Suffit-il de vouloir pour pouvoir ?
Extrait du document
«
Vouloir :
La volonté se définit comme la faculté de choix : pouvoir de se déterminer librement à agir ou à s'abstenir d'agir, en vertu de motifs.
La
volonté implique une délibération consciente : par ce trait, l'acte volontaire s'oppose à l'acte qui procède de l'instinct, de l'impulsion,
d'un réflexe ou d'une habitude.
Vouloir, c'est donc poursuivre une fin déterminée et conscient.
On peut déjà noter que la volonté inclue
également une faculté de représentation.
Pouvoir :
Etre en capacité de faire quelque chose, par rapport aux circonstances extérieures ou d'un point de vue intellectuel.
Pouvoir agir est
une manifestation de la liberté.
Ce sujet nous propose de remettre en question le vieil adage : je veux donc je peux.
C'est-à-dire que par la force de ma volonté que
suis capable d'agir : ma volonté est le principe de mon action.
Il faudra démêler les présupposés métaphysiques d'un tel énoncé et la
portée moraliste de ce postulat car deux niveaux de réflexion sont à explorer : celui de la liberté morale et celui de la nécessité
physique.
I.
La volonté authentique s'accomplit comme pouvoir dans l'action
La volonté n'est pas un concept simple.
Il combine d'autres notions qui sont autant d moments constitutifs de la volonté : la
délibération, la décision, la réalisation.
Même si Aristote considérait la délibération et la décision comme une succession linéaire et
temporelle, il faut dire que cette distinction n'est justifiable qu'au point de vue du sens et non pas du point de vue temporel.
Cela parce
que la délibération, la décision et l'exécution sont enchevêtrés dans ce que l'on appelle la volonté.
En conséquence, un vouloir
authentique ne peut se limiter à une simple projection : il a besoin de se concrétiser dans la réalisation.
Paul Ricoeur considère que
l'agir doit être saisi dans sa globalité : ne volonté qui resterait inerte, silencieuse, ne déciderait pas vraiment puisque la réalisation et
la décision s'imbriquent l'une l'autre.
Quand on prend une décision, c'est pour ou en vue de, il y a toujours un certain rapport
d'intentionnalité qui lie la décision et l'action ensemble.
L'agir, au travers de notre expérience corporelle, fait surgir une autre dimension
de l'action: le pouvoir.
En me projetant moi-même comme sujet de l'action, je m'affirme capable de cette action.
Et du fait que mon
corps m'obéit, le pouvoir ramassé en mon corps oriente mon projet en direction de l'action, en direction de la réalité.
L'action se
déroule toujours à la première personne, c'est toujours moi ou je qui agit.
Le sentiment de pouvoir devient un critère de la volonté:
comme pour le projet, le vouloir ne peut se suffire à lui-même, c'est donc dans l'action, en tant que réalisation du vouloir, ou dans le
sentiment de pouvoir, qui anticipe l'action, que la volonté trouve ses critères d'authenticité.
II.
La seule volonté ne peut pas permettre à l'homme de se dégager du déterminisme universel
Nous avons tous fait l'expérience de vouloir réaliser quelque chose, d'agir en ce sens et de ne pas obtenir le résultat souhaité.
C'est
l'expérience commune de la nécessité des phénomènes par le principe de la causalité.
Le monde physique est entièrement déterminé
et longtemps, la métaphysique, empreinte d'ontologie catholique, a considéré que l'homme échappait à la nécessité naturelle de par
son libre arbitre.
Spinoza remet cette certitude en cause en affirmant qu'il n'y a pas de pouvoir mais des puissances, naturelles et que
l'une d'elles, l'âme, est soumise aux mêmes lois que les corps.
Il en prend pour preuve les
passions, mouvements comparables à ceux des forces physiques qui meuvent les corps inertes.
Il
n'y a donc pas de choix volontaire qui puisse procurer le pouvoir : il n'en existe que l'illusion.
D'ailleurs Spinoza considère que la volonté n'est même pas une faculté au titre où l'entendait
Descartes.
Dès lors, la volonté perd tout son sens et la liberté doit chercher le sien ailleurs.
III.
La volonté et la puissance peuvent être comprises et réinvesties en tant que
mode d'être supérieur
Pour autant, nous faisons l'expérience de vouloir : si la volonté n'est pas une faculté au sens
métaphysique, nous pouvons voir qu'elle correspond en tout cas à un mouvement vers le plus, une
dynamique de croissance, d'acquisition, de renforcement, quel que soit l'objet de la volonté.
Nietzsche dégage la volonté du trait anthropologique du désir,
pour observer que cette force, c'est en fait l'impulsion innée
qu'a la vie de se surmonter elle-même, de se transcender.
Il
l'appelle la volonté de puissance.
Puissance, dans la pensée
de Nietzsche, et spécialement dans cette expression « volonté
de puissance », signifie simplement un plus haut degré, un
mode d'être supérieur, un degré d'être, de vie plus abondants.
Ainsi ce que « volonté de puissance » signifie est simplement
un plus haut degré, un mode d'être supérieur, une vie plus abondante, plus pleine, plus riche, plus
noble, plus sublime, une vie différente en termes de qualité et de dimension.
Dès lors, même si le
monde est sous l'emprise de la nécessité universelle, même si les mouvements de l'âme y sont
soumis eux aussi, on ne peut que relever la réalité de cette volonté de puissance, de cette
aspiration à la transcendance qui fait peut-être la spécificité de l'humain.
Celle-là même que
reconnaît Spinoza lorsqu'à la fin de l'Ethique, il affirme que nous sentons et que nous
expérimentons que notre âme a quelque chose d'éternel.
Il ne suffit pas de vouloir pour pouvoir même si la volonté est le préalable de l'action incarné :
celle qui me constitue en tant qu'homme.
Malgré tout, il nous est difficile de nier la nécessité des
phénomènes.
C'est donc que la véritable liberté, si elle ne peut être physique _l'homme ne peut
échapper à la vieillesse et à la mort_ est d'ordre métaphysique : la connaissance sans cesse
renouvelée de l'être et la force qui le meut..
»
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