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Que faut-il entendre par activités de jeu ?

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« Que faut-il entendre par activités de, jeu ? La question semble au premier abord tout à fait anodine.

Le jeu apparaît en effet comme un phénomène banal.

Chacun de nous sait par expérience ce que jouer veut dire.

Mais cela suffit-il à donner une définition des « activités de jeu n ? Nous ne le pensons pas car l'expérience du jeu est à ce point répandue et diversifiée qu'elle constitue bien plutôt un obstacle et une source d'embarras qu'une aide véritable.

Quel rapport y a-t-il entre ces enfants qui jouent au ballon dans un square, cet homme qui revient de jouer au tiercé, cet autre qui va jouer au casino, cet autre encore qui va jouer au théâtre, cette jeune fille qui joue du piano dans la pièce voisine ou ces jeunes gens enfin que des photographies éparpillées sur le bureau représentent en train de jouer au football à Bagatelle ? Quand bien même, multiplierions-nous les exemples, nous n'obtiendrions jamais qu'une énumération de diverses activités de jeu et non une définition de ces activités.

Soyons même plus précis.

Si nous lisons attentivement la question qui nous est posée, nous constatons en toute rigueur que l'on ne nous demande pas tant de définir le jeu que de déterminer ce qu'il faut entendre par activités de jeu.

On attend donc de nous davantage la mise en place d'une classification susceptible de rendre compte des multiples aspects que revêt le jeu que la recherche d'une définition de l'essence du jeu.

Or comment peut-on décrire valablement les jeux et les répertorier si l'on ignore ce qu'est le jeu ? Pour parler d'activités de jeu, il faut implicitement admettre qu'à travers de notables différences, il existe un dénominateur commun à toutes ces activités. Mais est-il même bien nécessaire de se poser tant de questions à propos du jeu ? Après tout les activités de jeu ne sont-elles pas secondaires ? Le terme d'activité nous renvoie, ainsi d'ailleurs que les mots acte et action, au verbe agir qui lui-même vient du latin agere lequel signifie mettre en mouvement et faire.

Les activités de jeu relèveraient donc de la sphère de l'agir et plus généralement de celle du faire.

Seulement elles n'auraient pas, vis-àvis du faire, la même importance que les activités de travail.

En effet, si ces dernières transforment réellement quelque chose, tel n'est pas le cas des premières.

Le petit garçon qui joue aux gendarmes et aux voleurs n'appartient en réalité à aucune de ces deux catégories socio-professionnelles.

Il fait comme si, il fait semblant.

A la réalité du travail s'opposerait ainsi l'irréalité du jeu.

Et le sérieux des activités laborieuses trancherait nettement avec la gratuité, pour ne pas dire la futilité, des activités ludiques.

Pourquoi dès lors vouloir s'interroger sur ce qui de toute évidence n'est que frivole et accessoire ? Décidément, comme dit le proverbe, le jeu n'en vaut pas la chandelle.

Et pourtant qu'arriverait-il si l'évidence de notre savoir sur le jeu s'écroulait ? Le jeu semble quelque chose d'insignifiant, mais qu'adviendrait-il si nous découvrions que l'insignifiance n'était en l'occurrence que le masque du fondamental ? « Si des choses les plus insignifiantes un chemin mène toujours à la philosophie, il est permis de s'attendre à ce qu'une méditation sur le jeu, sur cette sottise des enfants, puisse bien ébranler un jour le savoir si sûr de lui des adultes » (Fink, Le Jeu comme Symbole du Monde, p.

18). Au premier abord la notion de jeu semble s'appliquer d'une façon privilégiée au monde de l'enfance.

C'est ainsi qu'en grec le rapport à l'enfant (pais) transparaît dans le mot païdia (jeu).

Il faut toutefois remarquer que le mot païdia ne désigne pas uniquement le jeu de l'enfant et que le grec possède d'autres termes pour traduire le mot jeu.

Pour ne prendre qu'un exemple, l'on emploiera le mot agôn s'il s'agit d'un jeu public se présentant sous la forme d'un concours ou d'une lutte.

Si nous nous tournons à présent vers l'étymologie du mot français jeu, nous constatons que celui-ci vient en droite ligne du latin jocus qui signifie plaisanterie, badinage.

Mais c'était surtout du mot ludus dont se servaient les Romains pour désigner le jeu (cf.

notre adjectif "ludique").

Notons encore le lien très étroit qui existe entre l'illusion et le jeu.

C'est en effet à partir du verbe ludere (jouer) que s'est formé le verbe illudere (se jouer, se moquer) qui a donné le mot illusio dont le français « illusion » n'est qu'un décalque.

Nous pourrions certes peaufiner notre inventaire étymologique, mais cela ne ferait qu'accentuer davantage le caractère foncièrement ambigu de la notion de jeu.

L'ambiguïté est telle que l'on a pu dire que « le terme de « jeu » a été de tout temps une sorte de poubelle linguistique » (Susanna Millar, La Psychologie du Jeu, p.

7).

Nous constatons ainsi que la notion de jeu offre de multiples visages.

Cette situation ne favorise guère notre tâche car si la diversité d'acceptions que nous avons pu entrevoir justifie pleinement le pluriel de l'expression « activités de jeu », elle ne nous fournit en revanche aucun moyen de dire ce qu'il faut entendre par là.

C'est pourquoi, après ces considérations préliminaires et afin de pouvoir avancer, nous allons en un premier temps proposer une définition, générale du jeu susceptible de constituer la base d'une classification des activités de jeu.

Mais dans la mesure où l'élaboration d'une telle classification laisse dans l'ombre des aspects importants de la notion de jeu, comme son rapport au sérieux ou à la réalité par exemple, il nous faudra en un second temps revenir du pluriel au singulier pour étudier ces divers rapports.

Cette étude nous amènera à reconnaître pour conclure le caractère fondamental d'une notion qui, de prime d'abord, pouvait paraître insignifiante. Parlant au livre II des Lois de ce « plaisir qui ne comporte aucun dommage », Platon dit qu'on peu l'appeler « aussi un jeu (païdia), lorsqu'il n'entraîne ni inconvénients ni avantages qui vaillent la peine d'en parler et de les prendre au sérieux » (667 e).

Telle est la base de toute définition globale du jeu (1).

Il est à noter que si la définition platonicienne est métaphysiquement situable, il n'en va pas de même pour la plupart des définitions contemporaines qui, dans leur fébrilité psychologique, ne font guère que reproduire sans trop s'en rendre compte et d'une manière confuse les propos de Platon, sans s'interroger le moins du monde sur l'origine métaphysique de la notion de jeu. Seuls Nietzsche, Heidegger et Fink ont essayé de penser le jeu dans son essence sans recourir aux catégories de la sociologie ou de la psychologie.

Prenons comme point de départ cette définition générale et tentons dès à présent de répondre à la question : que faut-il entendre par activités de jeu ? Esquissons donc une classification des jeux. Le sociologue Roger Caillois propose de répartir les différents jeux en quatre grands groupes à l'intérieur desquels les jeux oscillent « entre deux pôles antagonistes » (Les jeux et les hommes, p.

48), d'une part un principe d'exubérance et d'improvisation qu'il nomme paella et d'autre part un principe de règles et de conventions qu'il nomme ludus.

Les quatre grands groupes de jeux sont l'agôn, l'alea, la mimicry et l'ilinx.

Expliquons la signification que Caillois donne à ces termes.

Sous le vocable d'agôn, il range les jeux de compétition, sous celui d'alea, ceux où règne la chance.

Le mot anglais mimicry, qui vient du grec, lui sert à désigner les jeux de simulacre, tandis que « le terme ilinx, nom grec de tourbillon d'eau, d'où dérive précisément, dans la même langue, le nom du vertige (ilingos) ». »

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