Avons-nous des devoirs envers la vérité ?
Extrait du document
«
[Parce que de tous les biens, la vérité est l'un des plus
précieux, il est de notre devoir de trouver le moyen le plus
sûr d'y parvenir.
Il est aussi de notre devoir moral
de refuser le mensonge.]
Penser avec méthode est un impératif intellectuel
« Il est (...) bien préférable de ne jamais chercher la vérité sur aucune
chose que de le faire sans méthode», écrit René Descartes dans Règles
pour la direction de l'esprit.
Notre premier devoir par rapport à la vérité
est d'éviter la précipitation.
L'erreur provient bien souvent du fait que
nous nous hâtons de juger sans avoir pris la peine d'acquérir une
méthode.
La vérité est une notion si claire et si évidente qu'il est impossible de
l'ignorer.
Elle est même une idée innée, car il est impossible d'apprendre
ce qu'elle est.
On ne peut en effet être en accord ou en désaccord
avec celui qui nous en propose une définition, si au préalable on ne sait
s'il dit vrai ou faux.
Il faut donc savoir, antérieurement à toute
définition, ce qu'est la vérité pour acquiescer ou non à la définition
qu'on lui suppose.
Traditionnellement, on peut donc admettre la
définition scolastique de la vérité comme adéquation de l'esprit et de la
chose (adaequatio rei et intellectus), mais il est impossible de fournir
des règles logiques qui nous en montrent la nature propre.
La vérité est
par conséquent un accord, une correspondance, un juste rapport, une
adéquation, qui se donnent dans l'évidence, la clarté, et la simplicité.
La seule règle de nos vérités est la "lumière naturelle" que nous avons
tous en partage : "Le bon sens est la chose du monde la mieux
partagée [...] la puissance de bien juger, et distinguer le vrai d'avec le faux, qui est proprement ce qu'on
nomme le bon sens, ou la raison est naturellement égale en tous les hommes." Mais si nul ne se plaint de son
jugement, rares sont ceux qui se servent correctement de cette lumière naturelle.
Ceci explique que
beaucoup s'enferrent dans les mêmes erreurs, et souvent pour les mêmes raisons : la première règle de la
méthode nous rappelle qu'il ne faut s'en tenir qu'à la seule et simple évidence, et qu'il faut éviter avec soin la
prévention et la précipitation.
Nombreux sont ceux qui préjugent, par impatience ou légèreté d'esprit, au lieu
de prendre le temps de considérer avec clarté, distinction et évidence, les données du problème qu'il faut
juger.
La découverte de la vérité est
à la portée de tous, puisque nous disposons tous du même instrument universel qu'est la raison, mais il
convient de s'y employer avec patience et persévérance.
Nous devrions nous fier à la seule lumière naturelle
ou intuitus mentis, et nous méfier plus souvent de nos instincts ou impulsions naturelles qui, si elles visent
naturellement notre propre conservation, nous mènent souvent bien loin du droit chemin.
Les règles de la méthode
Le problème de la vérité semble donc se réduire à une question de méthode.
Si la faculté ne fait défaut chez
personne, la lumière naturelle ou la raison étant identique en chacun, son application doit être réglée.
La
logique, la géométrie et l'algèbre, trois sciences vraies, peuvent servir de modèle pour établir une méthode
universelle permettant de s'acheminer sans peine sur la voie de la vérité, à la condition de les débarrasser de
leur superflu et de leurs défauts.
La logique est en effet embarrassée de nombreux syllogismes qui ne nous
apprennent rien que l'on ne sache déjà.
Le syllogisme explique ou développe la connaissance, mais ne l'étend
d'aucune manière.
La géométrie, limitée à la considération des figures dans l'espace, "exerce l'entendement en
fatiguant beaucoup l'imagination".
Enfin l'algèbre, outre qu'elle traite de "matières fort abstraites qui ne
semblent d'aucun usage", est trop dépendante des règles et des chiffres pour ne pas être parfois confuse et
obscure.
Il suffit de tirer de ces trois disciplines un petit nombre de règles pour établir une méthode
universelle de la vérité qui servira en tous les cas, à la condition qu'on s'attache à les respecter
scrupuleusement.
La première règle est celle de l'évidence : "ne recevoir jamais aucune chose pour vraie que
je ne la connusse évidemment être telle".
Pour cela il faut éviter la précipitation et la prévention.
La
précipitation est une impatience qui nous fait juger ou conclure trop tôt ; et la prévention est un parti pris ou
un préjugé qui fait obstacle à la considération rationnelle d'un problème, ou encore une disposition d'esprit
affective ou sentimentale qui nous pousse sans raison d'un côté plutôt que de l'autre, avant même que nous.
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