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Quelles sont les joies et les peines que vous éprouvez quand vous étudiez les mathématiques ?

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« INTRODUCTION.

— Certains esprits semblent rebelles aux mathématiques, et tous y trouvent des difficultés.

Et cependant beaucoup s'y livrent volontiers, certains môme avec passion, au point de déprécier les autres sciences. Cela tient évidemment — sans négliger aussi les différentes aptitudes intellectuelles — aux joies réelles qui, dans l'étude des mathématiques, viennent compenser les peines. I.

— LES PEINES. A.

Il s'y rencontre des difficultés communes à toute étude : là au moins autant qu'ailleurs, il faut toute l'attention et l'énergie qu'exige toujours un travail véritable d'assimilation et d'invention. B.

Mais il est facile de reconnaître que les mathématiques se présentent à l'étudiant avec des difficultés et des peines très spéciales. a) La première et la plus obvie provient du caractère abstrait de l'objet : qu'il s'agisse de quantité continue ou discontinue, les notions mathématiques, éloignées du concret, rebutent quelque peu les esprits jeunes ou non cultivés, qui se cantonnent ordinairement dans le domaine des faits et des qualités particulières.

C'est pour les aider qu'on recourt parfois à l'enseignement intuitif de l'arithmétique et de la géométrie (l'enfant compte sur ses doigts ou avec des boules, comme l'humanité primitive « calcula » d'abord en se servant de petits cailloux).

Mais ces procédés sont inutilisables dès qu'on aborde les spéculations mathématiques un peu plus élevées. b) A cette difficulté provenant de l'abstraction, il faut ajouter celles qu'éprouvent parfois certaines imaginations moins douées ou insuffisamment entraînées à se représenter les figures idéales de la géométrie dans l'espace ou de la géométrie descriptive : la réalisation mentale des constructions envisagées ou nécessaires aux démonstrations constitue pour divers esprits un véritable obstacle.

Et PASCAL, dans son fragment De l'esprit géométrique, ne signale-t-il pas la difficulté invincible qu'éprouvent certains « à concevoir un continu divisible à l'infini » et leur tendance à regarder « un espace comme pouvant être divisé en deux parties indivisibles » ?...

C'est que l'imagination, ici, au contraire, trop envahissante, déborde son domaine et vient gêner le travail de la raison qui seule doit juger. c) Si l'objet des mathématiques présente des difficultés et engendre des peines en raison de l'esprit d'abstraction et du genre d'imagination qu'il exige, le raisonnement logique requiert, pour trouver les intermédiaires (et les bons), une faculté remarquable d'intuition divinatrice qui ne va pas sans occasionner souvent des déboires à ceux qui n'en sont pas suffisamment pourvus. d) Mais la rigueur du raisonnement qui ne souffre aucune fissure est une source de difficultés par la tension d'esprit qu'elle nécessite.

Si toute étude réclame de l'attention, nulle ne l'exige de façon aussi impérieuse, aussi continuelle et soutenue que celle des mathématiques.

Et c'est pourquoi tous ceux dont l'esprit a peine à se fixer, tels les enfants, ont peine aussi à concentrer leur puissance trop faible d'attention sur le long enchaînement d'égalités d'une démonstration. Mais quelle joie leur est réservée lorsqu'ils y sont parvenus! II — LES JOIES. A.

Il en est, là aussi, qui sont communes à toutes les sciences : a) la joie de la -difficulté vaincue et de l'effort couronné de succès; b) joie aussi de connaître et de découvrir. Mais peut-être ces joies mêmes sont-elles plus grandes en ce genre d'étude en raison des obstacles qu'il a fallu surmonter.

D'où : B.

Les mathématiques offrent à ceux qui s'y adonnent tout entiers des joies bien spéciales : l'esprit humain y trouve, en effet, plusieurs éléments qui comblent ses tendances. a) D'abord des notions très simples traduites en des signes également très simples : c'est là un autre aspect du caractère abstrait et idéal qu'elles présentent; et l'on peut dire qu'on est en face d'un objet très en rapport avec l'intelligence humaine faite pour penser à l'aide de concepts universels et simples, traduisant l'essence des réalités concrètes qui les ont suggérés. b) Mais ce qui séduit davantage encore l'esprit du mathématicien, c'est l'enchaînement rigoureux qui y règne, faisant reposer les conclusions par un raisonnement indéniable sur des principes évidents.

C'est le règne absolu des identités, tellement prenant pour ceux qui s'y livrent qu'ils en arrivent à ne pas apprécier à leur juste valeur les autres genres de certitude. Une des propositions mathématiques logiquement ordonnées en un bel édifice impressionnent l'esprit à un tel point que la joie du spécialiste, d'apparence purement intellectuelle, en arrive jusqu'à une véritable émotion esthétique. CONCLUSION.

— En somme, joies et peines du mathématicien dérivent de l'objet de cette science à la fois simple, clair et logique, mais abstrait et ardu dans sa rigueur. Si l'on envisage les choses du simple point de vue logique, on peut dire que cela correspond bien à la constitution mentale de l'homme; mais si l'on passe au point de vue moral, il faut ajouter qu'il en est ainsi fort bien, puisque la récompense se trouve à côté de la peine et du travail.. »

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