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La conscience du temps rend-elle l'existence tragique ?

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« Temps et conscience du temps : le temps est l'abîme de la conscience.

D'une conscience toujours déjà nécessairement plongée dans le temps, dans ce lieu qu'est le temps où se peut déployer la pensée, toutes pensées. La conscience est dans le temps, car le temps est son rythme, le diaphragme, la membrane vibrante sur laquelle se déploie son pouvoir (limité). Parler ainsi de la conscience du temps est opérer un mouvement de réflexivité de la conscience (déjà réflexive puisque con-science) sur sa propre possibilité de déploiement.

Penser la conscience du temps est vouloir saisir le sens de l'essence de la conscience, c'est-à-dire la nécessité de son existence. Le mouvement de la conscience du temps est en soi une démarche tragique.

Mais rend-elle pour autant l'existence tragique ? Afin de préciser l'ordre et la pertinence d'une telle question trois enjeux peuvent constituer la trame du développement : De quoi la conscience du temps a-t-elle / est-elle (la) conscience ? Qu'est-ce que le tragique (temps / existence) ? Quelle est l'efficience de la conscience (du temps) ? I.

Le temps objet de la conscience “ Quand on me demande ce qu'il est, je ne sais point répondre ; et lorsqu'on ne me le demande pas je sais ce qu'il est ” (Confessions).

Vouloir ainsi avoir conscience du temps se confronte à l'insaisissabilité d'un objet qui, toujours présent à la conscience, sans cesse lui échappe.

Le temps dans son essence se saisit par privation.

Et ce dont on a conscience lorsqu'on semble en avoir conscience se réduit à la saisie de sa propre négation, c'est-à-dire de la finitude constitutive de la chair. "Si le futur et le passé existent, je veux savoir où ils sont.

Si je n'en suis pas encore capable, je sais du moins que, où qu'ils soient, ils n'y sont ni en tant que futur, ni en tant que passé, mais en tant que présents.

Car si le futur y est en tant que futur, il n'y est pas encore ; si le passé y est en tant que passé, il n'y est plus.

Où donc qu'ils soient, ils ne sont qu'en tant que présents.

Lorsque nous faisons du passé des récits véritables, ce qui vient de notre mémoire, ce ne sont pas les choses elles-mêmes, qui ont cessé d'être, mais des termes conçus à partir des images des choses, lesquelles en traversant nos sens ont gravé dans notre esprit des sortes d'empreintes.

Mon enfance, par exemple, qui n'est plus, est dans un passé disparu lui aussi ; mais lorsque je l'évoque et la raconte, c'est dans le présent que je vois son image, car cette image est encore dans ma mémoire. La prédiction de l'avenir se fait-elle selon le même mécanisme? [...] De quelque façon que se produise ce mystérieux pressentiment de l'avenir, on n'en peut voir que ce qui est.

Or ce qui est déjà n'est pas futur, mais présent.

Lorsqu'on déclare voir l'avenir, ce que l'on voit, ce ne sont pas les événements eux-mêmes, qui ne sont pas encore, autrement dit qui sont futurs, ce sont leurs causes ou peut-être les signes qui les annoncent et qui les uns et les autres existent déjà : ils ne sont pas futurs, mais déjà présents aux voyants et c'est grâce à eux que l'avenir est conçu par l'esprit et prédit.

Ces conceptions existent déjà, et ceux qui prédisent l'avenir les voient présentes en eux-mêmes." SAINT AUGUSTIN C'est bien à partir de l'être du présent que celui du passé et du futur, et conséquemment celui du temps lui-même, peuvent s'éclaircir.

Il ne s'agit plus toutefois du présent compris comme instant ponctuel tel qu'il a été défini plus haut (texte 3) mais du présent compris comme trace de présence, présent que forment d'une part les imagessouvenirs (passé), d'autre part les signes annonciateurs (avenir), les deux pouvant, à leur manière, se graver dans l'esprit.

Ces empreintes psychiques du temps attestent donc la présence du passé et celle de l'avenir.

Ces deux temps n'existent qu'au présent, d'où l'affirmation augustinienne du triple présent : le présent du passé, le présent du présent, le présent de l'avenir (au chap.

XX, Augustin affirme : « il y a trois temps, le présent du passé, le présent du présent, le présent du futur »). L'acte de la mémoire et l'acte de l'esprit qui prévoit l'avenir sont des exercices de ce que nous appellerions aujourd'hui la fonction symbolique, qui évoque les choses à partir des signes.

La mémoire qui se souvient, l'esprit qui prévoit, ne sont pas des magasins où se rangeraient les choses.

La mémoire est la fonction du récit (possibilité même de l'histoire).

La prévision de l'avenir est acte de prédire.

La présence du temps est donc fondamentalement liée à la discursivité. Mais par cette épreuve de l'inaccessibilité du temps en soi ou dans son essence, c'est-à-dire de la conscience de la finitude seule, jaillit par contraste la possibilité de l'atemporalité, de l'éternité qui est négation de la finitude.

Cette possibilité de l'événement de l'éternité à partir de la finitude produit la conscience (négative) de la présence de l'éternité en la finitude de la chair, et conduit à l'espérance (vertu théologale temporelle par excellence). Ainsi, la conscience du temps comme temps fini ne rend-elle aucunement l'existence tragique puisqu'elle est l'épreuve conditionnant la possibilité de la conscience du salut.

Je sais pouvoir être sauvé parce que je sais ne pas être éternel, et je me sais mortel parce j'ai conscience de la finitude de mon temps. II.

Tragédie du temps Mais si mon temps fini n'est pas celui de la tragédie puisque le salut peut en être assuré, ce n'est que la conséquence d'un préjugé du temps comme linéaire et eschatologique.

Or là n'est pas le tragique, puisque le. »

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