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Qu'est-ce que le mythe ? Quels peuvent être sa valeur et son rôle dans l'art, la morale et la philosophie ?

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« Qu'est-ce que le mythe ? Quels peuvent être sa valeur et son rôle dans l'art, la morale et la philosophie ? INTRODUCTION.

- Le mythe est généralement représenté comme un récit fabuleux.

On en vient facilement à penser que la mentalité mythique est associée à la mentalité prélogique, et que l'avènement de la raison doit être le signal de l'évacuation des mythes.

Il serait plus exact de voir d'abord dans le mythe une tradition qui « laisse voir un grand fait naturel, historique ou philosophique » (LAROUSSE).

Mais avant de considérer sa valeur et son râle dans l'art, la morale et la philosophie, il importe d'en scruter plus attentivement la nature. I.

— NATURE DU MYTHE. Or, la réalité n'est pas simple : on peut bien considérer deux sortes de mythes, le philosophique et l'instinctif. 1.

Le mythe philosophique.

— Dans le mythe philosophique, le philosophe, en possession de la vérité, utilise une fabulation poétique, dans le but de faire passer aux esprits-enfants une vérité qui leur soit accessible.

C'est ainsi par exemple que PLATON dénonce les méfaits de l'écriture dans le mythe de Theuth.

Le mythe-illustration n'est donc à vrai dire qu'un procédé pédagogique à l'usage des faibles; aux autres, on parle sans paraboles.

Il est permis à celui qui connaît le vrai d'employer les ressources du vraisemblable, afin de conduire les âmes à la vérité par le biais de l'imagination.

C'est pourquoi, audessus de la rhétorique des sophistes, PLA TON accorde un rôle d'importance à la rhétorique philosophique, qui doit tenir compte de la disposition propre des auditeurs. 2.

Le mythe instinctif.

— Mais en réalité, il serait faux de faire rentrer tous les mythes dans cette catégorie.

PLATON pense que sur certains points le philosophe le plus averti ne sait que balbutier.

Dans le Phèdre, après avoir parlé du mythe de l'attelage ailé, il affirme « qu'il n'est rien qui permette » de justifier d'une façon « raisonnée » la notion d'immortalité.

Le sage pressent des réalités intelligibles que la dialectique est impuissante à définir.

Par là, le mythe philosophique rejoint les grands mythes instinctifs, vécus par les peuples primitifs avant d'être formulés. Il faut donc considérer les mythes, non précisément « comme autant de suggestions pour pénétrer dans sa propre conscience d'un regard plus clairvoyant » (Robin, Introduction au Phèdre), mais plutôt, avec DUMÉRY, « comme ce qui fait pénétrer la vérité là même où la vérité ne paraît pas à découvert » (Philosophie de la religion).

La conscience mythique est « une conscience avant la conscience », ignorant toute la richesse des valeurs dont elle est grosse, et que la réflexion philosophique permet d'exploiter peu à peu, sans que cette explication puisse jamais être complète et définitive.

Alors que le mythe proprement philosophique précède la raison, le mythe instinctif renvoie toujours à un au-delà de la raison.

Dans une saisie totale et unitive du réel, le mythe exprime spontanément et concrètement la transcendance du beau, du bien et du vrai. II.

— RÔLE ET VALEUR DES MYTHES... Ce sont précisément ces valeurs que l'art, la morale, et la philosophie se donnent respectivement pour mission d'atteindre. Essayons de voir maintenant comment la compréhension du mythe permet d'accéder à une meilleure intelligence des diverses médiations de la valeur. 1.

...

Dans l'art.

— Comme dans le mythe, la réalité où s'enracine l'art est concrète, mais par son intention l'art invite au dépassement de ce qu'il représente. Un art qui se bornerait à la reproduction d'épisodes mythologiques ou au portrait des dieux et des héros échapperait à sa vocation.

La fonction de l'art, c'est de servir de chiffre, c'est-à-dire de signe, à l'indicible et d'y renvoyer.

La reproduction pure et simple du réel, quant à elle, ne fait pas sortir de l'empirique. C'est pourquoi, selon JASPERS, l'oeuvre de VAN GOGH est supérieure à celle même de REMBRANDT, qui reste, d'après lui, à mi-chemin entre l'empirisme et l'inspiration authentique.

(DUFRENNE et RicoeuR : Karl Jaspers et la Philosophie de l'Existence, 301.) Sans souscrire pour notre part au jugement que le maître allemand porte sur REMBRANDT, nous reconnaissons que le signe de l'inspiration d'une oeuvre, c'est sa faculté de faire déboucher dans le Transcendant.

Ainsi, la Cinquième Symphonie de BEETHOVEN est un cri vers l'au-delà de la matière.

On comprend dès lors que M.

Gabriel MARCEL ait reconnu dans ses drames une valeur privilégiée de communication à la musique.

En se laissant porter vers la Beauté, chacun rejoint le Centre où se rejoignent à la fois toutes les valeurs et tous ceux qui sont aimantés par elles.

On comprend aussi pourquoi l'on ne peut discuter de l'art, car il échappe à l'analyse pour ne se livrer qu'à ceux qu'il captive.

En définitive, ce qui compte dans l'art, c'est sa valeur de signe d'une Réalité qui dépasse l'entendement. Par cette fonction, il rejoint le mythe. 2.

...

dans la morale.

— C'est un autre aspect de la Valeur, celui du Bien, que la morale nous invite à considérer, et là encore, la compréhension du mythe peut nous éclairer.

Parmi les mythes, en effet, il en est qui illustrent concrètement la valeur éthique.

Ainsi en est-il des mythologies qui présentent la lutte entre l'esprit du bien et l'esprit du mal, tels l'Ormazd et l'Ahriman du mazdéisme.

Mais là encore, le mythe est moins important par son contenu que par sa signification.

Le réalisme du tableau des vices et des vertus a peu d'importance auprès de la force du témoignage que le mythe porte à la Transcendance du Bien, au regard de l'hommage qu'il rend à l'ineffable divinité qui fonde l'obligation. Nous estimons précisément que la morale ne trouve un sens que dans cette perspective théologique, où l'Être transcendant qui fonde l'obligation est aussi l'Être qui appelle tout être vers lui.

Mais voici que la parole — et le mythe — nous conduit à la métaphysique. 3 ...

dans la philosophie.

— La philosophie recherche la vérité, autre aspect de la Valeur.

Comment la connaissance du mythe peut-elle apporter quelque chose à la science de l'être et des êtres? A première vue, si l'on identifie mythique et irréel, comme les positivistes, on n'accordera aucun crédit aux mythes, témoins d'une mentalité dépassée.

Mais si l'on veut bien essayer de comprendre la mentalité mythique vécue, on s'apercevra de sa richesse. a) Elle permet d'abord de s'élever contre les prétentions de l'analyse intellectuelle.

Non que cette analyse n'ait sa valeur et son mérite dans son domaine propre, mais elle est insuffisante.

La Vérité demande avant tout d'être contemplée avec docilité, sans perdre de vue les autres valeurs le beau et le bien. b) On comprend dès lors que le philosophe essaie de connaître la vérité autrement que par l'effort proprement intellectuel.

L'expérience esthétique et l'expérience morale jouent aussi leur rôle dans la recherche de la vérité, et permettent d'échapper aux rigueurs du pragmatisme.

L'idéal de la connaissance n'est plus alors la froide objectivité, mais la communion avec une Réalité transcendante qui se dévoile peu à peu à ceux qui la contemplent. c) Là encore, si les mythes ont une portée axiologique, ce n'est pas par leur contenu, qui peut fort bien être dépassé, mais par leur orientation vers un Esprit Souverain, source de tout être et de toute vérité, en face de qui la seule attitude correcte est celle du dépouillement et de la simplicité. CONCLUSION.

- L'Occident, fier de ses philosophes, de ses savants et de ses techniciens, gagnerait sans doute à méditer sur la signification profonde des mythes.

Cessant alors de scruter la réalité d'un regard profanateur, il retrouverait en elle sa valeur de signe.

Du même coup,.

il considérerait comme le don le plus précieux l'extase qui arrache l'âme à elle-même pour l'emporter vers le Beau, le Bien et la Vérité, multiples visages d'une Valeur transcendante en laquelle les croyants peuvent bien reconnaître ce Dieu « d'où vient tout don parfait ».. »

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