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Qu'est-ce qu'un risque ? Convient-il de prendre des risques ?

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« Lorsqu'un alpiniste confirmé est interrogé par des journalistes au retour d'une course particulièrement difficile, une première en solitaire par exemple, il arrive très souvent qu'il déclare : « je ne prends jamais de risques ».

Par contre une mère de famille qui n'aurait aucune connaissance de l'alpinisme et à qui l'on demanderait si elle aimerait voir plus tard ses enfants pratiquer ce sport, répondrait très certainement par la négative : « il y a bien trop de risques » dirait-elle.

Cette opposition fait apparaître qu'avant de se demander s'il convient ou non de prendre des risques, il faut se poser la question : qu'est-ce qu'un risque ? Mais il nous faut non seulement passer du pluriel au singulier, mais peut-être aussi de l'article indéfini à :l'article défini.

La question « qu'est-ce qu'un risque s ne prend en effet tout son sens que rapportée à cette autre : Qu'est-ce que le risque ? Ne pas poser cette dernière question, c'est se condamner à privilégier tel aspect du risque plutôt que tel autre.

C'est donc par elle que nous commencerons. Aborder la question « qu'est-ce que le risque ? ce n'est pas chose aisée.

Ce terme est si diversement employé qu'il est impossible de le cerner de façon satisfaisante en réfléchissant sur ses nombreux usages (par exemple dans des expressions courantes comme : risque-tout, ou dans des proverbes comme : qui ne risque rien n'a rien).

Mais peutêtre cette diversité de sens et d'emplois du mot risque cesse-t-elle si l'on essaie de revenir à l'origine de ce mot, de découvrir son étymologie ? Or ici, une certaine surprise nous attend.

Le mot risque est en effet d'origine assez récente puisqu'il apparaît en France au xvie siècle.

Il nous vient de l'italien risco, mot qui lui-même provenait du bas-latin risicus ou riscus.

A partir de là, rien n'est très assuré, et l'on suppose qu'il faut peut-être remonter au verbe latin resecare qui signifie enlever en coupant ou bien encore au grec rhiza qui veut dire racine.

Mais laissons là ces hypothèses et voyons ce que nous a appris ce retour à l'origine.

D'abord qu'il s'agit somme toute d'un mot relativement récent.

Est-ce à dire que ce quelque chose que nous appelons en France depuis le xvie siècle risque n'existait pas pour des grecs du siècle de Périclès, des Romains du siècle d'Auguste ou des contemporains de l'empereur Charlemagne pour ne prendre que quelques exemples ? Nous savons bien sûr qu'il n'en est rien et que ces hommes se servaient simplement d'autres mots ; nous allons d'ailleurs y revenir.

Ce que l'on peut dire par contre c'est que le mot « risque s apparaît dans un contexte très précis, celui de la navigation.

Il naît avec les contrats d'assurance maritime qui débutent en Italie dans la seconde moitié du 'cive siècle.

Les historiens ont pu mettre à jour de nombreux documents.

C'est ainsi que l'on apprend par exemple qu'à Gênes, entre le mois d'août et le mois de septembre 1393, un seul notaire a établi plus de quatre-vingts de ces contrats, ou bien encore que le 24 avril 1384 un dénommé Francesco di Marco avait, avec des associés, assuré pour une somme de 1300 florins quatre ballots de textiles chargés sur un bateau qui appartenait à un certain Antonio Simondi, pour un voyage de Pise à Savone.

Ce sont donc sans doute les polices d'assurance qui nous restituent aujourd'hui le sens précis qu'avait à l'origine le mot risque.

Quant aux nombreuses autres acceptions de ce terme, ce sont alors, dans des mots plus anciens qu'il nous faut les rechercher.

Retenons simplement un point important qui ressort de cette première approche la complémentarité des deux notions de risque et d'assurance. Certaines acceptions du mot risque se retrouvent dans des verbes grecs tels que kindunéô qui signifie courir un danger et tolmaô qui veut dire avoir du courage, oser entreprendre.

Il apparaît donc d'abord que le risque est proche parent du danger.

Mais peut-être plus significative encore est cette idée de décision courageuse, voire même audacieuse, qui ressort du verbe tolmaô.

Cette idée nous la retrouvons en latin dans le mot discrimen, qui désigne le moment où il faut décider.

Mais c'est sans doute le mot alea qui nous renseigne le mieux sur la nature propre de ce que nous appelons risque.

Tout le monde connaît le mot de César franchissant le Rubicon, mais ce dont il faut se souvenir, c'est qu'avant de désigner le hasard, le sort, le mot alea désigne à l'origine le dé ou le jeu de dés.

Efforçons-nous donc à présent de préciser cette double parenté de te que nous appelons risque non seulement avec le danger mais aussi avec le hasard. Commençons par ce dernier rapport, mais en spécifiant tout de suite que le hasard dont il est question ici est pris au sens bien particulier où l'on parle des jeux de hasard.

Alea en effet se distingue des mots latins casus (automation en grec : hasard) et fortuna (tuché — prononcer « tuké » — en grec : fortune).

Il faut bien insister sur cette différence entre le fortuit, l'accidentel, et l'aléatoire.

Lorsqu'il dit « alea jacta est » (le sort en est jeté) César met l'accent sur la grande part d'inconnu, d'incertitude, de périls enfin que comporte sa décision.

En l'occurrence cette décision est à proprement parler, un saut.

A travers elle transparaissent des aspects essentiels de ce que nous appelons risque.

Mais, et c'est là que nous allons retrouver la notion d'assurance, le XVIIe siècle va découvrir que le hasard au sens d'alea peut, dans une certaine mesure, devenir l'objet d'un calcul : le calcul des probabilités.

Ce sont très exactement les problèmes des jeux de hasard et les problèmes d'assurance (avec l'estimation et la prévision des aléas comme on dit encore en français, c'est-à-dire au fond des risques entendus au sens strict de ce mot né dans le contexte de la navigation) qui sont à l'origine du calcul des probabilités.

Leibniz nous a,résumé l'histoire de cette naissance : « Les mathématiciens de notre temps ont commencé à estimer les hasards (notons ici le pluriel) à l'occasion de jeux.

Le chevalier de Méré, dont les Agréments et autres ouvrages ont été imprimés, homme d'un esprit pénétrant et qui était joueur et philosophe, y donna occasion en formant des questions sur les partis (1), pour savoir combien vaudrait le jeu s'il était interrompu dans tel ou tel état.

Par là, il engagea M.

Pascal, son ami, à examiner un peu ces choses.

La question éclata et donna occasion à M.

Huygens de faire son traité De Alea (du hasard).

D'autres savants hommes y entrèrent.

On établit quelques principes dont se servit aussi M.

le Pensionnaire de Witt dans un petit discours imprimé en hollandais sur les rentes à vie » (Nouveaux Essais, livre IV, chap.

16).

Il s'agit en effet pour les mathématiques d'une affaire d'importance.

Pascal ne s'y trompe pas puisqu'il écrit en 1654 dans une adresse à la « Très célèbre Académie parisienne de science » (Pléiade, p.

73) qu'il existe à présent une science qui peut, « conciliant ces choses en apparence contraires » que sont « la rigueur des démonstrations de la science et l'incertitude du hasard..., s'arroger à bon droit ce titre stupéfiant (stupendum hic titulum jure sibi arrogat) : geometria aleae (géométrie du hasard) ».

Depuis lors les statistiques n'ont cessé de se développer.

Elles. »

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