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Peut on se fier aux évidences ?

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« Introduction • Est-il possible et légitime d'accorder sa confiance à l'évidence, c'est-à-dire, stricto sensu, à ce qui s'impose à l'esprit avec une telle force qu'il n'est besoin d'aucune autre preuve pour accéder à la vérité ? Évidence vient du latin videre, voir, et désigne ce qui se manifeste avec une telle transparence que nous le voyons littéralement. • Peut-on accorder sa confiance à ce qui entraîne immédiatement l'assentiment de l'esprit ? L'évidence ne peut-elle être trompeuse dans la mesure où elle apparaît comme un critère bien subjectif de vérité ? L'évidence, c'est une présence, certes, mais de quoi exactement ? Si elle signifie le clair et le distinct, ces derniers sont-ils réellement marques de vérité ? Tel est l'un des problèmes essentiels.

Et si le clair et le distinct étaient trompeurs, et ce en raison de leur dimension subjective ? • L'enjeu de la question, ce qu'elle enveloppe pour nous de décisif, nous apparaît manifeste : la confiance en l'évidence peut nous conduire à commettre des fautes graves et à marcher contre la vérité.

L'acte de reconnaître l'évidence n'est-il pas gros de périls multiples ? Évidence et vérité finissent-elles vraiment par se confondre ? Selon la réponse apportée, notre méthode pour chercher le vrai sera de style bien différent. A.

Thèse : on peut se fier à l'évidence Accorder sa confiance à l'évidence, qu'est-ce à dire exactement ? Il ne peut s'agir que de l'évidence rationnelle, à savoir de ce qui se présente si distinctement à l'esprit qu'on ne saurait le mettre en doute.

Pour reprendre les termes mêmes de Descartes, l'évidence est la « conception ferme qui naît d'un esprit sain et attentif ».

Elle ne saurait s'identifier à la fausse transparence de l'idée sensible.

Comment ne serait-il pas légitime de se fier à l'évidence ? Dans l'évidence, nous évitons ce qui a déjà été jugé (le préjugé), nous saisissons ce qui est manifeste à un esprit attentif (le clair) et ce qui est précis et différent des autres idées (le distinct).

Dès lors, on ne saurait le mettre en doute. « Le premier [précepte] était de ne recevoir jamais aucune chose pour vraie que je ne la connusse évidemment être telle ; c'est-à-dire d'éviter soigneusement la précipitation et la prévention, et de ne comprendre rien de plus en mes jugements que ce qui se présenterait si clairement et si distinctement à mon esprit que je n'eusse aucune occasion de le mettre en doute.

» (Descartes, Discours de la méthode, deuxième partie). On peut d'autant mieux se fier à l'évidence que, chez Descartes, par exemple, elle n'a rien d'un sentiment subjectif.

L'évidence semble alors un caractère intrinsèque de la vérité elle-même.

Ici Spinoza rejoint Descartes : qui a une idée vraie sait en même temps qu'il la possède et ne saurait en douter.

Verum index sui : la vérité est à elle-même son propre signe. La vérité est une notion si claire et si évidente qu'il est impossible de l'ignorer. Elle est même une idée innée, car il est impossible d'apprendre ce qu'elle est. On ne peut en effet être en accord ou en désaccord avec celui qui nous en propose une définition, si au préalable on ne sait s'il dit vrai ou faux.

Il faut donc savoir, antérieurement à toute définition, ce qu'est la vérité pour acquiescer ou non à la définition qu'on lui suppose.

Traditionnellement, on peut donc admettre la définition scolastique de la vérité comme adéquation de l'esprit et de la chose (adaequatio rei et intellectus), mais il est impossible de fournir des règles logiques qui nous en montrent la nature propre.

La vérité est par conséquent un accord, une correspondance, un juste rapport, une adéquation, qui se donnent dans l'évidence, la clarté, et la simplicité.

La seule règle de nos vérités est la "lumière naturelle" que nous avons tous en partage : "Le bon sens est la chose du monde la mieux partagée [...] la puissance de bien juger, et distinguer le vrai d'avec le faux, qui est proprement ce qu'on nomme le bon sens, ou la raison est naturellement égale en tous les hommes." Mais si nul ne se plaint de son jugement, rares sont ceux qui se servent correctement de cette lumière naturelle.

Ceci explique que beaucoup s'enferrent dans les mêmes erreurs, et souvent pour les mêmes raisons : la première règle de la méthode nous rappelle qu'il ne faut s'en tenir qu'à la seule et simple évidence, et qu'il faut éviter avec soin la prévention et la précipitation.

Nombreux sont ceux qui préjugent, par impatience ou légèreté d'esprit, au lieu de prendre le temps de considérer avec clarté, distinction et évidence, les données du problème qu'il faut juger.

La découverte de la vérité est à la portée de tous, puisque nous disposons tous du même instrument universel qu'est la raison, mais il convient de s'y employer avec patience et persévérance.

Nous devrions nous fier à la seule lumière naturelle ou intuitus mentis, et nous méfier plus souvent de nos instincts ou impulsions naturelles qui, si elles visent naturellement notre propre conservation, nous mènent souvent bien loin du droit chemin. Les règles de la méthode Le problème de la vérité semble donc se réduire à une question de méthode.

Si la faculté ne fait défaut chez personne, la lumière naturelle ou la raison étant identique en chacun, son application doit être réglée.

La logique, la géométrie et l'algèbre, trois sciences vraies, peuvent servir de modèle pour établir une méthode universelle permettant de s'acheminer sans peine sur la voie de la vérité, à la condition de les débarrasser de leur superflu et de leurs défauts.

La logique est en effet embarrassée de nombreux syllogismes qui ne nous apprennent rien que l'on ne sache déjà.

Le syllogisme explique ou développe la connaissance, mais ne l'étend d'aucune manière.

La. »

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