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Pourquoi la connaissance du réel n'est-elle jamais immédiate et pleine?

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« La connaissance du réel, à la différence de la connaissance formelle comme en mathématiques, ou de la connaissance esthétique, est une connaissance qui porte sur un objet concret du monde qui nous entoure.

C'est donc une croyance vraie, qui correspond à la réalité sur laquelle elle porte.

Or nous sommes nous-mêmes réels, plongés dans le monde, et entrons en permanence en contact avec le réel : ne devrait-on pas en avoir une connaissance directe et complète ? Il semble bien que nous ayons une connaissance immédiate du réel, c'est-à-dire qui ne passe par aucune médiation, c'est l'intuition sensible : lorsque je vois et sens la pomme, rien ne semble s'intercaler entre moi et mon objet.

Mais celle-ci, ne serait-ce que parce qu'elle nous offre ses objets sous un certain angle, sous une certaine perspective, n'est jamais pleine, c'est-à-dire adéquate à tous les aspects de l'objet connu.

Si nous voulons avoir une connaissance pleine de la pomme, il faudra la décomposer chimiquement, l'analyser, etc., bref, passer par toute une série de médiations techniques et intellectuelles.

La connaissance qui serait à la fois immédiate et pleine nous semble impossible parce que à la différence du Dieu dont parlent les monothéistes, notre intuition n'est jamais parfaitement adéquate à son objet, note finitude nous empêche d'avoir une connaissance à la fois immédiate et pleine. Mais il n'est pas sûr que cette limite soit ainsi attachée à notre condition humaine finie et imparfaite.

En effet, si la connaissance ne peut être parfaitement immédiate, c'est aussi parce qu'elle est un processus, et qu'en tant que tel elle suppose toujours une série de médiations.

Le langage, les concepts, les démonstrations, etc., sont autant d'outils qu'on emploie pour parvenir à la connaissance d'une chose, et qui demandent qu'on passe par une série d'étapes.

Le terme même de méthode désigne étymologiquement la route et évoque un parcours.

En outre, le réel n'est peut-être pas quelque chose que l'on peut connaître pleinement, parce que cela est dans sa nature (et non la nôtre).

En effet, le réel est par principe concret, c'est-à-dire plus complexe et particulier que les réalités abstraites que nous avons simplifiées.

Il recèle un certain nombre d'enchevêtrement de causes qu'il faut débrouiller, et de niveaux que l'on doit explorer.

En avoir une connaissance pleine, qui en fasse le tour, est donc peut-être parfaitement impossible, car cela supposerait d'avoir non seulement une connaissance parfaite de tout ce qui concerne un objet réel, mais aussi tous les autres qui sont reliés à lui causalement. La question qui se pose ici est donc de savoir si l'impossibilité que nous avons à connaître le réel par simple mise en contact avec lui repose sur notre propre impuissance en tant que sujets connaissants (et ce serait alors une impossibilité de fait) ou si elle repose sur l'essence même de la connaissance et des objets connus (et ce serait alors une impossibilité de droit). I./ En tant qu'êtres finis, nous ne pouvons connaître le monde réel comme celui qui l'a fait. A./ Une connaissance immédiate est une connaissance par intuition, c'est-à-dire par un acte qui nous livre un objet en un instant, avec toutes ses caractéristiques.

Comme le remarque Husserl, dans la première partie des Idées directrices pour la phénoménologie, l'intuition sensible nous livre ses objets « par esquisse » : lorsque je vois une pomme, j'en vois une face, puis je la complète avec la vision d'une autre face, etc.

Autrement dit, la première vue de la pomme n'était pas pleine, adéquate, c'est seulement par une succession d'intuitions que je tends à me rapprocher d'une notion adéquate de la pomme.

Mais il existe une autre forme d'intuition, qui semble elle adéquate, qu'est l'intuition intellectuelle : lorsque je pense au concept de triangle ou de nombre, sa définition devient présente à mon esprit, et je n'ai pas besoin de plusieurs intuitions successives pour savoir qu'un nombre n'a pas d'étendue ou qu'un triangle ne peut avoir plus de trois cotés et trois angles. B./ Cette forme d'intuition semble donc pouvoir nous fournir une connaissance immédiate et adéquate de certains objets.

Pourquoi ne peut-on intuitionner tout le réel ainsi ? Parce que dans notre intuition, certaines notions nous apparaissent, mais pas toutes.

Le réel se caractérise par le fait qu'il est complexe, c'est-à-dire qu'il comporte toujours des propriétés qui précisément, ne sautent pas aux yeux.

La connaissance du réel passe donc, comme l'écrit Descartes dans la troisième des Règles pour la direction de l'esprit, par une autre opération que l'intuition : la déduction.

Celle-ci est en réalité une succession d'intuitions mises bout à bout et qui conserve l'évidence et la certitude de l'intuition qui sert de point de départ.

Mais c'est un procédé qui se fait dans le temps et passe par de nombreuses médiations.

Il semble donc que si l'on veut compléter les intuitions que nous avons afin d'avoir une connaissance adéquate du réel, il faut en passer par une série de médiations.

Mais néanmoins, il est possible, en parcourant assez souvent cette série de médiations, d'arriver à intuitionner le résultat, et de condenser cette déduction en une intuition.

En répétant la démonstration qui prouve que la somme des angles d'un triangle vaut 180° je finis par n'avoir plus besoin de la refaire pour me persuader de cette vérité : je la vois en considérant la notion du triangle comme je vois qu'il n'a que trois angles. C./ Mais alors, si tous les processus de connaissances peuvent être ramenés à de l'intuition, et si les réel, malgré sa complexité, peut être en droit saisi par l'entendement humain doté d'une intuition intellectuelle, d'où vient le fait que nous n'ayons jamais une connaissance immédiate et pleine du réel ? Cela vient du fait que, comme le dit Descartes dans la quatrième des Méditations Métaphysiques, « nous tenons le milieu entre l'être et le néant.

» Nous sommes en effet faits à l'image de Dieu, c'est-à-dire de l'infinité, dans notre volonté, car nous sentons que nous avons une capacité de refuser ou d'admettre même ce que nous ne comprenons pas .

Par contre, notre entendement, lui, est fini : il ne dispose que d'un certain nombre d'idées qui en lui sont claires et distinctes, les idées innées telles que celles du corps ou de Dieu.

Le fait que l'on puisse se tromper provient de ce déséquilibre entre l'entendement fini et la volonté infinie.

Et notre incapacité à avoir une connaissance pleine et immédiate du réel n'est donc pas une affaire de droit mais de fait : c'est notre position dans la création, notre condition humaine qui en est responsable. Mais considérer ainsi le sujet connaissant comme face au monde qu'il doit connaître, n'est-ce pas une erreur pour penser la connaissance du réel.

En effet, celui-ci ne fait pas que nous entourer : nous sommes nous-mêmes réels et soumis aux mêmes lois que le reste de la réalité.

N'est-ce pas pour cela que tout processus de connaissance. »

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