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« Savoir vraiment, c'est savoir par les causes. » pensez-vous que la science puisse aujourd'hui souscrire à cet aphorisme de Bacon ?

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Le savant, c'est celui qui sait; mais ¡I y a diverses manières, plus ou moins savantes, de savoir, depuis la simple description de l'objet naturel, comme cela se voit dans les commencements de la science, jusqu'à ce savoir hautement mathématisé que l'on rencontre, par exemple, en optique géométrique ou dans certaines branches les plus évoluées de la mécanique. « Savoir vraiment, nous dit Bacon, c'est savoir par les causes »; sans doute, encore convient-il de préciser le sens de la notion de cause; nous ne pourrons le , faire sans rencontrer les vigoureuses critiques portées par l'empirisme classique et le positivisme comtien contre cette notion et qui tendent à la dissoudre et à l'exclure du domaine de la science ; nous nous demanderons alors si de telles critiques rendent définitivement caduc l'aphorisme de Bacon ou si elles ne seraient pas simplement le prélude à une refonte de la notion de causalité qui l'adapterait aux exigences critiques et explicatives de la science actuelle.

« INTRODUCTION Le savant, c'est celui qui sait; mais ¡I y a diverses manières, plus ou moins savantes, de savoir, depuis la simple description de l'objet naturel, comme cela se voit dans les commencements de la science, jusqu'à ce savoir hautement mathématisé que l'on rencontre, par exemple, en optique géométrique ou dans certaines branches les plus évoluées de la mécanique.

« Savoir vraiment, nous dit Bacon, c'est savoir par les causes »; sans doute, encore convient-il de préciser le sens de la notion de cause; nous ne pourrons le , faire sans rencontrer les vigoureuses critiques portées par l'empirisme classique et le positivisme comtien contre cette notion et qui tendent à la dissoudre et à l'exclure du domaine de la science ; nous nous demanderons alors si de telles critiques rendent définitivement caduc l'aphorisme de Bacon ou si elles ne seraient pas simplement le prélude à une refonte de la notion de causalité qui l'adapterait aux exigences critiques et explicatives de la science actuelle. I.

— La cause comme « efficace » n'a pas de valeur explicative; la critique positiviste. La cause, en un sens courant du terme, c'est essentiellement ce qui produit un certain effet; il y a dans ce mot l'indice d'un pouvoir efficient, d'une € efficace » comme disait Malebranche.

Ainsi, la cause de la chute des corps est la force de la pesanteur, la cause du déplacement d'un wagon tamponné par un autre wagon est le travail que le second fournit au premier, la cause de réchauffement du fil de la lampe à incandescence est l'énergie cédée au fil par le courant électrique. Il semble à première vue que l'on puisse se satisfaire de telles affirmations; l'idée de force efficiente, celle même que nous exerçons quotidiennement sur les choses pour les transformer, ne nous est-elle pas familière? Il y a une étroite parenté entre les notions de force, de travail ou d'énergie et l'expérience humaine de l'effort.

Mais justement, diront des philosophes comme Malebranche, puis Hume, devançant en cela les conclusions des sociologues et des psychologues modernes, nous transportons indûment dans les objets ce dont nous avons une expérience simplement subjective; il y a là une illusion anthropomorphique {illusion qui consiste à douer les êtres inanimés de désirs, de volitions et de sentiments analogues aux nôtres) qui tend à substituer une pseudo-explication à l'intelligence véritable des phénomènes; c'est ainsi que l'on expliquera ,ou croira expliquer, que le pavot fait dormir grâce à sa « vertu » dormitive, que le sommeil d'épuisement est dû à l'action d'hypno-toxines (ce qui ne nous avance guère plus), que l'oxygène et l'hydrogène se combinent grâce à leur « affinité » ou que l'eau monte dans les corps de pompe aspirante parce que la nature a « horreur » du vide. En réalité, la causalité comme efficace est étrangère à toute expérience objective.

L'efficace est partout supposée, mais jamais perçue; ce que nous voyons, et qui est objet d'expérience scientifique possible, ce sont des phénomènes qui se disposent dans l'espace et se succèdent dans le temps, et non quelque impulsion, force, attraction, énergie ou autres « entités » abstraites, produits résiduels, dira Auguste Comte, de l'imagination « métaphysique » et dont on doit purger définitivement la science positive.

Ainsi, je ne vois pas l'énergie électrique, mais le déplacement d'une aiguille sur le cadran d'un ampèremètre ou la luminescence d'un filament de carbone; je ne vois pas le travail passer d'un wagon à l'autre, mais je vois un wagon se mettre en mouvement et l'autre s'immobiliser tandis qu'ils entrent en contact. Il est donc vain de rechercher « le mode intime de production des phénomènes » (Comte); il faut délaisser la recherche du « pourquoi » pour ne s'intéresser qu'à celle du «comment», renoncer à expliquer par les causes, puisqu'aussi bien elles sont illusoires ou échappent à l'expérience objective, mais établir les lois de coexistence ou de succession des phénomènes.

Tel est le programme de la science positiviste.

Et si elle renonce à de chimériques projets, du moins se fait-elle efficace : la connaissance des lois permet d'assurer notre action sur le monde et vraiment d'en devenir comme les maîtres et possesseurs.

Que pourrions-nous vouloir de plus ? II.

— La cause comme «raison» : la valeur explicative de la théorie. Sans doute la science se présente-t-elle aussi comme l'instrument privilégié de l'homme pour transformer la nature, mais elle se renierait comme science si elle ne cherchait d'abord à expliquer les phénomènes.

Or on peut douter de la valeur explicative de la loi.

Etablie par induction, vérifiée par les faits, la loi manifeste bien une certaine liaison des phénomènes, et cela plait à l'esprit, mais elle ne fait que constater l'ordre des phénomènes, elle ne l'explique pas, on dit que la loi reste contingente : Copernic constate que les planètes ont une orbite elliptique, il peut en tirer des conclusions utiles aux navigateurs, mais il n'explique pas pourquoi cette orbite est elliptique, c'est pourtant cela qui importe le plus au regard du savant; on pourrait en dire autant du mouvement des marées ou de la loi de la chute des corps; ainsi, loin d'expliquer les phénomènes, c'est la loi des phénomènes qui est à expliquer; on comprend dès lors l'insuffisance de la science positiviste; les savants ne s'y sont pas trompés qui, passant outre aux interdictions d'Auguste Comte, ne se contentent pas d'établir des lois, mais s'efforcent d'en rechercher la cause explicative. La cause ainsi comprise ne devra plus être conçue comme énergie ou efficace — les critiques de Hume et de Comte sont sur ce point définitivement acquises — mais comme raison; la cause n'est pas ce qui fait, mais ce qui fait comprendre, ce qui justifie; c'est la théorie qui, dans la science actuelle, apporte cette justification; la valeur explicative de la théorie lui vient de ce qu'elle lie les lois particulières en un système déductif : ce qui, en effet, rendait contingentes les lois particulières, c'était leur isolement les unes des autres, mais lorsqu'une théorie permet de les relier entre elles de façon rigoureuse, de les déduire d'un principe unique, alors les phénomènes, les lois, s'éclairent réciproquement et le réel croît en intelligibilité.

« Si une loi à elle seule n'est jamais nécessaire, puisqu'elle résulte simplement d'une élaboration de constatations plus ou moins régulières, par contre, la coordination déductive de deux ou plusieurs lois entre elles introduit un élément de plus dans la direction de la nécessité logique ou mathématique ».

(Piaget.

Introduction à l'épistémologie génétique). Illustrons cela par un exemple: quel rapport peut-il bien exister entre des phénomènes aussi divers que la chute d'une pomme, le rythme complexe des marées ou la loi des planètes? Il appartenait au génie de Newton d'apercevoir dans la théorie de l'attraction universelle la formule de leur profonde unité; aussi, est-ce d'un même mouvement, pourrait-on dire, que la pomme tombe de l'arbre ou que la mer se soulève vers la Lune ou que les planètes tombent sur le Soleil ou s'en éloignent selon le moment de leur course elliptique; ces phénomènes, d'abord étrangers les uns aux autres, deviennent tout d'un coup garants les uns des autres, désormais reliés par le lien nécessaire de la déduction : ils sont, au regard de l'expérience, comme aux yeux de l'esprit, et pour la même raison, tout à la fois effets d'une même cause et conséquences d'un même principe. CONCLUSION La cause n'est pas une chose qui serait à côté des autres choses, moins encore une efficace, maïs le rapport nécessaire des phénomènes entre eux; la cause ainsi comprise n'ajoute rien aux phénomènes, si ce n'est la lumière.

Sans doute la science ne saurait s'achever; la cause à laquelle on aboutit comme théorie explicative est à son tour à justifier par quelque théorie plus vaste, c'est le statut de la connaissance phénoménale; mais si l'on ne peut jamais, au niveau de la science expérimentale savoir complètement, c'est toujours par la cause que l'on sait vraiment, c'est grâce à elle que la science progresse et que les phénomènes se systématisent en des ensembles toujours plus rationnels; savoir vraiment, aujourd'hui comme pour I Bacon, c'est savoir par les causes.. »

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