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Peut-on soutenir : "à chacun sa vérité" ?

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« Définition des termes du sujet: VÉRITÉ La vérité concerne l'ordre du discours, et il faut en cela la distinguer de la réalité.

Elle se définit traditionnellement comme l'adéquation entre le réel et le discours. Qualité d'une proposition en accord avec son objet.

La vérité formelle, en logique, en mathématiques c'est l'accord de l'esprit avec ses propres conventions.

La vérité expérimentale c'est la non-contradiction de mes jugements, l'accord et l'identification de mes énoncés à propos d'un donné matériel.

On distinguera soigneusement la réalité qui concerne un objet (ce cahier, cette lampe sont réels) et la vérité qui est une valeur qui concerne un jugement. Ainsi le jugement : « ce cahier est vert » est un jugement vrai ou bien un jugement faux.

La vérité ou la fausseté qualifient donc non l'objet lui-même mais la valeur de mon assertion. La philosophie, parce qu'elle recherche la vérité, pose le problème de ses conditions d'accès et des critères du jugement vrai. Soutenir: affirmer, défendre, cautionner. Le verbe "soutenir" est à mettre en question.

Apporter un soutien, c'est croire au point de défendre, ou poser les bases permettant d'étayer cette expression.

Cela voudrait dire que celle- ci ne peut tenir par elle-même.

Il suffit de se référer à la définition philosophique traditionnelle de la vérité, qui pose la vérité comme stable, universelle et intemporelle, pour s'opposer à l'opinion qu'elle pourrait être volatile, individuelle, changeante et soumise à la contingence.

Aussi l'expression "à chacun sa vérité", récupérée par la "sagesse populaire", n'est à la base qu'une déformation peu rigoureuse de l'expression "à chacun ses opinions" qui seule a un sens dans cette conception traditionnelle.

En effet, la vérité étant adéquation avec le réel, et le réel étant pensé comme étant le même pour tous, alors la vérité ne peut être qu'unique.

La philosophie contemporaine a cependant introduit un nouvel éclairage sur ce thème, en mettant en avant le fait que l'esprit humain peut créer la vérité et non la découvrir (Nietzsche, dans une optique un peu polémique, et la plupart des philosophes des sciences, T.S Kuhn par exemple), ou en mettant en avant, par le biais du perspectivisme, que chaque vérité est orientée et que donc plusieurs vérités peuvent se combiner (Althusser et ses travaux sur Rousseau). Lorsque le sophiste dit : « à chacun sa vérité », il semble prêcher la tolérance contre le fanatisme, alors qu'en réalité il cherche à imposer son opinion en manipulant l'esprit des autres et en les privant de tout repère.

De même, si chaque homme « est la mesure de toute chose », si toutes les opinions se valent et valent toutes comme vérité, pourquoi écouter Protagoras? S'il dit vrai, il le dit comme vérité universelle, et par là même il dément ce qu'il énonce. La formule « à chacun sa vérité » n'est donc pas dépourvue d'équivoque, voire de contradictions.

Que signifie-t-elle au juste et que vaut-elle? Peut-on l'accepter? À quelles conditions la vérité semble-t-elle s'effriter en une multiplicité de vérités singulières? Est-il, oui ou non, contradictoire de parler de vérités singulières, plurielles, relatives? Au regard de quelle définition de l'essence de la vérité? Élucidons tout d'abord ce qui peut donner sens à une telle formule, voire la justifier.

Cette formule proverbiale de la « sagesse des nations » doit d'abord s'autoriser de l'expérience. Tout d'abord, chacun fait l'épreuve du caractère irréductible de sa singularité.

Le corps est le premier principe d'individuation et ce qui relève de la sensibilité relève du domaine du subjectif, du particulier et même du singulier. Des goûts et des couleurs on ne peut en effet discuter : ainsi je ne peux prétendre que les autres sentent comme moi.

Chacun reste juge de son propre plaisir ou déplaisir, de ce qui est agréable ou désagréable aux sens.

On peut alors parler de «vérités subjectives » : chaque vécu subjectif est comme tel indubitable, et une sensation, même illusoire, est une sensation réellement ressentie.

Et de même que chacun a de son corps un sentiment singulier, de même chacun tient pour vraies des idées morales ou religieuses, par exemple, parce que grâce à elles, il a le sentiment d'être en présence de « sa vérité, une vérité qui réponde à ses aspirations, comble ses attentes» (E.Mounier).

Il considère ces «vérités subjectives» en ce sens comme plus vraies que les «vérités objectives » et impersonnelles des sciences, même si elles ne peuvent être argumentées comme celles-ci par raisons démonstratives. Ensuite, chacun de nous s'inscrit inévitablement au sein d'une culture particulière.

Même le corps - et d'abord lui est marqué du sceau de la culture jusqu'en ses fonctions les plus biologiques, comme le manifeste le sociologue M. Mauss.

À cet égard, «chacun appelle barbare ce qui n'est point de son usage» (Montaigne, Essais, 30).. »

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