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Quelle est la part d'illusion contenue dans la croyance ?

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« La croyance ne se confond pas avec l'illusion, sauf à commettre un abus de langage, l'illusion s'ignore elle-même tandis que la croyance s'assume et se vit telle qu'elle est, elle n'est pas comme l'illusion l'affirmation dogmatique d'une existence, le doute effleure toujours la croyance.

N'y a-t-il pas cependant une part d'illusion au sein de la croyance ? On examinera l'hypothèse selon laquelle la croyance ne peut peut-être s'assumer qu'à la condition de reposer sur une illusion.

L'illusion serait donc au cœur de la croyance comme son propre squelette.

Mais nous verrons que même lorsque la croyance tend à oublier qu'elle n'est qu'une croyance (par exemple dans le fondamentalisme religieux) elle ne peut pas pour autant être comprise comme étant seulement une illusion. I- La croyance ne contient aucune part d'illusion. Croyance et illusion diffèrent radicalement : la croyance réelle n'est pas un aveuglement, le croyant sait que croire n'est pas savoir et son acte de foi est suspendu au doute (Dieu existe-t-il réellement ? Cet homme va-t-il réaliser ce dont je le crois capable ?). Croire est une aventure, toujours tournée vers une promesse à venir (qu'elle soit religieuse, politique, scientifique ou autre). L'illusion quant à elle est un aveuglement complet, l'illusionné est à l'abris du doute, imperméable à la possibilité de l'erreur. L'illusion est une fascination au sens sartrien (cf.

L'imaginaire), la conscience est captive de puissances imaginaires qu'elle entretient ellemême.

L'illusionniste n'est pas un politicien ou un prédicateur, ce qu'il nous montre nous paraît réel et n'est pas de l'ordre du discours ni de la promesse. Croyance et illusion ne sont pas rattrapées de la même façon par le réel : la croyance s'annule à l'épreuve de la déception ou parce qu'une argumentation rationnelle l'aura vaincu ; en revanche l'illusion même lorsqu'elle se connaît comme telle subsiste telle quelle sur le plan de l'expérience.

Comme l'écrit Kant dans la Critique de la raison pure (au début de « la dialectique transcendantale »), l'astronome a beau savoir que la lune n'est pas plus grosse à son lever, il ne va pas pouvoir vaincre cette illusion, qui si elle ne l'abuse plus, reste empiriquement irréductible. II- La croyance intègre une dimension d'illusion. Malgré cet écart il semble y avoir plusieurs indices d'un rapprochement possible entre la croyance et l'illusion.

D'un point de vue externe on peut par exemple juger que la croyance d'un homme est une illusion, même si lui la vit comme croyance : par exemple un homme attend quelque chose d'un politicien, croit qu'il pourra changer ce qui ne va pas pour lui mais sait qu'il ne s'agit que d'une supposition.

Si nous sommes nous même de bons analystes, connaisseurs des finesses de l'économie de marché, nous pourrons par exemple, avec certitude, savoir que la croyance de l'homme sera nécessairement déçue et donc dire que sa croyance est en fait une illusion, parce qu'on en aura anticipé la fausseté. Mais cette intégration de l'illusion dans la croyance n'est pas satisfaisante car elle est suspendue au régime de la prévision et donc de l'hypothétique.

Ne faut-il pas plutôt montrer que l'adhésion à une croyance passe par une première illusion ? Par exemple certaines personnes se convertissent à une religion parce qu'elles ont eu une apparition, une révélation.

Leur soumission à une croyance est donc amorcée par une illusion (en l'occurrence une illusion sensible dont ces personnes ont fait l'expérience).

La part de l'illusion serait donc d'être à l'origine de la croyance, et expliquerait pourquoi le croyant considère comme non avenu les tentatives rationalistes pour lui prouver qu'il a tort (du type des arguments contre la preuve de l'existence de Dieu).

L'illusion ne serait même pas nécessairement de l'ordre de l'apparition mais simplement de l'éducation par exemple si le sujet souscrit sans ciller à l'éducation qu'il a reçu. On peut prendre les choses à l'envers pour aboutir au même résultat : comment une croyance pourrait-elle naître si elle n'est pas suscitée par une illusion ? Les preuves en faveur de l'existence de Dieu de saint Anselme ou Descartes n'ont jamais convertis les foules. Les arguments rationnels ne sont efficaces que dans l'ordre des raisons.

L'illusion serait donc la part de séduction première qui ouvre le sujet à la croyance.

On pourrait transposer cela dans le sentiment amoureux : le sujet commence par être fasciné par la figure de l'autre et est convaincu que son amour pour cet autre sera éternel, puis cette illusion se dégrade en croyance lorsque la cristallisation amoureuse s'atténue, le sujet croit (sans voir d'ailleurs qu'il ne fait qu'y croire) qu'il continue d'aimer l'autre confondant ainsi passion et habitude. III- La croyance ne peut être réduite à l'illusion. La croyance serait-elle finalement réductible à l'illusion, en tant qu'elle oublie qu'elle est elle-même une croyance, que ce soit dans l'amour ou dans le prosélytisme religieux ? Rien n'est moins sûr, en fait un hiatus continue de séparer croyance et illusion.

En effet une illusion n'est une illusion que si l'on est à même d'en démontrer rationnellement sa fausseté.

On peut démonter facilement que la tour qui paraît de loin carré (ou ronde) soit en réalité ronde (ou carré), que le bâton qui dans l'eau paraît brisé ne l'est pas en réalité. En revanche, comment démontrer qu'un amour n'est pas réel ou que le Dieu auquel le fondamentaliste croit n'existe pas ? Quand bien même on en serait convaincu cela ne suffirait pas.

A ce sujet la leçon de la deuxième partie de la Critique de la raison pure est double, si Kant montre que la raison est victime d'une illusion lorsqu'elle prétend connaître Dieu (une connaissance nécessitant en effet qu'un concept soit corrélé à une intuition sensible, et Dieu ne pouvant être le thème d'une expérience empirique, les tentatives de démonstration de l'existence de Dieu par le seul raisonnement sont inefficaces par définition) ; et tout autant cela revient à faire de la téléologie un territoire à part sur lequel la raison n'a aucune prise.

Dès lors si l'existence ne peut être prouvée, elle ne peut guère plus être infirmée, la croyance ne saurait donc être réduite à l'illusion. Vouloir le faire est néanmoins possible à condition donc que l'on assume de contrevenir aux limites kantiennes imposées à la connaissance, une telle transgression devra se justifier solidement sous peine de retomber sous l'efficacité du criticisme kantien.

Toutefois la science, loin de s'opposer à toute religiosité la suscite même parfois, par la régularité et l'ordre que ses recherches mettent à jour au sein du monde. Conclusion : Croyance et illusion paraissaient d'abord incompatibles, nous avons vu cependant que la croyance se soutenait probablement, en son commencement, d'une illusion.

Celle-ci étant le fond sur lequel repose l'exercice de la croyance.

Toutefois la confusion ne peut être complète, la croyance étant d'un autre ordre que celui de la pure raison elle ne peut être une illusion, laquelle n'est telle qu'en tant que la raison le démontre.

Il y a donc une part d'illusion au sein de la croyance mais cette partie n'en constitue précisément pas le tout.. »

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