Peut-on vouloir ne pas être libre ?
Extrait du document
«
Remarques d'introduction :
La difficulté tient à ce que vouloir est le fait d'un homme libre.
Du coup, « vouloir ne pas être libre » = le
fait d'un être libre qui cesse de l'être par choix) est-ce possible ?
A priori, ça l'est : l'absence de liberté est confortable car elle nous évite d'être responsable (« ce n'est pas
ma faute » = je ne l'ai pas voulu, je n'ai pas choisi = je ne suis pas libre).
Cependant, y a-t-il véritablement un choix derrière une telle attitude ? Ce que Kant appelle minorité est-il
voulu au sens strict ?
D'un autre côté, on sait ce que peuvent comporter de dangereux les idéologies libertaires.
Ainsi, il y aurait
quelque bienfait à vouloir ne pas être libre : il s'agirait, comme le dit Hobbes, de restreindre les passions individuelles
afin d'instaurer la paix et la sécurité au sein de la société.
Il semble difficile de soutenir que l'homme puisse volontairement accepter d'être asservi ou mineur, tout
autant que d'affirmer que l'homme ne doit en aucun cas vouloir restreindre sa liberté.
Problématique : Peut-on librement et sans contradiction renoncer à sa liberté ou l'absence de liberté n'est-elle
jamais volontaire (choisie) mais toujours contrainte ?
1-
ON PEUT CONSENTIR À LA SERVITUDE,
NON LA VOULOIR.
a)
Qu'est-ce que vouloir ?
La volonté désigne le fait d'un homme libre : elle désigne un choix réfléchi du but à atteindre.
Comme le dit
Descartes, En effet, celle-ci « me fait connaître que je porte l'image et la ressemblance de Dieu » en ce qu'elle est,
parmi mes facultés, la seule qui soit infinie : elle ne se limite pas à ce que l'entendement (ou faculté des
représentations abstraites) me présente.
Du coup, vouloir ne pas être libre semble une contradiction dans les
termes : si vouloir = être libre, alors on voudrait ne pas vouloir ???
Telle est pourtant le paradoxe que l'on constate dans les tyrannies ainsi que l'explique Etienne de La Boétie.
b)
la servitude volontaire : une stratégie de la domination, non le fait d'une volonté
La Boétie, partant de l'idée que l'homme est naturellement libre, se demande comment les hommes peuvent
accepter la servitude.
Y sont-ils contraints ? Soumis par force ou y consentent-ils ? Selon lui, un tyran n'a de force
que celle que ses sujets lui concède : si l'on cesse d'obéir, le tyran est défait (à qui en effet commanderait-il ?)
Cependant, La Boétie souligne qu'un tel acte demande du courage en ce qu'il exige de se défaire de ses
habitudes, se dégager du poids de la tradition, et non demeurer dans une posture fataliste.
Ainsi, celui qui n'est pas libre l'est volontairement : il ne la refuse pas (car il a toujours les moyens de retrouver
sa liberté naturelle) ; mais on ne peut dire qu'il veut l'être, au sens strict : il ne fait pas le choix d'obéir : il sert.
Il
ne se donne pas pour fin la servitude, il la subit sans protester.
Finalement, la servitude repose sur une démission de
la volonté : elle n'est qu'un consentement passif qui n'a aucune positivité.
Le paradoxe de la servitude volontaire chez LA BOETIE
Si un tyran peut, à l'origine, asservir les hommes par la force et la terreur, il ne peut se maintenir qu'avec leur
consentement.
Les hommes ne sont pas esclaves par contrainte ou par lâcheté, mais parce qu'ils le veulent bien,
car il suffirait de ne plus vouloir servir le tyran pour que son pouvoir s'effondre.
En effet, le tyran est infiniment
faible comparé à la force du nombre : sa seule force, c'est celle que lui offrent ses sujets.
On peut aussi remarquer
que ceux- ci ne manquent pas de courage, car ils pourraient combattre jusqu'à la mort pour leur tyran.
Ils font donc
le choix incompréhensible de lui sacrifier leur liberté, aliénant par là leur être même.
Cette « volonté de servir » peut s'expliquer par le fait que « la nature a en nous moins de pouvoir que la coutume »
: les hommes élevés sous la tyrannie prennent le pli de la servitude.
Le tyran abrutit et corrompt ses sujets par le
principe du pain et des jeux, consistant à« sucrer la servitude d'une venimeuse douceur ».
Il utilise la religion pour
leur inculquer la dévotion, à travers des fables.
La Boétie évoque ici la croyance aux rois thaumaturges, c'est-àdire faiseurs de miracles (on leur prête la faculté de guérir les maladies), mais esquisse aussi une critique de la
théorie du droit divin, ramenée à une histoire qu'on raconte.
Quant aux rares individus éclairés ayant gardé le désir
de la liberté, le tyran les élimine ou les isole par la censure.
Un seul homme ne pourrait jamais asservir tout un peuple sans une chaîne d'intermédiaires grâce à laquelle « le
tyran asservit les sujets les uns par le moyen des autres ».
Le secret de la domination réside en effet dans la
complicité des « tyranneaux », ces « mange-peuples » qui soutiennent le tyran pour satisfaire leur ambition et leur
cupidité.
Chaque maillon de la chaîne accepte d'être tyrannisé pour pouvoir tyranniser à son tour, démultipliant ainsi
la relation de domination jusqu'à enserrer toute la population dans le filet du tyran.
c)
Seule la crainte de penser par soi-même peut faire que l'on accepte de ne pas être libre
(Voir : Qu'est-ce que les lumières ?, 1784)
Ce refus d'être libre, Kant l'appelle « minorité ».
Cette dernière résulte de « la paresse et de la lâcheté » :
elle est le fait d'homme ne se servant pas de leur entendement librement (sont soumis à leurs préjugés ou à la
superstition).
Mais surtout, nous dispensant de tout effort, elle fait de nous les proies idéales de toute sortes de
tuteurs, bien ou mal intentionnés..
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