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Qui nous dicte nos devoirs ?

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« ÉLABORATION Ordonnance de la dissertation. Ce sujet est particulièrement difficile au point de vue philosophique.

Les problèmes qu'il pose ne peuvent être éclairés qu'au prix d'analyses longues et délicates.

Et les candidats peuvent être embarrassés pour bien des raisons. Que peuvent-ils faire? Tâcher au moins d'aller au coeur de la difficulté et de la faire apparaître clairement.

La difficulté ici réside dans le contenu paradoxal, et en apparence contradictoire, de la notion de devoir, puisque le devoir, c'est à la fois ce qui s'impose à nous, et ce qui ne peut se justifier, ce à quoi nous jugeons librement que nous sommes tenus d'obéir. Et on peut dire au moins deux choses : 1° Cette notion existe en fait, chacun de nous la rencontre dans son esprit, ou dans sa conscience, au moins dans certaines circonstances particulièrement graves ou pénibles. 2° Cette notion ne peut pas ne pas exister; un homme qui n'en aurait jamais pris conscience, sous une forme ou sous une autre, pour qui il n'y aurait d'autres règles de conduite que des « préceptes de l'habileté » et des « conseils de la prudence », pour nous servir encore une fois du vocabulaire kantien, ne serait pas un homme, mais une sorte de machine à réglage automatique, particulièrement bien construite. La difficulté une fois présentée, il n'y a qu'une solution possible : montrer qu'il y a identité entre la volonté libre et la volonté d'obéir à la loi morale, autrement dit de faire son devoir. Et inversement, que toute autre justification, qui consisterait à montrer soit qu'il est profitable d'obéir au devoir, soit qu'une inclination nous y pousse, aboutit à nier la notion même de devoir. Forme de l'énoncé. Énoncé proposant une question « ouverte »; nous aurons à examiner les diverses réponses possibles. Puisqu'il est question du devoir, qui est un commandement, le mot « dicter » ne surprendra pas.

Toutefois on peut interpréter de deux façons la formule « nous dicte notre devoir » : a) ou bien je me pose, dans un cas précis, la question pratique : « Que dois-je faire ? » — « Où est mon devoir? », question particulièrement angoissante dans ce qu'on appelle un conflit de devoirs.

Qui va répondre à cette question ? b) ou bien je m'interroge sur la présence dans ma conscience de cette idée de devoir.

Question proprement philosophique, embarrassante elle aussi, car il y a une sorte de contradiction interne dans le concept de devoir, puisque le devoir nous commande d'une part catégoriquement, c'est-à-dire absolument, d'autre part inconditionnellement, c'est-à-dire sans motif, sans justification.

Donner une justification, ce serait transformer l'impératif catégorique en impératif hypothétique. En somme, le premier problème, le problème pratique (qui est chronologiquement le second) concerne le contenu de nos devoirs; l'autre, le problème philosophique, concerne la forme, le concept même de devoir. Discussion. 1.

Le problème philosophique. Quel est le fondement de tout devoir ? 1° Commençons par une distinction que nous aurions pu faire dès le début de l'analyse de notre énoncé : la question « Qui nous dicte...? » peut être interprétée de deux façons ; cela peut être « Qui nous dicte en fait...

», mais aussi, et surtout, « Qui a qualité pour nous dicter...? » — « Qui nous dicte en droit ? ». La première question n'appelle qu'une énumération empirique : notre devoir nous est dicté de tous côtés : par nos parents, par nos maîtres, par notre directeur de conscience le cas échéant, par les « moralistes », par les journaux, par les écrivains qui, dans le roman, le théâtre, le cinéma, posent des problèmes de morale.

Ce ne sont pas là d'ailleurs des autorités ayant qualité pour régler notre conduite, mais seulement des intermédiaires qui nous transmettent les commandements de cette prétendue autorité qu'il nous faut maintenant identifier. 2° Si nous examinons les diverses réponses possibles, la première qui nous vienne à l'esprit est que notre devoir nous est dicté par la voix de notre conscience.

Toute métaphore mise à part, cela signifie que nous sommes capables d'éprouver toute une gamme de sentiments particuliers, dont le sentiment du devoir n'est qu'une espèce, à côté de sentiment de l'honneur, du respect du sacré, de l'amour de la patrie, de l'admiration pour la beauté, de la foi religieuse.

Tous ces sentiments ont ce caractère commun d'être, au sens fort, désintéressés, d'exprimer une sorte d'inclination, de déférence à l'égard de valeurs transcendantes qui sont la source d'obligations absolues : on dit bien « Dieu le veut », « l'honneur commande », « noblesse oblige », « cela se doit », « ma conscience ne me le permet pas ». S'il existe pour moi des valeurs, c'est bien parce que je les accepte moi-même, en conscience : le prestige d'une autorité n'existe que parce qu'elle est reconnue.

La question se pose alors de savoir pourquoi de moi-même, sans que nulle force m'y contraigne, sans que j'y trouve aucun intérêt, j'accepte de me soumettre, de me dévouer, de. »

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