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Peut-on vouloir être immortel ?

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« INTRODUCTION La conscience du devoir mourir apparaît, pour l'anthropologie et la philosophie modernes, comme une des distinctions radicales entre l'homme et l'animal.

Mais se connaître mortel ne va pas sans difficulté ou douleur.

Aussi n'est-il pas surprenant qu'il se développe dans l'humanité, et sans doute à toutes les époques, un désir d'immortalité.

Ce désir est-il cependant assimilable à une véritable volonté ? I.

Comment échapper à la mort ? • Mythologies et religions ne sont pas les seules formes de la pensée à avoir proposé à l'être humain un espoir d'immortalité : dès Platon, la philosophie affirme aussi l'immortalité d'une partie de l'homme (celle qui aurait le plus de valeur) : l'âme.

La tradition chrétienne prend ensuite la relève pour affirmer que c'est par sa nature même, telle que Dieu la lui a donnée, que l'homme a en lui une dimension intemporelle : il y a donc pour l'âme la possibilité d'une survie éternelle. «Maintenant que nous savons que l'âme est immortelle, il n'y a pas pour elle d'autre moyen d'échapper à ses maux et de se sauver que de devenir la meilleure et la plus sage possible.» Platon, Phédon (Ive siècle av.

J.-C). • La vanité de la vie d'ici-bas impose, si l'on veut pouvoir fonder le sens de l'existence humaine, de dissocier entre deux modalités d'existence: le corps d'un côté, l'âme de l'autre.

C'est ce que fait Platon.

Distinguer le corps et l'âme permet de distinguer entre l'aspect fini (limité) de l'existence humaine, et son aspect infini, qui lui permet de participer à l'éternité du temps. • Il ne faut donc pas craindre la mort, mais il faut craindre que l'âme parte mal éduquée vers l'au-delà, car elle risque alors d'errer indéfiniment au lieu de parvenir rapidement à la contemplation heureuse des Idées éternelles. Cette conception de l'au-delà indique que la seule activité qui ait un sens dans la vie est l'éducation et la recherche de la sagesse, c'est-à-dire la philosophie. • Que peut signifier cette immortalité ? Nécessairement elle désigne un séjour et une vie de l'âme tout autres que ce qu'elle peut connaître dans son existence terrestre. • Cependant, on peut aussi concevoir une immortalité plus « laïque », qui consisterait à rester vivant dans la mémoire de l'humanité future.

(C'est d'ailleurs une théorie de ce genre que l'on rencontre chez Auguste Comte, lorsqu'il affirme la nécessité, pour une société, de conserver la mémoire de ses membres les plus illustres ou les plus nobles, de ceux qui furent pour l'humanité tout entière des exemples durables.) II.

Désir et volonté d'immortalité • Dans son ouvrage classique, F.

Alquié évoque l'existence, dans l'homme, d'un désir, et non d'une volonté d'immortalité.

Désir qui est à l'oeuvre dans la passion, dès lors que le passionné cherche en effet à nier les limites de ce qu'il ressent et inscrit l'intensité de ses affects dans un hors-temps. Alquié a brillamment illustré la thèse psychanalytique en son « Désir d'éternité ».

Le « désir d'éternité », le « refus du temps » dont parle Alquié à propos des passions, c'est la fixation du passionné à des circonstances de son passé dont il est d'autant plus l'esclave qu'il n'en prend pas une conscience claire.

Les passionnés, « prisonniers d'un souvenir ancien qu'ils ne parviennent pas à évoquer à leur conscience claire sont contraints par ce souvenir à mille gestes qu'ils recommencent toujours, en sorte que toutes leurs aventures semblent une même histoire perpétuellement reprise.

Don Juan est si certain de n'être pas aimé que toujours il séduit et toujours refuse de croire à l'amour qu'on lui porte, le présent ne pouvant lui fournir la preuve qu'il cherche en vain pour guérir sa blessure ancienne.

De même, l'avarice a souvent pour cause quelque crainte infantile de mourir de faim, l'ambition prend souvent sa source dans le désir de compenser une ancienne humiliation...

Mais ces souvenirs n'étant pas conscients et tirés au clair, il faut sans cesse recommencer les actes qui les pourraient apaiser.

» La conception de Alquié a été discutée par Pradines.

Ce dernier, tout en reconnaissant que nos premières émotions sont parfois susceptibles d'orienter définitivement nos tendances, se refuse à voir en toute passion l'emprise inconsciente du passé.

Le plus souvent, la passion se présente « plutôt comme l'appétit de sensations inconnues que comme le désir de renouveler d'anciennes expériences ».

La passion charnelle n'est-elle pas « révolte contre l'habitude » ? Sans doute, en sa conscience claire, la passionné aspire à éprouver des sensations nouvelles.

Dans le « coup de foudre », la passion éclate brusquement, s ‘éprouve comme une découverte que rien ne laissait présager.

Mais le témoignage de la conscience du passionné ne nous semble nullement décisif. Les « découvertes », les « révélations » de la passion sont la réponse à une angoisse qui leur préexiste et qui ne trouve sa signification claire que dans les événements de notre passé.

Le « coup de foudre » ne nous introduit pas dans un monde réellement nouveau, mais réveille une ancienne nostalgie.

Si ce visage, inconnu encore de nous il y a seulement quelques instants, nous trouble si fort, n'est-ce pas, comme le dit Alquié, que « nouveau en lui-même, il devient pour nous l'image et le symbole d'une réalité que notre passé a connue » ? Dans le « Phèdre », Platon a parlé de l'émotion amoureuse de l'âme qui tombe en extase devant la beauté.

Mais cette extase soudaine n'est que le retour d'un souvenir.

Réveillée par la présence du Beau, l'âme se souvient moins obscurément de son passé lumineux, avant l'incarnation, au paradis des Idées.

Il est permis de reconnaître en ce mythique paradis,. »

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