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Respecter autrui, est-ce respecter en lui la personne humaine ?

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« Introduction Les théories, philosophiques ou religieuses, n'ont pas manqué dans l'histoire, qui ont prêché l'amour ou le respect de la personne humaine.

C e qui n'empêche pas l'histoire d'être «pleine de bruit et de fureur», de massacres et d'erreurs.

C'est qu'à aimer la personne en général, on oublie peut-être qu'elle se manifeste d'abord, concrètement, sous l'aspect d'un autre que moi. 1.

Le respect de l'autre est une conquête — L'attitude la plus spontanée à l'égard d'un autre que moi ne semble pas être celle du respect.

Bien plutôt de la concurrence, sinon du conflit, et ce aussi bien sur un plan individuel que collectif. — Qu'est-ce en effet que l'autre? Radicalement: le non-moi, qui prouve non seulement que je ne suis pas seul, mais, plus gravement, que ma version de l'humanité peut à tout moment être contestée par une version différente.

À ce titre, l'autre peut m'inquiéter, m'amener à une attitude de méfiance, sinon d'hostilité. — Vérification par des exemples de contacts entre cultures différentes: les conflits y sont plus fréquents que les relations pacifiques ou cordiales. — Tant que je perçois la présence de l'autre comme une agression potentielle, je ne le respecte pas (tout au plus puis-je le craindre).

Cf le racisme, la xénophobie, etc. II.

Manifestations de la personne — Elle s'oppose à l'objet, non seulement parce qu'elle possède une dimension spirituelle, mais surtout par sa capacité à innover et à produire des valeurs. — La personne (cf Kant) doit être considérée comme une fin en soi (l'objet n'est qu'un moyen).

C 'est donc elle qui finalise la conduite et lui confère son sens. La personne est ce qui se distingue de la chose, comme la fin se distingue des moyens.

T out être dont l'existence ne dépend pas de la libre volonté, mais de la nature, n'a qu'une valeur relative, c'est-à-dire en rapport avec autre chose que lui-même.

Les êtres naturels sont des choses.

Les êtres raisonnables, c'est-à-dire capables d'agissements libres, sont des personnes, c'est-à-dire des fins en soi.

Ils ne peuvent servir simplement comme moyens, et par suite limitent notre libre activité, puisqu'ils sont l'objet d'un inconditionnel respect.

La personne est une fin objective, dont l'existence même est une fin en soi, qui ne peut être remplacée par aucune autre.

Étant fin en soi, on lui doit un absolu respect.

La personne humaine est la seule valeur absolue existante, il n'y en a pas d'autres sur le plan pratique.

L'impératif catégorique pour toute volonté humaine repose donc sur le principe que : "La nature raisonnable existe comme fin en soi." C'est ainsi que nous devons nous représenter notre propre existence ainsi que celle d'autrui, et ce principe doit sous-tendre toutes nos actions.

La moralité, soit l'usage de la raison dans le domaine pratique, repose par conséquent sur la maxime suivante : "Agis de telle sorte que tu traites l'humanité, aussi bien dans ta personne que dans la personne de tout autre, toujours en même temps comme une fin, et jamais simplement comme un moyen." — D'un point de vue phénoménologique (Lévinas), la personne s'annonce par la signification du visage, dans un face-à-face dont le sens serait implicitement moral: «tu ne tueras pas». « Je pense plutôt que l'accès au visage est d'emblée éthique.

C 'est lorsque vous voyez un nez, des yeux, un front, un menton, et que vous pouvez les décrire, que vous vous tournez vers autrui comme vers un objet.

La meilleure manière de rencontrer autrui, c'est de ne pas même remarquer la couleur de ses yeux ! Quand on observe la couleur des yeux, on n'est pas en relation sociale avec autrui.

La relation avec le visage peut certes être dominée par la perception, mais ce qui est spécifiquement visage, c'est ce qui ne s'y réduit pas. Il y a d'abord la droiture même du visage, son expression droite, sans défense.

La peau du visage est celle qui reste la plus nue, la plus dénuée.

La plus nue, bien que d'une nudité décente.

La plus dénuée aussi: il y a dans le visage une pauvreté essentielle.

La preuve en est qu'on essaie de masquer cette pauvreté en se donnant des poses, une contenance.

Le visage est exposé, menacé, comme nous invitant à un acte de violence.

En même temps le visage est ce qui nous interdit de tuer.

» Lévinas, « Ethique et infini ». Lévinas commence par opposer perception d'un objet et rencontre authentique d'autrui.

Quand je pose l'autre comme objet, je le projette sur une surface d'objectivité : il m'apparaît comme un tableau à décrire, une surface à observer et détailler, son unité éclate en autant de petits objets à commenter (les éléments du visage sont eux-mêmes réductibles à des unités plus petites.

C e rapport est un rapport théorique qui ne me donne pas véritablement autrui : dans un processus de connaissance, ma conscience s'assimile l'objet plutôt qu'elle ne s'ouvre à l'altérité du donné.

En posant autrui comme objet, je reste seul. La saisie véritable d'autrui (celle qui me fait vraiment sortir de moi et rencontrer une dimension irréductible aux simples données de l'expérience) ne donne pas une richesse d ‘éléments à décrire mais présente une pauvreté.

L'autre se présente simultanément comme sans défense et invitation au respect : en effet, la possibilité physique de tuer autrui se donne en même temps que l'impossibilité morale d'accomplir cet acte.

Autrui nous est livré dans une dimension éthique comme celui que je n'ai pas le droit de tuer. — La personne authentique se distingue alors du personnage social qui peut la voiler ou la travestir (cf le garçon de café de Sartre).

Elle ne se révèle dans ce cas que par une mise à nu qui la débarrasse de ses liens sociaux. — Il apparaît ainsi que la personne humaine a une dimension essentiellement morale.

C'est précisément cette dimension qui appelle le respect. III.

Autre et autrui — Si l'on ne distingue pas ces deux termes, on admet que l'autre, comme « alter ego », équivaut à moi: le respecter, c'est bien respecter en lui la personne humaine que j'y devine (symétriquement à celle que je me sens ou sais être). — Mais on peut distinguer les deux termes, pour souligner qu'il y a dans autrui davantage que dans l'autre simple (après tout, un animal est également un autre pour moi: je peux respecter ce qu'il représente de la vie, cela ne risque pas de signifier que j'y respecte une personne). — A utrui, en effet, est plus alter qu'ego, c'est alors son altérité même que je dois respecter parce qu'elle m'offre ce sans quoi je serais incomplet (ce sans quoi mon propre statut de personne n'aurait guère de sens).

La version de l'humanité qu'il me présente est non seulement aussi justifiée que la mienne, elle est nécessaire comme complément de ma version. Conclusion Je ne respecte, en l'autre, une personne humaine, qu'à la condition de le considérer comme un autrui authentique.

Faute de quoi, l'autre risque d'être refusé, ou, mieux, respecté pour de tout autres raisons que parce qu'il est une personne: le maître ne respecte-t-il pas la vie de l'esclave dont il a besoin?. »

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