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rousseau et la conscience

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Pourquoi donc est-ce que je me trompe sur le rapport de ces deux bâtons, surtout s'ils ne sont pas parallèles ? Pourquoi dis-je, par exemple, que le petit bâton est le tiers du grand, tandis qu'il n'en est que le quart ? Pourquoi l'image, qui est la sensation, n'est-elle pas conforme à son modèle, qui est l'objet ? C'est que je suis actif quand je juge, que l'opération qui compare est fautive, et que mon entendement, qui juge les rapports, mêle ses erreurs à la vérité des sensations, qui ne montrent que les objets. Ajoutez à cela une réflexion qui vous frappera, je m'assure ', quand vous y aurez pensé ; c'est que si nous étions purement passifs dans l'usage de nos sens, il n'y aurait entre eux aucune communication ; il nous serait impossible de connaître que le corps que nous touchons et l'objet que nous voyons sont le même. Ou nous ne sentirions jamais rien hors de nous, ou il y aurait pour nous cinq substances sensibles, dont nous n'aurions nul moyen d'apercevoir l'identité. Qu'on donne tel ou tel nom à cette force de mon esprit qui rapproche et compare mes sensations ; qu'on l'appelle attention, méditation, réflexion, ou comme on voudra, toujours est-il vrai qu'elle est en moi et non dans les choses, que c'est moi seul qui la produis, quoique je ne la produise qu'à l'occasion de l'impression que font sur moi les objets. Sans être maître de sentir ou de ne pas sentir, je le suis d'examiner plus ou moins ce que je sens. ROUSSEAU

« Pourquoi donc est-ce que je me trompe sur le rapport de ces deux bâtons, surtout s'ils ne sont pas parallèles ? Pourquoi dis-je, par exemple, que le petit bâton est le tiers du grand, tandis qu'il n'en est que le quart ? Pourquoi l'image, qui est la sensation, n'est-elle pas conforme à son modèle, qui est l'objet ? C'est que je suis actif quand je juge, que l'opération qui compare est fautive, et que mon entendement, qui juge les rapports, mêle ses erreurs à la vérité des sensations, qui ne montrent que les objets. Ajoutez à cela une réflexion qui vous frappera, je m'assure ', quand vous y aurez pensé ; c'est que si nous étions purement passifs dans l'usage de nos sens, il n'y aurait entre eux aucune communication ; il nous serait impossible de connaître que le corps que nous touchons et l'objet que nous voyons sont le même.

Ou nous ne sentirions jamais rien hors de nous, ou il y aurait pour nous cinq substances sensibles, dont nous n'aurions nul moyen d'apercevoir l'identité. Qu'on donne tel ou tel nom à cette force de mon esprit qui rapproche et compare mes sensations ; qu'on l'appelle attention, méditation, réflexion, ou comme on voudra, toujours est-il vrai qu'elle est en moi et non dans les choses, que c'est moi seul qui la produis, quoique je ne la produise qu'à l'occasion de l'impression que font sur moi les objets. Sans être maître de sentir ou de ne pas sentir, je le suis d'examiner plus ou moins ce que je sens. ROUSSEAU QUESTIONS 1.

Dégagez la thèse de ce texte et les étapes de son argumentation. 2.

Expliquez : a.

« je suis actif quand je juge ». b.

« ou nous ne sentirions jamais rien hors de nous, ou il y aurait pour nous cinq substances sensibles, dont nous n'aurions nul moyen d'apercevoir l'identité ». 3.

Puis-je être maître de mes sensations ? QUESTION 1 • Si nous ne faisions que subir nos sens, si nous ne pouvions avoir aucune action sur eux, ils seraient une somme de données inutiles : mais l'homme se définit par la conscience et la liberté.

Il a donc toujours la possibilité d'acquiescer ou de résister à ses impressions : telle est la thèse de Rousseau. • Les trois paragraphes de ce texte correspondent aux étapes de l'argumentation : — Dans le premier paragraphe, constatant que les sens nous trompent (pensez à l'expérience du bâton brisé de Descartes), Rousseau donne la raison de ces illusions : nous ne nous laissons pas, passivement, imprégner par le monde, par les sensations, nous les modifions par la perception qu'en a notre conscience. — Dans le second paragraphe, Rousseau insiste davantage sur l'activité intellectuelle de l'homme dans la perception : nous relions nos sens entre eux, et notre action donne sens au monde. — Le dernier paragraphe énonce la thèse de Rousseau : libre et conscient, l'homme peut agir sur ses impressions.

Peu importe le nom que l'on donne à cette faculté humaine, « c'est moi seul qui la produis », c'est-à-dire que tout vient de ma liberté et de ma conscience d'agir, de mon choix. QUESTION 2 a.

« Je suis actif quand je juge.

» Juger, c'est affirmer ou nier un rapport entre un sujet et un prédicat.

C'est une action de l'esprit.

Il y a donc dans le jugement, déjà, une action.

L'action implique l'intervention d'une conscience.

Quand j'affirme ou quand je nie, c'est ma conscience qui intervient. Les sensations « ne montrent que des objets », elles sont neutres ; Rousseau dit même qu'elles sont vraies : « la vérité des sensations ».

C'est donc l'intervention de ma raison qui choisit et agit, qui me trompe, et non les sensations.

Cela prouve que « je suis actif quand je juge », b.

« ou nous ne sentirions jamais [...] identité ». C'est la conscience qui unit les cinq sens.

La perception, sans l'intervention de la conscience, resterait une somme de données, une addition de sensations. La conscience qui agit permet la communication entre elles.

Percevoir, c'est synthétiser tous ces échanges et rendre compte de l'unité du moi. Le phénoménologue Merleau-Ponty écrit, au xxe siècle : « Le monde est inséparable du sujet, [...] et le sujet est inséparable d'un monde qu'il projette lui-même ». La perception rend compte de l'expérience unitaire de la conscience.

Si nous n'étions pas actifs, nous ne pourrions pas opérer cette synthèse qui ouvre au monde, à autrui, et qui donne sens.

Avoir conscience, c'est lier et identifier, dans une activité qui ne cesse jamais.

Les sens transmettent des impressions : seule ma conscience leur donne sens.. »

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