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Que veut dire "la conscience est-elle toujours implicitement morale" ?

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« Introduction La phrase est extraite d'un livre du philosophe Alain, Les arts et les dieux.

Se poser la question du sens de cette question, c'est réussir à voir en quoi elle pose problème, et quels enjeux elle véhicule, quelle transformation de la définition de la conscience et de la morale elle peut impliquer.

On peut y parvenir en s'appuyant sur la notion d'implicite.

En effet, soit la conscience se présente comme pur phénomène psychologique, sans aucun lien direct avec la morale, soit au contraire immédiatement comme conscience morale, "voix de la conscience" nous indiquant ce qui est bien ou mal.

Dès lors, n'y a-t-il pas conflit entre les deux ? C omment penser le lien entre des deux formes de conscience ? Une conscience morale est-elle contenue secrètement dans toute conscience psychologique ? Mais de quelle façon ? Et si oui, est elle "toujours" cachée ? Peut-elle devenir claire, explicite ? I Une conscience hors de toute considération morale : Freud et Husserl -Freud : naturaliser la conscience.

Dans L'Interprétation des rêves, Freud tente de formaliser dans le cadre d'une première topique (description structurée du fonctionnement) de l'appareil psychique humain une conception de la conscience purement descriptive et fonctionnelle.

Le psychisme s'organise autour de trois strates : l'inconscient, le pré-conscient, le conscient.

La conscience est cette strate qui vient réguler l'énergie psychique libre qui est celle de l'inconscient.

Elle n'est donc qu'une réalité naturelle, susceptible d'être objectivée et décrite scientifiquement dans sa genèse, par une étude psycho-somatique (esprit dans sa relation au corps) du surgissement du psychisme à partir des excitations nerveuses du corps qui alimentent l'énergie inconsciente. -Husserl : absolutiser la conscience.

Husser dans les Méditations cartésiennes ne s'occupe pas d'une genèse psychosomatique de la conscience : il la prend comme un pré-donné, a priori, qui constitue notre existence humaine.

Ce caractère d' a priori de la conscience lui donne une nécessité naturelle, primordiale par rapport à la nature du monde, qualifiée de contingente.

Il s'agit donc de promouvoir une conception objective de la conscience comme émancipée fondamentalement de toute implication mondaine, et donc relevant explicitement d'une indifférence morale. II La conscience psychologique comme fondement nécessaire d'une conscience morale : Descartes et Kant -Descartes : cependant, il est paradoxal que l'influence majeure de Husserl se trouve être Descartes.

Car à travers le cogito, Descartes découvre certes l'absoluité de notre état de conscience, qui permet de rendre certaine notre existence (Discours de la méthode).

Mais cette certitude n'est pour Descartes qu'un premier pas fondamental et nécessaire certes, mais qui doit servir à découvrir la certitude de l'existence de Dieu, et à fonder l'arbre de la science humaine (Discours de la méthode encore).

Dès lors, la conscience apparaît nécessairement comme implicitement morale, car elle contient en elle le germe d'une démarche scientifique, le fondement qui mène l'homme à la dernière des sciences que Descartes estime possible, celle de la morale. -Kant, dans la Critique de la raison pratique, pousse le raisonnement plus loin : si la conscience est implicitement morale, c'est qu'elle apparaît comme libre et détachée du monde extérieur, alors qu'elle est confrontée au divers empirique de ce monde.

Son universalité n'est donc pas donnée comme chez Husserl : elle est à conquérir dans sa dimension de conscience pratique, qui doit guider notre action sur les circonstances empiriques que nous rencontrons.

Pour se faire fondement de l'existence humaine authentique, la conscience doit faire face à sa propre tâche d'universalisation.

C ette tâche est intrinsèquement (en elle-même, dans sa forme même) morale : elle est un "devoir", elle fonde la forme du "devoir", et doit conduire l'homme à déterminer les critères du bien et du mal.

La conscience pour Kant est donc implicitement morale par la tâche qui lui incombe, à savoir expliciter cette moralité en se faisant "devoir". III En quoi cette moralité propre à la conscience demeure implicite : la dissimulation de la moralité, Freud à nouveau et Nietzsche. -Freud : on peut cependant mettre en doute la possibilité d'une telle explicitation de la moralité inhérente à la conscience.

C'est ce que Freud fait dans un stade ultérieur de sa pensée, exprimée dans Le ça et le moi : l'universalité morale de la conscience est mise à mal par l'instance du surmoi, dans la seconde topique du psychisme.

Celle-ci se compose de trois instances : le ça, le moi, le surmoi.

Le moi conscient se forme en confrontant son fonds pulsionnel inconscient (le ça) aux normes morales de la société, inconsciemment exprimées par le surmoi.

De ce conflit naît la forme consciente du moi, qui intériorise ces normes, mais apparaît malgré tout à lui-même comme libre, non déterminée moralement.

Pour Freud, la conscience relève donc d'une dimension morale objective mais qui est subjectivement dissimulée. -Nietzsche :dans La Généalogie de la morale, Nietzsche montre comment le mode de développement même de la morale est d'utiliser pour s'imposer la prétendue neutralité de la conscience.

Celle-ci n'est jamais détachée de la morale : elle sert toujours une volonté de puissance particulière.

A insi la morale ascétique chrétienne se pose comme universelle, alors qu'elle est un instrument de pouvoir au service d'une certaine catégorie d'individus.

Dès lors, Nietzsche propose une tâche explicitement "im-morale" de la conscience : celle de révéler de façon critique le mode implicite de développement de la morale, qui dissimule toujours sa relativité sous une prétendue universalité consciente. Conclusion -Ce que veut dire la question "la conscience est-elle toujours implicitement morale ?", c'est que le problème même qui constitue la conscience, ce qu'elle doit constamment affronter dans sa nature, c'est une production de significations morales à partir d'elle-même. -Dès lors, c'est le rapport de la conscience à ses implications qui devient un sujet d'études intéressant.

La moralité qui découle de la conscience peut ainsi apparaître comme une conséquence légitime de la conscience, qui doit alors assumer le rôle de juge moral. -Au contraire, il est possible de penser que la conscience doit toujours garder ses distances avec la production d'une morale, et exercer un rôle critique sur celle-ci, un soupçon vis-à-vis de l'universalité de la morale. -Donc c'est sur le terme "implicitement" que le sens la question "toute conscience est-elle implicitement morale" se joue : "implicitement" peut signifier qu'il faut "expliciter définitivement" la moralité de la conscience ou bien au contraire "s'en méfier constamment" comme d'une corruption de la nature critique de la cette conscience.. »

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