «les techniques sont en règle générale plus libératrices que captatrices ou déshumanisantes.

[...] Les techniques sauvent l'homme plus qu'elles ne compromettent son avenir ».. »

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