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Sommes nous condamné à jouer un role dans la société ?

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« Demander si nous sommes condamnés à jouer un rôle dans la société semble presque au premier abord une question de logique : en effet même si nous nous marginalisons ou même si la société nous exclu nous y jouons toujours, malgré nous, un rôle.

Comment dès lors s'affranchir d'un rôle puisqu'à toute place en correspond un ? Ce n'est donc pas en variant ou en choisissant notre fonction que nous y échapperons. Or, il ne faut pas faire l'économie d'examiner les présupposés de la questions : si l'on montre qu'à une fonction sociale ne correspond pas nécessairement un rôle, nous pourrons dire que nous ne sommes pas condamnés à jouer un rôle dans la société.

En effet, la notion de rôle si son usage peut paraître désintéressé est toujours investi affectivement et renvoie à la situation de l'acteur, c'est-à-dire à celui qui ne se présente jamais tel qu'il est en lui-même mais toujours en défaut ou en excès sur ce qu'il est.

Autrement dit : être à la société serait-ce toujours paraître ? I- A une fonction correspond toujours un certain rôle. Régis Debray dénonçait au milieu des années 1960 ce qu'il appelait la « société du spectacle », sa dérive consumériste.

On peut se demander si en deçà d'enjeux politiques le fonctionnement d'une société ne s'apparente pas toujours à une forme de mise en scène.

A chaque fonction identifiable ne correspond t-il pas un certain mode de représentation ? Non que la fonction et le rôle soient confondus mais il semble qu'à une fonction répond un rôle, qui varie selon l'époque.

La fonction de politicien s'accompagne du rôle d'orateur ou aujourd'hui d'homme de média, télégénique ; la fonction d'artiste s'accompagne du rôle d'homme maudit, à l'écart, ou aujourd'hui d'homme extraverti.

Mais le rôle ne recouvre pas la fonction : les marques que le politicien ou l'artiste vont laisser dans l'histoire ne dépendent pas seulement de la façon dont l'opinion les a reçu.

Autrement il n'y aurait pas d'histoire, si l'actualité recevait son sens une fois pour toute dans le présent, il n'y aurait qu'une histoire journalistique sans distance. Même les marginaux ont un certain rôle : ils peuvent servir de garants à un ordre moral qui justifie ainsi sa nécessité.

Ceux qui transgressent la loi contribuent à la maintenir, bref en transgressant l'ordre ils le reconduisent. II- L'homme authentique autant qu'un autre joue un rôle. Peut-on en appeler à la figure de l'homme authentique, par exemple du résistant, chez qui l'être coïncide avec la fonction, pour lequel il n'est plus question de paraître ni d'être en représentation mais de défendre ce qu'il croit profondément juste ? Or celui-ci, sans que cela n'altère nullement son intention, joue pourtant toujours un rôle : celui de sauveur possible du temps de son action (ou de terroriste : c'est ainsi que les résistants français étaient nommés), puis de figure historique une fois la période révolue et analysée. C'est l'occasion de remarquer qu'un rôle peut être investi sans aucune distanciation : on peut jouer un rôle dont la valeur représentative, affective, est manifeste, sans pour autant être en retrait sur sa personnalité réelle. C'est pour cela qu'on utilise le mot d'acteur non pas seulement pour désigner celui qui trompe mais simplement celui qui agit. III- Mais à un rôle il peut ne pas correspondre de fonction. Toutefois si à une fonction correspond un rôle, la réciproque n'est pas vrai : une fonction implique en effet une part d'activité, or il existe des rôles sociaux, qui participent à l'ordre de la société mais de façon purement négative, c'est-à-dire sans que leur rôle soit basé sur aucune fonction. C'est le cas des exclus qui n'ont plus aucune fonction dans la société mais y joue néanmoins un rôle : ils sont ceux qu'on désigne du doigt et qui incarnent la figure de l'échec.

C'est le cas encore de gens à l'inverse très aisé mais qui ne travaillent pas et n'ont aucun titre social à faire valoir : là encore il y a absence de fonction mais incarnation d'un rôle, celui du riche oisif. Cette configuration est évidemment très problématique : l'individu est pris dans un rôle qu'il subit avant tout puisque n'y correspond aucune activité, du moins aucune activité socialement valorisée, on retrouve la figure déconsidérée de la femme au foyer.

Il y va donc toujours d'un rôle quelle que soit notre place dans la société ; c'est la reconnaissance par autrui de notre rôle qui importe pour se construire socialement, et même existentiellement, or comment peut-il y avoir reconnaissance si au rôle ne correspond aucune participation active au fonctionnement social ? Conclusion : Autrefois le banni, aujourd'hui l'exclu, tous ont un rôle dans la société, représentent quelque chose aux yeux du corps social.

Il est impossible de se départir d'un rôle même si l'on est pas intégré à la société, ou même si l'on agit sincèrement.

L'homme authentique plus qu'un autre encore est une figure mythifiée.

Nous avons cependant distingué rôle et fonction : à un rôle ne correspond parfois aucune fonction, ce qui s'avère problématique pour cela qui sont concernés : ce n'est pas parce qu'on a un rôle qu'on peut socialement se construire, être reconnu, il faut qu'à ce rôle corresponde une fonction.. »

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