ROUSSEAU: On le forcera à être libre.
Extrait du document
«
On le forcera à être libre.
On trouve cette formule énigmatique au septième chapitre du premier livre du « Contrat
social ».
Rousseau affirme que celui qui refuse d'obéir aux lois peut y être contraint par
le corps social, mais il ajoute que cette contrainte sert en fait la liberté de celui qui y
est soumis.
Ce paradoxe met en évidence la tension qui existe entre notre existence
d'individu et notre existence de citoyen, et interroge sur la conciliation de l'obéissance
civique avec la liberté.
Rousseau partage avec les partisans du droit naturel l'idée que l'être humain est
naturellement libre et autonome, chacun d'entre nous a naturellement le droit de décider
de ses propres actions, dans son propre intérêt.
Or, l'intégration à un État nécessite
une organisation sociale, des lois, un pouvoir commun.
Le problème central qu'examine le
« Contrat social » est de savoir ce qu'est une loi légitime, ou encore de déterminer à
quoi chacun de nous s'engage en vivant sous un pouvoir commun.
Qu'est-ce que je
donne de mon pouvoir de me diriger moi-même ? à qui ? en l'échange de quoi ? Ou
encore, dans quel but véritable les hommes décident-ils de s'associer, de se donner des lois communes ?
Alors que Hobbes pense que le souci d'être en sécurité est le principal moteur de la vie sociale, Rousseau affirme
que « renoncer à sa liberté, c'est renoncer à sa qualité d'homme ».
Non seulement la liberté est inaliénable, et nul
ne peut vouloir être soumis à un autre, mais surtout les hommes s'associent pour conserver leur liberté et se
préserver des rapports de dépendance personnelle.
Le problème de la création de l'État légitime peut donc s'énoncer ainsi : « Trouver une forme d'association qui
défende et protège de toute la force commune la personne et les biens de chaque associé, et par laquelle chacun
s'unissant à tous n'obéisse pourtant qu'à lui-même et reste aussi libre qu'auparavant.
»
Or, comment créer des lois et n'obéir à personne ? La réponse de Rousseau est apparemment simple : « Le peuple
soumis aux lois doit en être l'auteur.
»
Chaque individu promet d'obéir à la « volonté générale ».
La « volonté générale » est ce qu'il y a de commun dans
toutes les volontés.
Par exemple, au moment où un groupe d'individus veut s'associer, il existe en chacun de ses
futurs membres une volonté commune : créer cette association, quelles que soient par ailleurs leurs volontés
particulières et différentes, singulières.
En promettant d'obéir à la « volonté générale », je ne promets en fait que
d'obéir à moi-même, qu'à une partie de ma volonté, qui se trouve coïncider avec celle des autres.
Sans doute, en
obéissant à la « volonté générale », ne réaliserai-je pas toutes mes volontés, je ne satisferai pas tous mes intérêts.
Mais je me réaliserai que ce que je veux, que mes intérêts.
En aucun cas je ne serai soumis à la volonté d'un autre.
Bref, je resterai libre.
« Tant que les sujets ne sont soumis qu'à de telles conventions, ils n'obéissent à personne, mais seulement à leur
propre volonté.
»
En obéissant à la loi, qui n'est qu'une déclaration de la « volonté générale », je perds ma liberté naturelle de faire
tout ce que je veux ou plus précisément tout ce que je peux , étant donné la force des autres qui peuvent
s'opposer à mes projets.
Mais je gagne précisément une liberté politique, qui me permet à la fois de n'obéir qu'à moimême (puisque je peux me considérer comme l'auteur de la volonté générale, qui est une partie de MA volonté), et
ne pas subir la volonté d'un autre (plus fort, plus rusé, plus riche).
Rousseau
Dégagez l'intérêt philosophique du texte suivant en procédant à son étude ordonnée :
« On a beau vouloir confondre l'indépendance et la liberté.
Ces deux choses sont si différentes que même elles
s'excluent mutuellement.
Quand chacun fait ce qui lui plaît, on fait souvent ce qui déplaît à d'autres, et cela ne
s'appelle pas un État libre.
La liberté consiste moins à faire sa volonté qu'à n'être pas soumis à celle d'autrui ; elle
consiste encore à ne pas soumettre la volonté d'autrui à la nôtre.
Quiconque est maître ne peut être libre, et régner
c'est obéir.
(...)
Dans la liberté commune nul n'a le droit de faire ce que la liberté d'un autre lui interdit, et la vraie liberté n'est jamais
destructrice d'elle-même.
Ainsi la liberté sans la justice est une véritable contradiction ; car comme qu'on s'y prenne
tout gêne dans l'exécution d'une volonté désordonnée.
Il n'y a donc point de liberté sans lois, ni où quelqu'un est au-dessus des lois : dans l'état même de nature, l'homme
n'est libre qu'à la faveur de la loi naturelle qui commande à tous.
Un peuple libre obéit, mais il ne sert pas ; il a des
chefs et non pas des maîtres ; il obéit aux lois, mais il n'obéit pas aux hommes.
»
De plus, il y a fort à parier que les lois seront justes, puisque ceux qui les font doivent les subir ; chaque membre de
l'Etat est à la fois et législateur et sujet.
Son propre intérêt lui commande donc de faire des lois judicieuses, puisqu'il
en subira les conséquences.
Ainsi, l'égoïsme naturel se voit servir l'intérêt commun.
On comprend alors la fort belle formule de Rousseau : « L'obéissance à la loi qu'on s'est prescrite est liberté.
» La
liberté n'est pas le caprice, mais le respect des lois que l'on se donne à soi-même et qui nous préservent de subir le
caprice d'autrui.
Cependant, il se peut qu'un individu désobéisse à la loi.
De quel droit le punir ? Est-ce légitime ?
Pour comprendre la réponse de Rousseau, il faut comprendre le mécanisme même qui pousse u individu à désobéir..
»
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