Quels devoirs avons-nous à l'égard de la vérité ?
Extrait du document
«
Termes du sujet:
DEVOIR:
1) Obligation morale, opposée à obligation juridique; le devoir est une obligation interne au sujet, l'obligation
juridique une obligation externe (une contrainte).
2) Le problème sous-jacent consistant à trouver le fondement de cette obligation, Kant fera du devoir un absolu:
"Le devoir est la nécessité d'accomplir l'action par pur respect pour la loi."
3) Un devoir: tout ce qui correspond à une obligation morale.
VÉRITÉ
La vérité concerne l'ordre du discours, et il faut en cela la distinguer de la réalité.
Elle se définit traditionnellement
comme l'adéquation entre le réel et le discours.
Qualité d'une proposition en accord avec son objet.
La vérité formelle, en logique, en mathématiques c'est l'accord
de l'esprit avec ses propres conventions.
La vérité expérimentale c'est la non-contradiction de mes jugements,
l'accord et l'identification de mes énoncés à propos d'un donné matériel.
On distinguera soigneusement la réalité qui
concerne un objet (ce cahier, cette lampe sont réels) et la vérité qui est une valeur qui concerne un jugement.
Ainsi le jugement : « ce cahier est vert » est un jugement vrai ou bien un jugement faux.
La vérité ou la fausseté
qualifient donc non l'objet lui-même mais la valeur de mon assertion.
La philosophie, parce qu'elle recherche la vérité, pose le problème de ses conditions d'accès et des critères du
jugement vrai.
[Introduction]
« Par égard pour la vérité...
», « Par respect pour la vérité, il faut dire...
», « La vérité oblige à reconnaître...
».
Autant de formules qui laissent entendre que vis-à-vis de la vérité, nous serions tenus à certaines obligations.
Obligation de ne point la dissimuler (interdiction du mensonge et du faux témoignage), de la faire connaître quand on
la sait, de la rétablir lorsqu'elle est bafouée, de la chercher quand on l'ignore, de la respecter - voire de l'aimer - là
où elle se trouve.
Nous nous savons bien - plus ou moins clairement - tenus à tout cela, quoique la conscience de
ces obligations soit fort inégalement répandue parmi les hommes, et facilement obscurcie par des considérations
étrangères : ce qui faisait dire à Malebranche que « la plupart des hommes regardent la vérité (...) comme un
meuble fort embarrassant et fort incommode ».
Il faudra s'interroger sur le sens réel de tels devoirs, et se demander
si la vérité, en tant que telle, est bien source d'un impératif qui serait de type catégorique.
Il faut se demander ce qui fonde de telles obligations, car après tout, la vérité, pour être couramment invoquée et
révérée (en paroles, du moins), n'en reste pas moins une abstraction.
On a pu, il est vrai, personnifier la vérité en
une femme dévoilée dans sa nudité ; et certes cela exige quelque respect.
Mais enfin ce n'est qu'une image, et la
vérité n'en est pas pour autant une personne.
Et envers qui sommes-nous obligés (moralement, juridiquement),
sinon envers des personnes ?
Avant d'examiner ces questions, ne faut-il pas au préalable se demander ce qu'est la vérité ?
[Première partie]
La vérité appartient sans doute à ces notions dont Descartes et Pascal affirmaient qu'elles nous sont si communes
qu'elles se passent fort bien de définition.
« C'est vrai », « c'est faux » : qui a
jamais hésité devant le sens de tels jugements ? Lorsque je cherche le
résultat de 2+2, je vois bien en quoi et pourquoi 4 diffère de toute autre
réponse, cela est parfaitement clair.
Celui qui, ayant cherché à savoir,
découvre enfin ce qu'il en est, n'a aucun doute lorsque se produit l'heureux
dévoilement.
Non qu'on ne puisse douter d'avoir découvert la vérité, mais au
moins sait-on toujours bien ce qu'on cherche.
Et quand je mens, n'ai-je pas
une très claire conscience de ce que je fais ? Qui songerait à se disculper
d'un mensonge en prétendant que la distinction du vrai et du faux n'est pas
pour lui parfaitement claire ?
La nature, la définition de la vérité, sont une vieille question de la philosophie.
Faut-il l'assimiler purement et simplement à la réalité, et dire que le vrai, c'est
ce qui est ? Ou bien faut-il l'en distinguer, et réserver les qualificatifs de «
vrai » et « faux » aux seuls jugements que nous portons sur la réalité ? Il
n'est pas ici nécessaire - on le verra - de connaître l'essence de la notion
pour répondre à la question.
[Deuxième partie]
Je n'ai pas besoin de savoir définir la vérité pour être au fait, par exemple,
des avantages que je peux tirer de sa connaissance.
Savoir en vérité ce que
sont les choses, le monde qui m'entoure, moi-même, cela m'est très
nécessaire pour me conduire.
Pour de simples raisons d'efficacité.
Nul ne peut désirer être dans l'erreur, même s'il
est d'heureuses illusions, et des vérités qu'il m'est pénible d'apprendre.
C'est un fait que nous désirons savoir, même
si le désir de savoir n'est que rarement, en nous, un désir du savoir (pour lui-même).
Nous désirons savoir, et ce
désir n'a rien de désintéressé.
Il est au contraire tout à fait intéressé, et déterminé par un souci d'efficacité.
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