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Quelle action avons-nous sur nos émotions ?

Extrait du document

« Les parents connaissent bien ces colères soudaines et brutales qui éclatent parfois chez tel ou tel de leur grand garçon, spectacle affligeant d'un ; abandon du self-control, spectacle grotesque d'une impuissance furieuse.

Ils n'ignorent pas non plus ces peurs irraisonnées qui ravagent l'enfance.

Or, la peur, la colère, nous apparaissent comme des émotions types.

Quelques auteurs ont voulu même y ramener toutes les autres; nous ne pensons pas qu'une pareille réduction soit justifiée par l'expérience.

La timidité, en effet, certaines tristesses, certaines anxiétés et mêmes certaines joies nous semblent irréductibles à toute simplification.

Avec BABINSKI, nous considérons donc l'émotion comme « une modification brusque de l'affectivité se produisant sous l'influence d'une représentation soudaine et qui rompt pour un temps en général assez court l'équilibre physiologique et l'équilibre psychologique ».

Cette rupture entraîne ipso facto de graves perturbations dans la vie d'un individu.

Il faut ainsi parler du désordre de l'émotion.

Tous les psychologues s'accordent sur le fait.

Pour PRADINES, il s'agit de « déraillement hasardeux » ou encore « du désarroi d'un être en dépossession de lui-même ».

R.

DEJEAN parle « d'une déroute de l'orientation mentale ».

Le docteur WALLON décrit la colère comme « l'explosion d'une agitation diffuse » et la peur comme « un déboussolement dans un moment de décision prompte à prendre ». L'émotion, remarquons-le, ne ressemble en rien au sentiment.

Celui-ci s'accorde aux circonstances et les colore en accusant leur relief. Celle-là produit l'agitation et non l'action.

Elle chasse en définitive un sentiment bien adapté.

Devant cette démission de la dignité humaine, cet abandon de la maîtrise de soi, pouvons-nous faire quelque chose ? Y a-t-il une action à tenter ? Nous ne le pensons pas, ni directement, ni indirectement, parce qu'il s'agit toujours d'une crise violente et brutale, où l'homme vaincu reste le jouet de processus physiologiques et psychiques inexorables.

Cependant, la crise ne fleurit que sur un terrain d'élection : l'émotivité au sens caractérologique du terme, ou aptitude à réagir violemment aux représentations diverses et habituellement avec plus d'intensité que la moyenne des sujets.

Noms avons affaire ici à un état relativement permanent, qui nous paraît susceptible d'amélioration.

Efforçonsnous de montrer plus amplement ce double aspect de la question. I.

L'émotion.

Crise.

— L'émotion, toujours une crise, s'inscrit dans un développement fatal de phénomènes physiologiques et psychiques. A.

Le déroulement des phénomènes physiologiques.

— Les expériences de BARD ont' prouvé qu'il y a dans le thalamus un centre pour la colère et d'autres centres émotionnels dans la même région.

Dès lors», voici comment on conçoit aujourd'hui le jeu cérébral de l'émotion : une situation donnée vient, par la voie des sens ou de la mémoire, provoquer une excitation corticale qui atteint par des processus encore inconnus tel ou tel centre émotionnel du thalamus; celui-ci réagit alors et atteint dans ses réactions, d'une part, l'écorce à laquelle il apporte le proprium quid de chaque émotion, d'autre part, les centres des muscles et des viscères par lesquels l'émotion s'exprime dans tout le corps. Ce sont d'abord des perturbations viscérales provoquant la tachycardie, l'arythmie, la syncope, les vasoconstrictions et dilatations. Personne n'ignore la rougeur qui empourpre le visage du colérique, comme parfois aussi sa pâleur.

La peur produit souvent une respiration haletante ou à peine perceptible, suivant le tempérament du sujet. Il faut y ajouter ensuite des perturbations sensitives, qui laissent la victime épuisée, courbaturée. Il ne faut pas oublier enfin les modifications des sécrétions externes, lacrymales, urinaires, par exemple, ou internes, comme les sécrétions endrocriniennes et surrénales.

C es retentissements organiques expliquent l'espèce d'empoisonnement qui accompagne l'émotion.

Le dégagement de toxiques produit des troubles du métabolisme et parfois la confusion mentale.

Toutes ces manifestations externes ou internes ressortissent au système autonome, le thalamus agissant directement sur la sensibilité protopathique, et l'écorce sur la sensibilité épicritique.

La première sous-tend les réactions affectives généralement douloureuses laissant ignorer la nature de l'excitant.

C e silence détermine souvent l'angoisse.

La seconde contrôle la vie de relation, provoque l'action avec la conscience claire de l'objet senti.

Ces deux systèmes n'agissent pas dans le même moment, il y a antagonisme entre eux.

Nous exploiterons plus loin ce mécanisme.

Nul ne s'étonnera plus maintenant que la révolution, l'insurrection organique, pour mieux dire, ainsi décrite, bouleverse à son tour l'équilibre psychique de l'émotif. B.

Le déroulement des phénomènes psychiques.

— La représentation mnésique ou sensible donnée, l'imagination s'en empare pour le plus grand malheur du sujet.

Elle anticipe sur les événements imminents, les considère comme présents et met en jeu un mécanisme réflexe inadapté, une série de réactions prématurées.

L'automatisme se substitue à la réflexion.

.

Tout le mal vient d'une surévaluation des intérêts en cause, tant il est vrai que l'image nous dicte impérieusement notre geste, notre comportement.

PRADINES a pu écrire que « le sang-froid de certains devant la mort vient d'un manque d'imagination, ils meurent mieux parce qu'ils ne meurent pas avant ».

BARBES, en ce sens, a pu parler du « magnifique équilibre des imbéciles ».

C eci posé, considérons la réaction psychique à la suite du choc émotif.

Elle se résume en deux mots : excitation ou dépression. Dans le premier cas, l'activité mentale s'accroît par l'émotion.

L'intelligence d'abord se meuble d'idées plus neuves, aux arêtes vives, dans un relief saisissant.

Tout paraît clair, lumineux.

Les arguments pleuvent avec l'évidence de la passion.

Pour s'en convaincre, écoutons le dialogue échangé entre conducteurs d'autos à la suite d'un léger accrochage.

Une lucidité particulièrement aiguë éclaire le chemin étroit de la colère ou de la peur.

Mais, et c'est là que s'introduit le désordre, les idées s'imposent sans qu'il est permis de discuter, de critiquer leur valeur objective, pendant qu'elles s'enfuient d'une fuite éperdue. La mémoire ensuite s'enrichit soudainement se précise.

Nous nous souvenons fort bien d'avoir considéré un instant avec une netteté incroyable tout le panorama de notre passé au moment où nous manquâmes de partager le sort affreux des otages de Tulle, qui furent pendus au nombre de cent vingt par une année allemande en juin 1944.

Mais nous avions l'impression de voir le déroulement d'un film. Nous restions passif sous l'avalanche des images : nous ne pouvions en tirer aucun parti. La volonté enfin assure un surcroît d'initiative, d'énergie, d'assurance, mais la diminution du contrôle général provoque des impulsions souvent fatales, Les freins moraux disparaissant, la responsabilité personnelle apparaît nulle. Dans le second cas, l'activité mentale se paralyse.

L'intelligence s'obscurcit, la mémoire s'estompe et se voile, la volonté fléchit, laissant la victime dans, l'hébétude et l'indécision. Dans l'une et l'autre situation, nous avons affaire à une sorte de différence de potentiel dans le psychisme, qui se traduit soit par une phase positive, un genre de passage du moins au pins, et c'est la surexcitation; soit par une phase négative en sens inverse, et c'est la dépression. Nous comprenons maintenant pourquoi il ne peut être question d'agir sur la crise émotive à partir du moment où la représentation initiale, accrue par l'imagination, déclenche tous les processus physiologiques et psychiques que nous venons de décrire.

Il y a quelques années, nous assistions à la projection d'un fort beau film, et, lors des dernières vues, un opérateur eut l'idée de prendre une photographie de la salle.

Un éclair de magnésium traversa l'obscurité, une femme cria : « au feu », et immédiatement une terreur panique s'empara des spectateurs, chacun s'enfuit vers les issues de secours.

Une poussée irrésistible nous entraîna vers une sortie.

La peur gagna de proche en proche, accentua le désordre.

Deux enfants trouvèrent la mort dans cet accident, étouffés par la cohue générale.

Nous avouons avoir partagé la peur collective, sans pouvoir nous contrôler sur le moment.. »

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