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Pourrait-on concevoir une justice qui serait rendue par les victimes et non par les juges ?

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« L'idée de justice s'assimile à la notion de ce qui est dû, au caractère de ce qui est juste.

Dans l' « Ethique à Nicomaque », Aristote décrit ce qui est juste par rapport à ce qui est injuste c'est-à-dire que selon le philosophe, « on considère généralement comme étant injuste à la fois celui qui viole la loi, celui qui prend plus que son dû, et enfin celui qui manque à l'égalité, de sorte que de toute évidence l'homme juste sera à la fois celui qui observe la loi et celui qui respecte l'égalité.

Le juste donc, est ce qui est conforme à la loi et ce qui respecte l'égalité, et l'injuste ce qui est contraire à la loi et ce qui manque à l'égalité ».

Or, si pour Aristote, il est en théorie facile de distinguer le juste de l'injuste, quant est-il en pratique ? Qui prône les lois, les sentences (…) qui permettent de choisir entre être juste et injuste ? Les juges sont-ils ainsi toujours justes ? Ne pourrait-on pas inverser les rôles et donner aux victimes le pouvoir de détenir la justice ? I : une société où les victimes détiendraient la justice Qu'est ce que l'homme juste et l'homme injuste ? Peut-on avoir un sens de la justice en étant victime de l'injustice ? On pourrait dire que celui qui est victime est plus apte à juger de la sentence à appliquer aux injustes.

Les victimes deviendraient alors les juges et ne passeraient plus par une institution.

Mais, les victimes ne seraient-elles pas plus portées par une volonté de vengeance que par un souci d'équité et d'égalité ? L'homme juste ne doit pas agir dans la perspective de satisfaire ses intérêts personnels ; or, si la victime se fait juge c'est tout d'abord dans le but de défendre ses droits mais l'intérêt personnel peut vite empiéter sur la justice.

Il risque de se détourner ainsi du bien commun.

Si les victimes devenaient juges, elles n'appliqueraient plus les lois établies par la justice car elles élaboreraient leurs propres lois selon les méfaits endurés.

Or, les lois permettent de régir l'activité des citoyens dans un Etat.

Une société sans lois peut-elle être viable ? Mais, ne peut-on pas dire qu'il existe en chacun de nous un sens de la justice, une capacité à évaluer et à juger les décisions et les actions, un sens de la justice qui serait à l'origine de la loi et du droit ? Tout homme porte en lui la volonté de condamner l'injustice car tout homme à droit au bonheur et violer ce droit c'est commettre l'injustice : il y a donc exigence de réparation.

Et même si on pourrait penser que les victimes sont les plus aptes à réparer le mal, on a du mal à envisager une justice sans juges, où les victimes deviendraient juges. II : La justice ne peut être détenue que par les juges Platon pose le problème de ce qui est juste ou injuste dans la République avec l'histoire de l'anneau de Gygès.

Alors qu'il gardait son troupeau, comme tous bergers, Gygès fut surpris par un orage puis par un séisme, le sol se fend, notre berger découvre alors une caverne avec un trésor à l'endroit où il faisait paître ses moutons.

Parmi ce trésor, Gygès trouve un anneau au doigt d'un cadavre, il s'en empare.

Or, lorsqu'il retourne à l'assemblée des bergers avec l'anneau au doigt, il se rend compte qu'en tournant le chaton de la bague, il devient invisible et peut de la même manière redevenir visible en tournant le chaton.

De ce pouvoir, Gygès à la possibilité d'en faire bon ou mauvais usage donc d'être juste ou injuste.

L'homme juste ne vise pas ses intérêts personnels mais l'intérêt commun, mais Gygès n'a pas d'intégrité morale, il ne pense qu'à ce que peut lui apporter ce pouvoir.

A cause de cet anneau, il ne se sent pas lié par un sens moral de la justice, il ne veut qu'affirmer sa volonté de puissance.

Ainsi, on peut dire que si l'homme n'a pas de repères, s'il exerce seul la justice il devient injuste car il ne pense qu'à son parti.

Son repère c'est la justice instaurée par les juges qui inculquent un sens moral et un sens de la justice.

Car si les hommes ne sont pas justes naturellement, il faut les y contraindre, et c'est ce pouvoir qu'exercent la justice et les juges.

La conception d'un Etat et d'une justice est donc nécessaire car c'est par le biais de l'Etat que la puissance contraignante de la force publique sera là pour faire respecter la justice.

Il n'y a donc pas de justice sans juges et sans forces.

C'est au juges de faire appliquer les sanctions afin de « venger » les victimes mais ce n'est pas aux victimes de se venger seules car elles risquent de dépasser les limites de la justice et de devenir par ce fait injustes. III : Victime et juges cohabitent pour faire régner la justice : « J'errai et je vis les larmes des victimes de l'injustice et ils sont sans consolation, et du côté de l'injustice il y avait la force, et ils sont sans consolation.

Alors je louais les morts qui étaient déjà morts, plus que les vivants qui étaient encore en vie ; et plus heureux que les deux autres, celui qui n'a pas encore été, et qui n'a pas vu l'inéquité qui se commet sous le soleil » Cette citation de L'ecclésiaste rappelle la difficulté de fonder une société où le mot justice régnerait en souverain.

Car en effet, que la justice soit faite par les juges où les victimes, la notion de justice n'est pas toujours appréciée.

Les juges ne sont pas infaillibles dans leurs jugements et ils peuvent commettre des erreurs et de ce fait tomber malgré eux dans l'injustice. D'ailleurs la justice d'un pays peut paraître injuste aux yeux d'autres pays.

Or, l'objet de la justice est toujours l'établissement d'un juste milieu c'est-à-dire le respect du principe de l'égalité (ce qui suppose que la loi doit être la même pour tous).

Donner aux victimes le pouvoir de faire la justice nierait ce principe d'égalité pour tous, les lois ne pourraient pas être les mêmes pour tous car elles dépendraient de la volonté d'une personne, la victime.

Il n'y aurait donc pas justice mais vengeance. Conclusion : Même si parfois les juges commettent des bavures, ils restent les plus aptes à faire appliquer la justice.

Une société sans justice n'est pas une société viable mais, cette justice doit être faite par des juges.

Etymologiquement le mot justice signifie « judicare, judex » : dire le droit, celui qui dit le droit ou le juste.

C'est un acte de décision servant à faire régner la justice.

Or, cette décision doit être prise par ceux que l'on nomme les juges car ils respectent l'équité et l'égalité de chacun sans penser à leur intérêt personnel, c'est l'intérêt de l'autre qui est visé.

Nous ne pouvons donc pas donner le pouvoir de justices aux victimes qui risqueraient de perdre de vue l'intérêt commun à l'avantage de leur intérêt personnel dans un souci de justice mais qui deviendrait injustice.. »

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