Temps et conscience ?
Extrait du document
«
Définition des termes du sujet:
TEMPS: Milieu indéfini et homogène, analogue à l'espace, dans lequel se déroulent les événements.
Temps objectif: Mouvement continu et irréversible (« flèche du temps ») par lequel le présent rejoint le passé.
Temps subjectif: Sentiment intérieur de la temporalité, telle qu'elle est vécue par le sujet (synonyme : durée).
La conscience vient du latin conscientia, qui signifie « accompagné » (cum) de « savoir » (scire).
Être conscient signifie donc que lorsque
l'on sent, pense, agit, on sait que l'on sent, pense ou agit.
Mais il convient d e distinguer la conscience directe ou immédiate, qui
accompagne ainsi tous les actes du sujet, de la conscience réfléchie, conscience qui se saisit elle-même comme conscience.
La première
consiste à « avoir conscience », tandis que la seconde consiste à « être conscient d'avoir conscience ».
Le passage de l'un à l'autre serait le
fait de « prendre conscience ».
L'homme est l'être pour qui le temps est une condition d'existence et un souci.
L'animal, par opposition, nous offre l'exemple d'une vie
sur laquelle le temps glisse sans y introduire de bouleversements particuliers.
L'homme, parce qu'il est conscience, vit dans le temps tout
en le sachant C'est pourquoi nous disons qu'il existe, alors que l'animal ne fait que vivre.
L'existence, en effet, ne se conçoit pas sans
cette conscience du temps qui lui donne toute sa valeur
Mais, posséder k pouvoir de penser k temps, n'est-ce pas être hors du temps ? Ne faut-il pas pouvoir s'extraire du temps pour en parler ?
La signification de notre expérience du temps serait donc double.
Nous en faisons une expérience subjective et nous le concevons comme
un objet.
Est-ce pensable sans contradiction ?
Temps et irréversibilité
Le temps, forme de la succession, donne à notre existence une direction que je ne choisis pas.
En cela, il est une condition d'existence.
Le
temps se présente donc à nous sous la forme de l'irréversibilité.
Nous pouvons modeler, en partie, le sens de notre existence, mais nous
ne pouvons faire que le temps s'arrête ou s'inverse.
Un temps qui nous pousse, qui toujours avance, n'est-il pas dès lors le signe même
de notre impuissance ? Par cette qualité particulière d'irréversibilité, le temps nous conduit à un terme que nous devinons.
Il nous impose
également une perte : nous avons un passé, par exemple.
Mais q u e devient-il « avec le temps » ? La mémoire nous fait prendre
conscience de ce qui n'est plus.
L'imagination projette devant nous notre mort.
La conscience du temps est bien savoir, mais savoir de
notre finitude.
Le temps est toujours une blessure en ce sens.
De quelque côté que nous nous tournions, devant comme derrière nous,
nous s o m m e s s e s prisonniers.
Cette connaissance d'un temps irréversible donne à notre existence le sens d'un devenir possédant un
terme.
Mais ce n'est pas seulement un temps extérieur à notre personne.
Notre identité elle-même « devient » : en perpétuel devenir,
notre être change.
Notre impuissance à l'égard du temps ne se double-t-elle pas alors d'une incertitude sur nous-même ?
Temps et identité
Notre conscience elle-même est temporelle.
L'expérience que nous avons de notre pensée nous le montre : toute pensée a une certaine
durée.
Lorsque, par exemple, nous disons que « nous comprenons une phrase », outre qu'il nous faut « du temps » pour sa
compréhension, une certaine durée de notre existence vient de s'écouler et semble l'étoffe de notre pensée en train d e s e faire.
Cela
manifeste une relation singulière de notre conscience à la durée.
Elle ne nous livre pas seulement un temps unique et objectif (temps de
l'univers ou temps social).
Celui-ci est h o m o g è n e et quantitatif : il est identique pour tous et son découpage le sépare en moments
identiques (heures, minutes, secondes).
Notre conscience nous livre encore une durée qui nous unit à nos passés, présent et avenir selon
une qualité particulière.
« Ne pas voir le temps passer » ou, au contraire, « trouver le temps long », c'est donner au temps des qualités
différentes selon nos états subjectifs.
En ce sens, exister, c'est être aux prises avec des durées différentes.
Nous trouvons en nous une coexistence d e durées, ayant des
tonalités différentes.
L'existence possède une certaine unité dont la conscience est le fondement.
Mais cette unité repose sur une
expérience vécue du temps, toujours originale et propre à chaque conscience.
Le temps de notre conscience est donc l'écoulement perpétuel d'une durée vécue, multiple et qualitative.
Notre identité rassemble des
moments épars du temps dans une unité toujours singulière.
L'expérience que nous faisons de cette multiplicité est celle d'une relation
complexe et individuelle au temps, qui ne saurait se réduire au seul temps objectif.
Les sens du temps
Le temps n'est pas seulement ce que nous subissons.
Il s'offre à nous comme une durée originale que nous pouvons construire.
Le
temps vécu n'est pas une simple droite qui court, invariable : il possède des directions et des significations différentes.
Dire que tous les
hommes ont un passé, un présent et un avenir, ce n'est pas encore dire quelque chose de significatif.
Ce qui importe plutôt est de savoir
ce que sont ce passé, ce présent et cet avenir pour eux.
Car ils sont un passé, un présent et un avenir tout autant qu'ils les ont.
Savoir,
par exemple, que nous avons un avenir, signifie déjà que nous comprenons le temps comme facteur possible de nouveauté pour notre
existence.
La conscience peut donc toujours conférer au temps vécu la signification d'une création à faire, qui ne voue pas la vie humaine
à la morne répétition de ce qui a été.
Avoir un avenir, c'est être capable de projeter devant soi un devenir.
Cette situation singulière voue cependant l'homme a une incertitude fondamentale : l'existence ne possède pas de sens qui lui préexiste,
et elle n'en a jamais seulement un.
Le temps de notre existence, que nous devons construire, est l'occasion pour nous d'exercer notre
puissance et notre liberté.
Exister est donc faire l'expérience permanente de deux sens différents du temps.
Il signifie à la fois la possibilité d'une destruction de
notre être et celle de l'espoir, parce qu'il se déploie en nous et devant nous, et nous invite à nous y engager.
Allié et ennemi en même
temps, il nous appartient de vivre avec cette ambiguïté.
CITATIONS :
« La conscience simple, mais empiriquement déterminée, de ma propre existence, prouve l'existence des objets dans l'espace et hors
de moi.
» Kant, Critique de la raison pure, 1781.
« La conscience est un trait d'union entre ce qui a été et ce qui sera, un pont jeté entre le passé et l'avenir.
» Bergson, L'Energie
spirituelle, 1919.
La conscience est avant tout activité de synthèse, unification du réel.
Elle rassemble d'une part les connaissances du passé en les
sélectionnant et en les organisant (elle est alors mémoire) ; elle se projette d'autre part dans l'avenir, en « visant » des objets qu'elle ne
connaît pas encore (elle est alors anticipation).
« Sans donner de la conscience une définition qui serait moins claire qu'elle, je puis la caractériser par son trait le plus apparent :
conscience signifie d'abord mémoire.
» Bergson, L'Énergie spirituelle, 1919..
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Saint Augustin: La conscience et le temps
- Dans quelle mesure la conscience intime du temps nous permet-elle d'assigner un sens à notre existence ?
- Peut-on établir une différence entre le temps mesuré par le physicien et le temps vécu par la conscience ?
- La conscience du temps rend-elle l'existence tragique ?
- Faut-il dire que la conscience est dans le temps, ou que le temps est dans la conscience ?