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Être homme c'est précisément être responsable. C'est connaître la honte devant une misère qui ne semblait pas dépendre de soi. C'est être fier d'une victoire que les camarades ont remportée. C'est sentir en posant sa pierre que l'on contribue à bâtir le

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L'idée de responsabilité implique ordinairement la simple conscience de nos actes, de leur sens, de leur portée; c'est une valeur individuelle. Mais Saint-Exupéry élargit considérablement ce sens : être homme n'est-ce pas aussi prendre conscience des souffrances et des progrès de l'humanité tout entière, humanité dont chacun de nous est partie intégrante et où il a sa place et son rôle à tenir ?  La définition que donne Saint-Exupéry de la responsabilité semble à première vue paradoxale. « Connaître la honte devant une misère qui ne semblait pas dépendre de soi », n'est-ce pas se vouloir à toute force responsable là où l'on est impuissant, là où l'on n'est pas intervenu, où rien de soi-même n'est engagé?  Mais pour l'auteur cette impuissance n'est qu'apparente; peut-être n'est-elle qu'une excuse que l'on se donne. C'est si facile de se débarrasser ainsi d'une préoccupation gênante. Que de fois n'entend-on pas cette petite phrase combien désinvolte : « Que voulez-vous, nous n'y pouvons rien », en conclusion d'un commentaire sur une nouvelle affligeante.  Vercors dans une nouvelle intitulée Désespoir est mort proteste justement contre cette indifférence à la souffrance des autres : une catastrophe ne nous touche vraiment que si elle est proche de notre univers familier; il suffit, pense-t-il, qu'une mer nous sépare du lieu de cette catastrophe pour qu'elle nous devienne étrangère et que nous ne prêtions plus à la voix qui l'annonce qu'une oreille vaguement compatissante.

« Sujet : Être homme c'est précisément être responsable.

C'est connaître la honte devant une misère qui ne semblait pas dépendre de soi.

C'est être fier d'une victoire que les camarades ont remportée.

C'est sentir en posant sa pierre que l'on contribue à bâtir le monde.

Vous étudierez avec soin cette définition de la responsabilité en indiquant dans quelle mesure elle rejoint votre expérience personnelle. L'idée de responsabilité implique ordinairement la simple conscience de nos actes, de leur sens, de leur portée; c'est une valeur individuelle.

Mais Saint-Exupéry élargit considérablement ce sens : être homme n'est-ce pas aussi prendre conscience des souffrances et des progrès de l'humanité tout entière, humanité dont chacun de nous est partie intégrante et où il a sa place et son rôle à tenir ? La définition que donne Saint-Exupéry de la responsabilité semble à première vue paradoxale.

« Connaître la honte devant une misère qui ne semblait pas dépendre de soi », n'est-ce pas se vouloir à toute force responsable là où l'on est impuissant, là où l'on n'est pas intervenu, où rien de soi-même n'est engagé? Mais pour l'auteur cette impuissance n'est qu'apparente; peut-être n'est-elle qu'une excuse que l'on se donne.

C'est si facile de se débarrasser ainsi d'une préoccupation gênante.

Que de fois n'entend-on pas cette petite phrase combien désinvolte : « Que voulez-vous, nous n'y pouvons rien », en conclusion d'un commentaire sur une nouvelle affligeante. Vercors dans une nouvelle intitulée Désespoir est mort proteste justement contre cette indifférence à la souffrance des autres : une catastrophe ne nous touche vraiment que si elle est proche de notre univers familier; il suffit, pense-t-il, qu'une mer nous sépare du lieu de cette catastrophe pour qu'elle nous devienne étrangère et que nous ne prêtions plus à la voix qui l'annonce qu'une oreille vaguement compatissante. Ce que demande Saint-Exupéry, ce n'est pas seulement une pitié, même attendrie; il ne suffit pas d'être ému devant la misère des autres; pour lui il faut communiquer avec ceux qui souffrent et même connaître la honte : honte de se sentir heureux lorsque d'autres souffrent, honte de n'éprouver qu'un intérêt toujours passager au récit du malheur d'un ami, honte de continuer à rire, à vivre, lorsque d'autres pleurent et agonisent. Déjà Vigny, après avoir traversé une crise morale où il avait renié l'une des consolations chères au romantisme (foi en une divinité toujours présente, culte d'une nature bienveillante) éprouvait ce besoin de participer à tous les maux : « J'aime la majesté des souffrances humaines.

» Mais Saint-Exupéry demande plus encore : peut-être est-ce, par exemple, en rentrant chez soi, sûr d'y trouver une table bien servie et en passant devant une affiche de la campagne contre la faim dans le monde, que nous comprenons que « être homme c'est précisément être responsable ». Saint-Exupéry ne se contente pas de ce côté douloureux de la responsabilité humaine, il aborde aussi le thème opposé : si nous avons part aux souffrances de nos semblables, nous avons part aussi à leurs joies, à leurs « victoires ».

Nous pouvons aussi connaître une fierté naturelle, lorsqu'un homme, peu importe lequel, a réussi à aller au-delà des limites humaines, à élargir le champ de nos possibilités. Cette fierté d'une victoire que les camarades ont remportée implique la négation de l'orgueil personnel, de la jalousie mesquine, de l'envie, du dépit de voir un autre réussir mieux qu'on ne l'aurait fait; ce n'est plus le triomphe de l'esprit de compétition, de la concurrence, c'est au contraire le plein épanouissement de l'esprit d'équipe.

Elle comprend la joie du mécano qui par son travail obscur a permis au pilote de battre un record, celle de la laborantine, qui, inconnue, n'en a pas moins conscience d'avoir peut-être contribué à une découverte, même si cette découverte n'a pas été faite dans son propre laboratoire. Il peut y avoir fierté même si c'est l'équipe adverse qui l'emporte, même si c'est un autre pays qui réussit là où le nôtre a échoué.

Pour Saint-Exupéry, être frères ce n'est pas seulement se regarder les uns les autres mais regarder tous ensemble dans la même direction. Ainsi donc chacun participe au progrès de l'humanité tout entière; il y a contribution de chacun à l'œuvre collective. Mais Saint-Exupéry n'entend pas parler seulement de ceux qui remportent des victoires notoires.

Il englobe aussi, comme il l'explique dans Citadelle, l'artisan, l'humble cordonnier qui fabrique des babouches brodées d'or et qui y met toute son ardeur.

Il y a contribution même si la pierre apportée à l'édifice n'a que la dimension d'un caillou. L'auteur de Terre des hommes retrouve là une conception du bonheur, non plus comme le concevait Montaigne par exemple, fondé sur le resserrement, l'individualisme méfiant : « On se prête aux autres.

On ne se donne qu'à soimême.

» C'est un bonheur plus vaste, à la mesure du vingtième siècle où l'homme doit lutter contre l'isolement au sein d'une société qui semble parfois, par sa mécanisation, l'écraser.

L'homme n'a plus seulement des devoirs envers soi-même, il en a avant tout envers les autres. C'est peut-être ce sens d'une vaste et profonde fraternité qui constitue la seule arme contre le déracinement, contre la solitude : c'est peut-être lui qui fait défaut à René de Chateaubriand, à l' « étranger » de Camus, à Joseph K.

de Kafka.

C'est une lumineuse contradiction au mot de Sartre : « L'enfer c'est les autres.

» Ce que veut Saint-Exupéry, c'est une vaste solidarité à l'échelle du monde, c'est une union profonde qui permette à chaque homme de se sentir inclus dans un vaste ensemble où il n'est plus seul, c'est une parenté humaine par-delà les classes sociales, les races, les haines de toutes sortes. A une époque où toutes les valeurs traditionnelles sont remises en question, où les jeunes en particulier se sentent pris par l'angoisse devant un monde menaçant, où ils cherchent à satisfaire un enthousiasme parfois démesuré, ce lien qui unit selon Saint-Exupéry tous les hommes dignes de ce nom, cette conception de la responsabilité de chacun devant tous apporte une certitude, un espoir fervent dans un avenir plus heureux pour l'homme.. »

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