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Peut-on se passer de dogmes ?

Extrait du document

« [Toute vérité peut être remise en question.

C'est là une conséquence de la liberté de la raison.

Les dogmes sont des vérités tenues pour définitives et irréfutables.

Ils servent en fait à justifier un pouvoir politique.

Aucune vérité ne peut être dite rationnelle si elle ne peut être soumise au libre examen de la raison.] Les dogmes justifient le pouvoir Tenus pour infaillibles, les dogmes interdisent le libre examen de la vérité.

C'est la raison pour laquelle ils sont surtout utilisés par les religions pour justifier abusivement un pouvoir intellectuel et politique.

Que l'on songe ici à l'autorité de droit divin.

Cette conception traditionnelle de l'Eglise depuis le Moyen Age s'est surtout développée au XVII- siècle avec des penseurs comme Suarez (« De Legibus »), ou Bossuet (« Politique tirée des paroles de l'Ecriture sainte »).

Elle affirme que le pouvoir civil, loin d'être arbitraire, a bien un fondement, une source qui le légitime: Dieu.

La théorie du droit divin reprend et commente la parole de saint Paul: « il n'y a point d'autorité qui ne vienne de Dieu, et celles qui existent sont constituées par Dieu » (« Epître aux Romains », XIII).

Comment comprendre cela ? Il ne s'agit évidemment pas de dire que Dieu désigne directement les gouvernants.

Mais, de même que les évêques tirent de Dieu leur autorité pastorale bien qu'ils soient désignés par le pape, de même les souverains peuvent bien être désignés selon des voies humaines mais tenir de Dieu, et non des hommes, leur autorité.

La théorie du droit divin n'est pas une conception « magique » de l'Etat.

Dieu y définit un droit politique, un fondement à l'exercice du pouvoir, et n'intervient pas dans le mode de formation de l'Etat. De là plusieurs remarques : 1 - Le droit divin a une portée universelle.

Il faut prendre à la lettre la formule de Paul: s'il n'y a point de pouvoir qui ne vienne de Dieu, il est donc également possible de parler de république de droit divin.

Le droit divin est dans son principe compatible avec toutes les formes d'Etat et de gouvernement. 2 - En fondant l'Etat en Dieu, le droit divin prétend le fonder en raison.

Il n'y a là nul paradoxe. D'une part, le pouvoir a un fondement, et sort donc de l'arbitraire; il a une raison de s'exercer autre que ces causes sans raison que sont le hasard des fortunes, l'accoutumance due à la durée ou l'art des gouvernants. D'autre part, Dieu n'est pas un malin génie qui s'amuse à bouleverser à sa guise l'ordre du monde.

Il est au contraire le garant de la raisonnabilité de l'univers politique, comme il est le garant de la rationalité de l'univers physique.

Les théoriciens de droit divin du XIX siècle (J.

de Maistre, L.

de Bonald) ont particulièrement insisté sur l'idée d'une providence divine conçue comme un ordre universel et rationnel et qui seule peut fournir au politique un fondement acceptable.

Bossuet écrivait déjà en 1670 que « l'autorité royale est soumise à la raison » ; le «Prince», Dieu sur la terre, ne peut, par cette raison même, y faire n'importe quoi. 3 - La théorie du droit divin aboutit à une conception absolutiste de l'Etat, conséquence elle aussi tirée des Écritures Saintes.

S'il n'y a en effet pas de pouvoir qui ne vienne de Dieu, alors « celui qui résiste à l'autorité se rebelle contre l'ordre établi par Dieu » (« Ep.

aux Rom.

», XIII).

L'obéissance au souverain doit se faire sans réserve et il ne saurait exister dans l'Etat aucune instance qui puisse de droit contester ses décisions. Nous verrons au chapitre suivant qu'il serait hâtif de se fonder sur ces thèses pour identifier l'absolutisme étatique au despotisme et ne voir dans le droit divin qu'une ruse pour l'arbitraire de la volonté des tyrans.

Il faut néanmoins noter que la théorie du droit divin implique, avec ses conséquences absolutistes, une double négation.

Premièrement la négation du droit de résistance qui sera inscrit dans la déclaration de 1789 comme un des quatre droits naturels et imprescriptibles de l'humanité.

Deuxièmement la négation de la théorie de la souveraineté du peuple: certes, le droit divin n'est pas en principe incompatible avec l'existence d'une république ou d'une démocratie, puisque sa formulation le fait valoir universellement ; mais il est clair que, si la souveraineté a sa source en Dieu, elle ne saurait l'avoir dans le peuple. C'est à partir de ces deux points, souveraineté du peuple et droit de résistance, que, contemporaine à la théorie du droit divin et contre elle, la théorie du contrat social va proposer un autre modèle de légitimité au pouvoir politique et permettre de poser en des termes renouvelés, et modernes, le problème de l'absolutisme étatique. Les dogmes sont contraires à la raison Les dogmes cachent en fait des idéologies qui visent à établir un pouvoir sur les hommes.

Tout comme les religions, des doctrines telles que le marxisme ou la psychanalyse affirment des vérités qui sont. »

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