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Que nous apprend la technique ?

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« 1 - Les Grecs unissaient la connaissance théorique et la connaissance technique.

Ils avaient un mot « théorie » pour indiquer la connaissance qui est contemplation, et un autre « techne » signifiant le savoir-faire, l'approche spécifique des choses.

Ils pensaient donc que les informations fournies à l'homme passent par ces deux canaux.

Ils affirmaient une idée essentielle : selon leur croyance, un dieu créateur a engendré le monde et il s'est réglé pour le faire sur des modèles intelligibles.

Tous les philosophes s'accordaient à ce sujet.

Platon dans le Timée, Aristote dans la Physique ne peuvent envisager le savoir autrement que hiérarchique et par conséquent chaque degré représente une approche, une façon et comme une manière particulière.

Aristote isole les sciences théoriques se fondant sur les raisons mêmes du savoir des sciences pratiques et poétiques.

Toujours sont dressés face à face, deux mondes : le sensible et l'intelligible.

Mais les Grecs privilégient le monde des idées.

Car ils le proclament céleste, incorruptible, et, en revanche, le monde matériel soumis à la métamorphose et à la durée, se raconte et s'explique par le savoir-faire.

C'est intéressant, mais cela représente tout au plus une curiosité.

D'ailleurs, la technique concerne le monde du travail, c'est-à-dire le monde servile et cela ne peut retenir vraiment la pensée du philosophe.

Libre à Archimède de se passionner pour l'hydrostatique «ou la balistique.

Il reste la brillante exception. 2 - L'époque contemporaine a médité les résultats des travaux de l'Encyclopédie et toutes les valeurs de la science ont été rattachées aux rameaux d'un arbre dont les racines s'appellent la technique et les solutions concrètes.

D'ailleurs, la science aide les techniques à répondre aux problèmes des hommes car, ne le pouvant pas, ils se sont rejetés vers la magie ou vers la religion.

Donc, les scientifiques vont essayer de mieux définir le domaine propre de la technique.

Bacon et Descartes précisaient au début même de leur analyse que l'homme doit être vraiment le « maître et le possesseur de la nature ».

Peu à peu, ce genre de travail aboutit à une épistémologie de la technique. Et les découvertes confirment l'intérêt de la combinaison entre la science et la technique : Bachelard soulignait combien la théorie peut aider la technique : « II faut avoir compris qu'une combustion est une combinaison, et non pas le développement d'une substance...

».

Les humains se retrouvent dans cette connaissance forgée sur des cas particuliers, et la science est sommée de fournir des explications grâce à la multiplicité des théories.

En effet, l'ensemble des procédés définis et transmissibles, qu'on nomme la technique, a un tel caractère utilitaire que cet aspect-là est le premier à être repéré. Nous saisissons à présent à quel point il est faux de décrire, à la façon empiriste, le progrès des sciences de la matière comme une accumulation progressive de faits découverts et qui seraient paisiblement ajoutés les uns aux autres : en réalité la science ne procède pas par accumulation mais par crises.

Les relations entre la théorie & l'expérience sont d'ordre dialectique.

La théorie suscite l'expérimentation, celle-ci transforme la théorie Le fait tire toujours son sens d'un système d'idées, il est toujours question ou réponse, il n'est jamais expérience nue & passive indépendamment de l'activité de l'esprit. L'invention de l'hypothèse, la construction d'une théorie nouvelle, voilà l'acte fondamental du génie scientifique.

C 'est un acte rationnel puisqu'il s'agit de proposer un système théorique qui permette de comprendre tous les faits donnés, de les intégrer à un système intelligible.

Cet acte exige une rupture avec les habitudes de pensées antérieures, avec le système de concepts de l'époque, de la raison constituée, pour devenir raison constituante. Ainsi des idées absurdes mais qui ont trop longtemps servi acquièrent à l'usage une sorte de pseudo-évidence, nous paraissent claires parce qu'elles sont familières.

Bachelard a dénoncé avec énergie ce « facteur d'inertie » qui constitue un « obstacle épistémologique » redoutable.

Bachelard cite à ce propos la boutade d'un épistémologue irrévérencieux : « Les grands savants sont utiles à la science dans la première moitié de leur vie, nuisibles dans la deuxième moitié »… Les théories scientifiques ne sont donc que des explications provisoires susceptibles d'être remises en cause par la découverte de nouveaux faits.

Le réel inépuisable révèle sans cesse de nouvelles richesses à nos techniques d'observation toujours plus fines et plus puissants .

Ces faits inédits constituent « une masse d'objections à la raison constituée » ; ils entrent à titre de problème dans la dialectique expérimentale qui se poursuit sans fin. Ainsi le processus de la connaissance physique apparaît comme un devenir qui n'est pas susceptible d'être achevé.

Il n'y a pas de système définitif d'explication parce que l'univers des faits connus ne cesse de s'élargir avec le progrès des techniques.

L'achèvement du savoir est seulement un idéal, une exigence. Les techniques se forment à partir du travail et donc à partir de la transformation de la réalité ; l'homme a des besoins et il utilise toutes les forces qu'il détient à seule fin de vivre ou de survivre.

Or, ce processus naturel et nécessaire se révèle bientôt un processus culturel.

Les existentialistes affirmaient : « l'homme se fait en se faisant ».

Ils repèrent ainsi le côté formateur de la technique et du travail.

Car, par cette démarche, l'homme se fait, mais aussi il s'accomplit. 3 - Les techniques révèlent enfin les richesses esthétiques des activités historiques des communautés humaines.

Tous les historiens de l'art et des religions ont mis en évidence les parentés qui existent entre toutes les formes de l'activité.

Et, à chacun de trouver ce que l'homme a élaboré, ou bien à chacun d'imaginer la signification des thèmes et de leurs normes.

Chaque fois, par exemple, que l'homme prend conscience d'une forme nouvelle de représentation de l'espace, il forge des instruments, des couleurs et des procédés. La technique suit, pas à pas, le progrès.

Ainsi au moment de la Renaissance, les peintres italiens modifient l'espace en deux dimensions et se passionnent pour la perspective.

Or, nous connaissons en même temps l'élaboration des outils et la progression de la recherche. La technique nous raconte la vie de l'homme, celle qui se déchiffre dans les galeries et les grottes où nos ancêtres écrivent pour eux et pour nous des histoires à multiples sens.

Cette vie, à travers ce souci de beauté et d'éternité, se présente comme efficace.

La technique de la main et de l'outil dépasse l'anonyme pour atteindre la notion d'universel.

Et à travers cette notion d'héritage et de passation de pouvoir se décrypte une longue série de questions posées par l'humanité à la nature, à la maladie, à fa mort et aux puissances supérieures.

La technique s'apparente à la forme la plus parfaite et la plus inépuisable de la philosophie, cette volonté constante de savoir et de comprendre.. »

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