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Sociologie: faits sociaux comme des choses (Durkheim) ?

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« Envisageons quelques exemples de ce que l'on a coutume d'appeler un «fait social», soit passager soit plus ou moins permanent : une émeute, une mode, une coutume immémoriale.

Il sera facile d'y reconnaître l'action mutuelle et la sorte de contrainte qu'exercent les individus les uns sur les autres.

De la constatation de l'élément social, on peut tirer la définition suivante : «Le fait social est une manière d'être ou d'agir résultant d'un groupement humain momentané ou stable ». Auguste Comte a voulu faire de l'étude des faits sociaux une science positive ayant pour but de déterminer les rapports constants qui règlent leur évolution.

Durkheim, fondateur de l'école sociologique française, ajoute que, pour cela, « la première règle, et la plus fondamentale, est de considérer les faits sociaux comme des choses.

(Règles de la Méth.

sociol., 20.) Essayons de voir ce qu'il faut entendre par là, c'est-à-dire, quelle est la pensée de Durkheim et dans quelle mesure elle traduit la véritable méthode sociologique. I.

— « FAIT SOCIAL » ET « CHOSE » : COMMENTAIRE. La pensée de Durkheim est évidemment de rapprocher la socio des sciences de la matière, pour en faire un savoir vraiment positif.

Or, l'analogie de méthode doit reposer sur une analogie dans la nature de l'objet. A.

Analogie des objets.

— A la suite de Spencer et de quelques autres, Durkheim compare, en effet, la société à une sorte d' « hyperorganisme » résultant de la vie en commun de nombreux êtres humains, et voit dans la sociologie une « superbiologie » ou biologie sociale, en raison de la solidarité des membres dans le groupement ou corps social. Il constate, d'ailleurs, en conformité avec cette thèse, que le fait social apparaît essentiellement comme : a> extérieur et observable, soit directement, soit par l'histoire et l'ethnographie; b> objectif et devant s'interpréter en le débarrassant de toute « équation personnelle »; c> enfin (et ceci est important), soumis à un véritable déterminisme. 1° L'existence de ce déterminisme est prouvée par de nombreux exemples et d'intéressantes statistiques; même les cas dits « anormaux » y obéissent à leur façon : le nombre de suicides est en fonction de divers fadeurs que l'on peut déterminer; — la proportion des lettres mises à la poste sans adresse à Paris et à Londres au cours d'une année est sensiblement le même par rapport au nombre total de lettres envoyées.

De même, le nombre d'assassinats par rapport à la population totale d'un pays, etc. 2° La raison de ce déterminisme : Taine la cherche dans la constance du milieu, Marx, dans les lois des besoins économiques, Spencer, dans la biologie humaine, Durkheim, lui, la trouve dans cette contrainte « impérative et coercitive » (lois, châtiments légaux, opinion, concurrence que la société impose à ses membres, et qui leur fait une manière ,d'être « extérieure » et « supérieure » aux consciences individuelles.

On ne choisit pas le lieu de sa naissance, ni l'organisation de la famille, ni le régime d'éducation, ni le code, ni les idées morales, ni les croyances et pratiques religieuses de son milieu, ni la monnaie, etc. Le fait social est donc un phénomène objectif dominant les consciences individuelles et ayant pour siège l'âme collective. B.

Analogie des méthodes.

— Aussi on devra traiter le fait social comme une « chose » et lui appliquer la méthode expérimentale avec ses divers procédés : a) Observation directe, exigeant les qualités requises dans les sciences de la nature, ou bien recueil des documents historiques et ethnographiques; le tout coordonné sous forme de rapports numériques dans les statistiques et les graphiques. b) Cette observation, par les coïncidences et les analogies constatées, amène l'hypothèse. c) Celle-ci, à son tour, devra être contrôlée par l'expérimentation ou surtout par la comparaison d'observations invoquées et rapprochées en vue de vérifier l'idée.

C'est la méthode comparative, dont l'expérimentation (ou observation provoquée) n'est qu'une sorte, selon- Durkheim, et qui, au demeurant, est aussi d'un usage courant en biologie spéciale.

Les sciences auxiliaires (histoire, ethnographie) et les statistiques seront encore là d'un précieux concours, en permettant des rapprochements qu'on ne peut provoquer dans la réalité (coutumes et structure sociales analogues de l'Afghanistan moderne et de l'Europe au moyen âge). d) Enfin l'induction permet d'établir : 1° soit des uniformités de coexistence, comme en biologie spéciale : c'est une sorte d'anatomie ou statique sociale; 2° soit des uniformités de succession et causalité, comme en biologie générale et en physico-chimie : c'est la physiologie ou dynamique sociale. Un dernier rapprochement est constitué par l'emploi des mathématiques, qui traduisent numériquement les résultats, sous forme des statistiques et graphiques.

Ainsi se montre non seulement la proportion de certains faits normaux ou anormaux, mais encore sont indiqués, de façon précise, de nombreux rapports. II.

— « FAIT SOCIAL » ET « CHOSE » : MISE AU POINT. A.

Il faut le dire tout de suite, du point de vue méthodologique, ce procédé, essentiellement inductif et expérimental, convient fort bien à la sociologie.

Puisqu'il s'agit d'établir des lois, c'est-à-dire des rapports entre faits sociaux, il est évidemment nécessaire de partir de l'observation des phénomènes collectifs, en les considérant avec le plus d'objectivité possible.. »

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